AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de P.D. James (616)


Personne au monde ne savait où elle était, personne ne pouvait la joindre. Aucun véhicule ne passait et, à travers le pare-brise, elle ne voyait que la muraille d'eau et, au-delà, des traînées lumineuses tremblotantes qui indiquaient la présence de maisons lointaines. Généralement, elle appréciait le silence et n'avait aucun mal à tenir son imagination en bride. Elle envisageait sereinement l'opération à venir, tout en étant consciente des risques d'une anesthésie générale. Mais elle se sentait en proie à un malaise plus profond que la simple appréhension due à cette visite préliminaire ou à l'imminence de l'intervention. C'était un sentiment, jugea-t-elle, trop proche de la superstition pour être agréable, comme si une réalité qu'elle avait ignorée ou refoulée jusque-là s'imposait progressivement, exigeant d'être reconnue.
La rivalité sonore de l'orage rendait vaine toute tentative pour écouter de la musique ; elle se laissa donc aller contre le dossier de son siège et ferma les yeux.
Commenter  J’apprécie          50
Le mardi 27 novembre à quatorze heures, Rhoda était prête à partir pour son premier séjour à Cheverell Manor. Ses derniers articles avaient été rédigés et remis à temps, comme toujours. Elle n'avait jamais pu quitter sa maison, fût-ce pour une nuit, sans que tout soit en ordre, le ménage impeccablement fait, les poubelles vidées, les papiers rangés dans son bureau, la fermeture des portes intérieures et des fenêtres vérifiée. Le lieu qu'elle considérait comme son foyer devait être impeccable avant son départ, comme si ce souci du détail garantissait qu'elle y reviendrait saine et sauve.
En même temps que la brochure du manoir, on lui avait remis un plan pour se rendre dans le Dorset, mais comme elle le faisait toujours quand l'itinéraire ne lui était pas familier, elle avait noté les étapes sur un bristol qu'elle placerait sur le tableau de bord. Il y avait eu des éclaircies au cours de la matinée, mais malgré son départ tardif, elle mit du temps à sortir de Londres et au moment où, près de deux heures plus tard, elle quitta la M3 pour s'engager sur la route de Ringwood, le jour déclinait déjà. Le crépuscule s'accompagna de violents bourrasques de pluie qui, en l'espace de quelques secondes, se transformèrent en averse diluvienne. Tressautant comme des créatures vivantes, les essuie-glaces n'arrivaient pas à écarter cette masse d'eau. Elle ne voyait devant elle que la lueur de ses phares sur un ruissellement de plus en plus dense. Elle ne distinguait que très peu d'autres véhicules. Elle jugea plus prudent de s'arrêter et scruta le bord de la route à travers un mur de pluie, cherchant un accotement stable, recouvert d'herbe. Quelques minutes plus tard, elle put se diriger précautionneusement vers quelques mètres de terrain plat, devant le lourd portail d'une ferme. Ici, au moins, ses roues ne risquaient pas de s'enfoncer dans un fossé caché ou dans de la boue spongieuse. Elle coupa le moteur et écouta la pluie qui martelait le toit comme une grêle de balles. Sous ce déluge, la BMW était un havre de paix métallique, qui accentuait encore le tumulte extérieur. Elle savait qu'au-delà d'invisibles haies taillées s'étendait une des plus belles campagnes d'Angleterre, mais pour le moment, elle se sentait murée dans une immensité à la fois étrangère et potentiellement hostile. Elle avait éteint son portable, avec soulagement, comme toujours.
Commenter  J’apprécie          50
S'il a été tué, j'espère que son assassin pourrira en prison pendant le reste de ses jours.

Il n'en sera rien, bien entendu.

Nous avons si vite fait d'oublier les morts et de pardonner aux vivants.

Nous éprouvons peut-être le besoin de témoigner de notre miséricorde
parce que nous sommes désagréablement conscients
que nous pourrons en avoir besoin un jour pour notre usage personnel.
Commenter  J’apprécie          50
Un dernier tournant et elle se retrouva soudain devant Nightingale House. Elle écrasa les freins de surprise. C'était une bâtisse extraordinaire, énorme édifice victorien en brique rouge crénelé, attestant une véritable folie ornementale, et que couronnaient quatre grandes tourelles. Brillamment éclairé dans la sombre lumière de janvier, elle eut l'impression, après la nuit du tunnel, de voir apparaître un étincelant château de contes de fées.
Commenter  J’apprécie          50
Aucun de nous ne supporte une trop forte dose de réalité. Personne. Nous nous créons tous un monde vivable.
Commenter  J’apprécie          50
Charlotte n'avait pas été l'ainée d'une famille nombreuse sans acquérir un certain savoir-faire en matière de travers masculins et la méthode dont elle usait avec son mari était ingénieuse. Elle le félicitait constamment pour des qualités qu'il ne possédait pas dans l'espoir que, flatté par ses éloges et son approbation, il finirait par les acquérir.
Commenter  J’apprécie          40
Le monde est un lieu magnifique et terrible. Des actes d'horreur s'y commettent à chaque instant et pour finir, ceux que nous aimons meurent. La défense peut paraître frêle face aux horreurs du monde, mais nous devons nous y cramponner et y croire, car c'est tout ce que nous avons.
Commenter  J’apprécie          40
C'est une erreur de vivre jusqu'à l'âge où, le matin, on n'accueille plus la lumière avec joie et soulagement, mais avec déception et avec un sentiment qui ressemble fort au désespoir.
Commenter  J’apprécie          40
Il se dit que c'étaient les vieillards qui faisaient notre passé. Quand ils partent, il semble pendant un moment que ni ce passé ni nous n'avons plus d'existence réelle.
Commenter  J’apprécie          40
Les morts sont hors d'atteinte du mal, celui qu'ils font et celui qu'on leur fait.
Commenter  J’apprécie          40
Elle pensait à Londres comme un marin pense à la mer; c'était son élément naturel, mais sa puissance était redoutable, et elle l'affrontait avec méfiance et respect.
Commenter  J’apprécie          40
Je suis allé voir cette pièce uniquement pour faire plaisir à Emma qui, à ce moment-là, traversait une phase culturelle. La pièce était lourdement symbolique. Le garage représentait la Grande-Bretagne, le capitalisme, l'impérialisme, à moins que ce ne fût la lutte des classes. Je me demande si l'auteur lui-même le savait. C'était le genre de pièce à remporter un grand succès auprès des critiques. Tous les personnages parlaient comme des analphabètes et, une semaine plus tard, je ne me rappelais plus un seul mot du dialogue.
Commenter  J’apprécie          40
Nous n’avons pas cherché à nous aimer, mais nous ne l’avons pas non plus évité. Après tout, on ne renonce pas volontairement au bonheur à moins d’être un masochiste ou un saint, et nous ne sommes ni l’un ni l’autre.
Commenter  J’apprécie          40
La réaction de son père lorsqu'il lui avait annoncé son choix professionnel n'en était pas, il le soupçonnait, à sa première déclamation. "Lorsqu'on choisit un métier, il n'y a que deux choses importantes : il faut qu'il favorise le bonheur et le bien-être d'autrui tout en t'apportant de la satisfaction.
Commenter  J’apprécie          40
En plus, j’ai l’impression que le week-end sera intéressant. Une maison pleine de gens qui se détestent tous ne peut être qu’explosive.
Commenter  J’apprécie          40
Le village était distant de six kilomètres et une demi-heure s’écoula avant l’arrivée de l’agent Taplow. C’était un homme d’âge mûr, trapu, dont la corpulence naturelle était accentuée par les couches de vêtements qu’il estimait indispensables à une sortie à bicyclette un soir de décembre. Bien que la neige eût cessé de tomber, il insista pour laisser sa bicyclette dans le vestibule malgré la désapprobation silencieuse mais manifeste de la famille ; il appuya soigneusement l’engin contre le mur et tapota doucement la selle, comme s’il mettait un cheval à l’écurie.
Commenter  J’apprécie          40
Il n'y a qu'une seule façon de traiter les flics. Ne rien leur dire. Rien. Que ces salauds découvrent la vérité tout seuls. Qu'ils travaillent un peu pour mériter leurs retraites indexées.
Commenter  J’apprécie          40
[...] ... Et quand il eut atteint Le Jugement dernier, il se figea devant l'horreur qui gisait à ses pieds. Le sang. Il était là aussi, dans le lieu même où il cherchait asile, aussi rouge que dans son cauchemar. Il ne jaillissait pas mais s'étalait en flaques et en ruisseaux sur le dallage. Il ne coulait plus ; il semblait frémir et devenir visqueux sous ses yeux. Le cauchemar n'était pas fini, mais le lieu d'épouvante n'était pas de ceux que l'on quitte au réveil. A moins qu'il ne soit devenu fou. Il ferma les yeux et pria : "Mon Dieu, aide-moi." Puis son esprit conscient reprit le dessus et il ouvrit les yeux, s'obligeant à regarder.

Ses sens, incapables de saisir l'ensemble de la semaine, en prenaient connaissance par bribes, détail après détail. Le crâne fracassé ; les lunettes de l'archidiacre reposant à côté, intactes ; les deux chandeliers placés de part et d'autre du corps, comme dans un acte de mépris sacrilège ; les mains de l'archidiacre, ouvertes, semblant se retenir à la pierre, plus blanches et plus délicates qu'elles ne l'étaient de son vivant ; sa robe de chambre violette, tout imprégnée de sang. Le Père Martin leva enfin les yeux sur Le Jugement dernier. Le diable qui dansait au premier plan avait à présent des lunettes, une moustache et une courte barbe, et son bras droit était allongé dans un geste grossier de défi. Par terre, il y avait une boîte de peinture noire et un pinceau posé sur son couvercle. ... [...]
Commenter  J’apprécie          40
Passant lentement devant des paysages de Paul et John Nash,
il songea que le cataclysme de sang et de mort de 1914-1918
avait engendré une aspiration nostalgique à une Angleterre baignée de calme bucolique.

Il contemplait une campagne d'avant le désastre,
recréée dans la tranquillité et peinte dans un style qui,
malgré toute sa diversité et son originalité,
trahissait un traditionalisme accusé.

C'était un paysage sans personnages ;
les bûches soigneusement empilées contre les murs des fermes,
les champs cultivés sous des cieux cléments,
la bande de plage déserte,
étaient autant de rappels poignants d'une génération disparue.

On aurait dit que ces hommes avaient abattu leur besogne quotidienne,
rangé leurs outils et, doucement, pris congé de la vie.
Commenter  J’apprécie          40
Je me méfie toujours un peu quand on prétend qu'un péché est justifié s'il s'agit d'aider quelqu'un que nous aimons. Nous le croyons peut-être, mais c'est en général dans notre propre intérêt. Je pourrais craindre d'avoir à soigner un patient atteint de la maladie d'Alzheimer. Quand nous prônons l'euthanasie, est-ce que c'est pour éviter des souffrances, ou pour nous éviter de les voir ? Concevoir un enfant uniquement pour le tuer et utiliser ses tissus, c'est une idée absolument répugnante.
Commenter  J’apprécie          40



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de P.D. James Voir plus

Quiz Voir plus

P.D. James

Comment s'appelle-t-elle réellement ?

Phillys Dorothie James
Phyllis Dorothie James
Phillys Dorothy James
Phyllis Dorothy James

10 questions
64 lecteurs ont répondu
Thème : P.D. JamesCréer un quiz sur cet auteur

{* *}