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4/5 (sur 5 notes)

Nationalité : États-Unis
Biographie :

Nell Kimball naît en 1854 dans une petite ferme de l’Illinois. Sans doute sa verdeur, son bon sens et sa rudesse trouvent-ils leurs racines dans son enfance frustre et misérable. Afin d’échapper à la pauvreté, elle se prostitue à Saint-Louis. En 1880, elle devient tenancière de maison close, d’abord à La Nouvelle-Orléans, puis à San Francisco, pour revenir à Storyville, quartier réservé de La Nouvelle-Orléans, qui est fermé en 1917. Elle meurt en 1934, deux ans après avoir rédigé ses Mémoires, qui ne sont publiés que quarante années plus tard aux États-Unis, pour des raisons de censure.

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
La première règle à observer, c'est que l'hôte doit être à l'abri de tout esclandre, de toute cause de scandale. Vous ne croirez jamais à quel point, passé un certain âge, la tranquillité d'esprit est indispensable à l'homme pour tirer convenablement sa crampe.
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[...] les choses se passaient comme je le raconte- pas comme dans les bordels qu'on a pu voir dans les livres, au théâtre et ces derniers temps au cinéma. Là, il n'y a rien de réel, juste l'idée que les hommes se font des maisons de plaisir, l'idée que le micheton moyen se fait de personnes dont il ne connaît rien, sinon à travers les rêves que nous étions censées réaliser pour lui.
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Si je regarde derrière moi – j’ai malheureusement passé l’âge de regarder devant – je m’aperçois que rien dans ma vie ne s’est déroulé conformément aux attentes de la majorité des gens. Ayant débuté ma carrière à quinze ans, à Saint Louis, dans la peau d’une jeune putain ne nourrissant d’autre ambition que d’avoir quelque chose de consistant à se mettre sous la dent et quelque chose de beau et de chaud sur le dos, j’ai fini par devenir une femme d’affaires, une administratrice de lupanar, recrutant et formant les jeunes putains, exerçant toujours dans les lieux les mieux fréquentés. Et me demandant toujours pourquoi ça s’était passé de cette façon plutôt que d’une autre. Mais je peux le dire aujourd’hui, s’il m’est arrivé d’avoir du remords, je n’ai jamais eu de regret.

À l’époque où, à La Nouvelle-Orléans, juste avant de prendre ma retraite, j’administrais ma dernière maison, régentant mes filles et mes hôtes, je me disais que je n’avais rien à envier à un Pierpont Morgan dictant sa loi à Wall Street ou à un Buffalo Bill monté sur son cheval blanc et fracassant dans les fumées du bourbon des boules de verre pour le ravissement des michés.

 

Je regrette de ne pas avoir gardé de photos de ma dernière maison. Tous ceux que j’ai reçus pourraient en témoigner, il n’y avait pas en ville d’endroit mieux fréquenté. Je n’avais lésiné ni sur le verre de Venise autour des becs de gaz, ni sur les tentures de velours rouge sang tombant du plafond jusqu’au plancher, ni sur les filles que j’avais personnellement sélectionnées et fait venir d’endroits aussi reculés que Saint Louis et San Francisco – huit en tout, plus deux café au lait pas trop foncé que je donnais comme espagnoles ; de toute façon, personne n’avait envie de chicaner à partir du moment où on avait pu tranquillement tremper son biscuit ou se faire brouter la tige en paix.

Si on veut monter une maison qui tourne – et j’en ai monté trois avant de me retirer, en 1917 – il faut un minimum de jugeote et une grande dose de prévenance pour les habitudes, manies légères et sentiments de confort dont aiment à s’entourer les clients. Du côté de l’estomac, je traitais au mieux mes hôtes, et je m’étais attaché une cuisinière, Lacey Belle, qui demeura des années durant avec moi. Elle s’occupait de tout ce qui concernait le marché, aidée par deux nègres qui ramenaient les produits frais aussitôt achetés. Lacey Belle était un vrai cordon-bleu : elle vous proposait au choix des plats créoles, français ou américains ; on ne pourra pas me reprocher d’avoir donné des aigreurs d’estomac à qui que ce soit. Les filles et les messieurs mangeaient ce qu’il y avait de mieux. L’argenterie était de bon aloi et la cristallerie irréprochable, le vin servi dans des bouteilles bien poussiéreuses et correctement étiquetées pour les clients qui savaient ce qu’ils voulaient. Les hommes qui se rendent dans une maison ne le font pas uniquement parce que la queue les démange : ils ont souvent besoin d’un peu de chaleur, quitte à en acquitter le prix. À l’intention de ceux qui n’étaient pas portés sur un cru particulier, j’avais une provision de bouteilles fantaisie régulièrement remplies d’un vin rouge ou blanc tiré des fûts d’un fermier cajun. Le whisky était le meilleur bourbon du Kentucky, et Harry, mon cocher-barman-factotum, était capable de préparer les gin-fizz, tom-collins, horse’s neck et autres mélanges qu’un type pouvait se mettre en tête de demander, histoire de montrer qu’il était allé aux courses à Saratoga, à Churchill Downs ou à Hot Springs.
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e n’eus pas besoin de simagrées compliquées ou de mines à trémolos pour arriver à ce que je voulais. C’est Konrad lui-même qui me le proposa, une nuit. On était au lit, à siroter de la liqueur de prunelle avec de l’eau de Seltz, depuis déjà quelque temps. Le jour se levait presque, les bruits du matin commençaient à remplacer ceux de la nuit. J’étais bien, je me sentais tout alanguie. Konrad était gentil, c’était un homme à qui je pouvais parler. Comme beaucoup d’autres, il m’avait demandé comment j’en étais arrivée à faire la putain. Je ne lui avais pas raconté les histoires habituelles de vertu perdue aux mains d’une brute, de virginité profanée. Je n’avais pas davantage essayé de l’attendrir sur le triste sort de la femme qui se sent rejetée par la société. Les putains ont l’habitude dans ces cas-là d’inventer des mélodrames abracadabrants, au point qu’on se demande comment un homme en âge de beurrer une tartine sans s’en mettre plein les doigts peut arriver à les croire. À Konrad j’avais parlé de la ferme, des champs envahis pas la mauvaise herbe, du travail quotidien dès l’aube, à la lanterne. Je lui parlai d’une vache qui s’était cassé une patte un jour, du froid des hivers quand la terre toute bleue et grise et gelée vous encercle de partout, des ratatouilles de maïs et de viande séchée qu’on mangeait en guettant l’arrivée du printemps, les premières pousses vertes. Les grincements des essieux mal graissés, le sifflement de la scierie qui vous vrille les oreilles, les allées et venues entre le moulin et le bazar du croisement. Je lui parlai de Charlie. Depuis l’époque, déjà lointaine, où il m’avait plantée sans un sou sur le pavé, je lui gardais un sacré chien de ma chienne.

Il y avait des années que je n’avais pas parlé de ces choses, et voilà que j’étais en train de tout déballer sur le lit d’un bordel, à un homme avec qui j’étais occupée à batifoler, il y avait une demi-heure seulement… Mais c’était plus fort que moi, toute ma vie passée me remontait à la gorge – la chasse aux ratons laveurs la nuit à la lanterne, les brochets et truites de boue qu’on avalait, les sacs de farine charriés à dos depuis le moulin, les courses pieds nus dans les champs pleins de bestioles qui mordaient et piquaient, les heures passées sur la véranda branlante à rêvasser, sans rien faire. Et toujours cette impression que rien ne pouvait changer, qu’on continuerait de lécher la graisse au fond du poêlon, cloués à vie dans notre cambrousse. Je ne sais pas combien de temps a duré mon monologue.
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