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Citations de Nancy Huston (1149)


Par la grâce de la littérature, le monde entier peut tenir dans ta cellule minuscule. (...) C'est donc derrière les barreaux que tu découvres le miracle de l'art, qui se nourrit du malheur et répand le bonheur.
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Toute l’histoire du bronzage est une telle arnaque, Shayna ! Tu as sûrement remarqué que les milliards de Marrons dans le monde ne passent pas de longues heures à se prélasser sur les plages, hein ? Il n’y a que les Beiges pour faire des choses pareilles. Mais en fait c’est un phénomène très récent, ça n’existe que depuis quelques décennies. Pendant des siècles, au contraire, l’Occident a chanté les louanges de la peau d’albâtre. Alors que Joseph, Marie et Jésus étaient évidemment des Palestiniens basanés, tous les artistes de la Renaissance ont choisi de les peindre en pâle. Blancheur rimait avec pureté, ailes d’ange – surtout chez les femmes, dont les robes, jupons et autres mouchoirs en dentelle se devaient d’être aussi blancs que leur âme –, il suffit de penser à Othello et Desdémone, n’est-ce pas ? Les mêmes métaphores ont fleuri tout au long de l’époque des Lumières, jusqu’au romantisme XIXe y compris : Goethe, Byron, Tennyson, Longfellow, Shelley, toute la clique ! Et pourquoi ? Eh bien, c’est simple : un teint foncé était associé aux paysans qui trimaient du matin au soir sous le soleil, c’est-à-dire à la pauvreté, alors que la peau claire dénotait une existence indolente et casanière c’est-à-dire la richesse. Mais ensuite débarque la révolution industrielle et brusquement ça s’inverse : au lieu d’être des paysans tannés, les classes inférieures sont des travailleurs blêmes, maladifs et rachitiques, enfermés seize heures par jour dans les mines et les usines. Du coup, pour se distinguer, les classes supérieures ne doivent plus s’éclaircir la peau mais au contraire se la foncer ! Et alors que leur peau avait blanchi à force de vivre pendant des millénaires dans des climats froids, ils décident de lui infliger de force une teinte brun or sensuelle en l’exposant au soleil ! C’est apparemment Coco Chanel qui a lancé la mode dans les années 1920, et ça s’est étendu comme un feu de brousse pour gagner les classes aisées partout en Occident. À partir de là, le fait d’avoir la peau marron (tout en restant officiellement beige, naturellement) vous désignait comme riche, capable de dépenser des sommes faramineuses pour traîner sur des plages tropicales ou dans des instituts de bronzage. Naturellement, ce brunissement acharné de leur peau ne rendait pas les gens moins racistes – ne les empêchait pas, par exemple, de voter pour que leurs précieux fils beiges soient exemptés du service militaire, ou contre les cars scolaires censés transporter les enfants marrons vers les quartiers beiges… 
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Non seulement la langue étrangère décourage bavardages et péroraisons, elle empêche de se prendre trop au sérieux. Dans mon cas au moins, le
fait de parler français avec un accent, de jouer " la francophone ", me donne une distance salutaire par rapport à tous mes autres « rôles » dans l’existence, depuis celui d’écrivain jusqu’à celui de mère. Dès que je
me mets en colère contre un de mes enfants, par exemple, mon accent empire et j’ai du mal à trouver mes mots : cela déclenche l’hilarité en face et, au bout d’un moment, je suis obligée de rire moi aussi.
Alors il est où, le vrai soi ? Hein ? Si l’on arrache carrément le masque, à quoi ressemble le visage qu’il révèle ? Le problème, c’est que quand un visage humain passe par plusieurs années sous un masque, il a tendance
à se transformer. Non seulement il vieillit mais, à force de manquer de lumière et d’oxygène, il devient blême, flasque, bouffi.
Vous retournez là-bas et les gens n’en croient pas leurs oreilles. C’est ça ta langue maternelle ? T’as vu l’état dans lequel elle est ? Mais en fin, c’est pas possible ! Tu as un accent ! Tu n’arrêtes pas d’introduire dans ton anglais des mots français. C’est ridicule ! Tu fais semblant ou quoi ?
Tu essaies de nous épater avec ta prestigieuse parisianité ? Allez, ça ne marche pas, on n’est pas dupes, on sait que tu es anglo-saxonne comme tout le monde… Parle normalement ! Arrête de faire des fautes ! Arrête de chercher tes mots ! Tu les as, tes mots, tu les a avalés avec le lait maternel, comment
oses-tu faire mine de les avoir oubliés. Parle tout droit enfin, parle naturel, parle anglais !!!!
Oui, je veux bien … mais … quel anglais. là encore.
J’ai plein d’anglais maintenant, de même que j’ai plein de français. » (pages 38, 39, 40)
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Il découvre Patrizia seule à la cuisine, de dos, les rubans de son tablier noués en joli nœud autour de sa fine taille italienne, les longs cheveux noirs remontés en chignon pour éviter qu’ils ne tombent dans les aliments, une courte jupe noire serrée mettant en valeur les courbes de ses fesses ; le sexe de Sean remue dans son pantalon et, venant derrière elle, il fait glisser ses mains sur les os iliaques de Patrizia et jusque sur son abdomen. Il a toujours considéré qu’elle avait les os iliaques les plus extraordinaires dans l’histoire de la gent féminine, deux saillies douces à travers le tissu noir de sa jupe. (« J’aime tes seins aussi, faut pas croire », lui avait-il susurré une fois, du temps où ils étaient amants, conscients que les femmes ayant allaité pouvaient être sensibles au sujet de leurs seins… )
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Les autres ne doivent pas savoir que je suis le roi , Soleil unique et fils unique, Fils de Google et de Dieu, Fils immortel et omnipotent de la Toile, WWW à l'envers MMM: à par Ma Mère Miraculeuse, à qui j'en ai donné les aperçus, personne ne soupçonne la brillance, le rayonnement, la fabuleuse radiation de mon cerveau qui un jour, va transformer et sauver l'univers.
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Aucun régime politique ne pourra jamais maîtriser ce phénomène-là. Platon aurait beau chasser de sa République poètes et dramaturges ; aucun tyran, dictateur, monarque ou président ne pourra bannir les rêves, cauchemars, fantasmes et délires, toute cette activité fébrile par laquelle notre cerveau concocte des histoires et y prête foi, afin que notre existence soit non seulement une existence mais une vie, afin qu'elle nous semble suivre une trajectoire, correspondre à un destin, avoir un Sens.
Jamais ne pourra être dompté l'inénarrable cerveau conteur qui fait notre humanité.
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-Tu sais maman, quand tu t'es moquée de moi parce que j'avais des cerises sur les joues, mon coeur a pleuré et son coeur s'est brisé. Et puis le coeur de mon coeur a pleuré et son coeur à lui s'est brisé. Et pareil pour tous mes coeurs, jusqu'au dos.
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On dirait que sa voix raconte une histoire - non seulement l'histoire de sa vie mais celle de toute l'humanité avec ses guerres et ses famines, ses combats et ses épreuves, ses triomphes et ses défaites, tantôt elle se déverse en vagues menaçantes comme l'océan gonflé d'une tempête, tantôt elle est comme une chute d'eau, dégringolant la falaise et rebondissant sur les rochers pour se précipiter dans un chaos d'écume vers la sombre vallée luxuriante au-dessous.
Elle dessine autour de ma tête des cercles d'or comme les anneaux de Saturne, se balance follement de haut en bas comme la danse du french cancan, se lamente et frémit, s'insinuant autour d'un fa grave comme le lierre autour d'un tronc d'arbre, pour se plonger enfin dans les eaux bleu cristal de l'accord de sol majeur, que répète la main gauche de Peter ... Je suis transportée.
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Parler, ce n’est pas seulement nommer, rendre compte du réel ; c’est aussi, toujours, le façonner, l’interpréter et l’inventer.
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Les êtres humains sont des magiciens qui s’ignorent.
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‘phem’ c’est ‘parler’ comme dans ‘blasphème’, et ‘eu’ c’est l’exact contraire de ‘blas’, c’est « bien »; donc un euphémisme c’est un joli mot qu’on colle sur une chose moche

(p.39)
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Nancy Huston
Les gens qui se croient dans le réel sont les plus ignorants, et cette ignorance est potentiellement meurtrière.
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Je n'arrive pas toujours à appliquer à ma vie les préceptes de mes livres, mais tout ce livre est l'histoire de gens qui ne savent pas désespérer.

Romain Gary à la radio à propos des Cerfs volants
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En d'autres termes, les femmes se servent des avantages de leur subjectivité accrue non seulement pour asseoir leur indépendance économique et affective, mais pour s'objectiver plus que jamais auparavant. Plus elles gagnent de l'argent, plus elles en dépensent pour leur beauté : en 2009, interrogées sur leurs priorités, une majorité d'adolescentes britanniques disent dépenser deux fois plus pour leur apparence que pour leurs études. "D'un côté, dit Gilles Lipovetsky, le corps féminin s'est largement émancipé de ses anciennes servitudes, qu'elles soient sexuelles, procréatrices ou vestimentaires ; de l'autre, le voilà soumis à des contraintes esthétiques plus régulières, plus impératives, plus anxiogènes qu'autrefois. En effet, c'est une femme plus sujet qui, seule, peut se rendre plus objet ; jamais les hommes dominants n'auraient pu obtenir un tel résultat massif.
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Mamie Sadie est handicapée et juive orthodoxe à la différence de tous les autres membres de la famille. Elle porte une perruque parce que pour les femmes juives orthodoxes seul leur mari a le droit de voir leurs cheveux, sinon les autres hommes pourraient les convoiter et vouloir les baiser hors des liens sacrés du mariage.
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D’accord, aller dans un pays étranger, c’est souvent intéressant. Mais c’est aussi déstabilisant. Angoissant. Déboussolant. Je ne sais pas comment on fait pour l’oublier. Chaque fois que je traverse une frontière, je me rappelle : Ah oui. C’est comme ça encore. La détresse de l’étranger.

(Babel, p.76)
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Dès que nous nous laissons tomber sur le lit et commençons à nous déshabiller avec la délicieuse maladresse de l'impatience, je comprends que Kamal connaît aussi la passivité, qu'il est capable de se tenir immobile et de s'offrir à moi, pleinement éveillé et attentif, comme un violoncelle s'offre à l'archet, s'arc-boutant il m'abandonne son visage, ses épaules, son dos et son derrière, attendant que j'en joue, et j'en joue, oh que j'en joue, la plupart des hommes redoutent de se livrer ainsi alors que, si l'on est fin un tant soit peu, on peut goûter l'exquise passivité même aux moments les plus violents de l'étreinte. Dans un délire de désir retenu, je soupèse caresse et lèche les bourses de Kamal, puis je prends son sexe dans mes mains, entre mes seins, dans ma bouche, se rasseyant il s'empare de moi et je le laisse s'affairer à son tour de sa langue et de ses lèvres sur mes seins, ma nuque, mes orteils et mon ventre, explorer les nombreux trésors de mon entrejambe, ô merveille de la langue sur le sexe, les lèvres sur le sexe l'un de l'autre, en même temps ou l'un après l'autre ou alors l'un seulement, cette fois, et l'autre, une autre, jamais je ne me lasserai de cette fluidité argentée, le sexe nageant dans le bonheur tel un poisson dans l'eau, l'être libéré de l'un, de l'autre, sensations frémissantes, charnelles et roses palpitations qui vous détachent de toute couleur et de toute chair, font voir des étoiles, des voies lactées, vous propulsent sans corps ni âme dans l'espace ondulant, les cieux ondulants faisant onduler votre corps qui n'existe plus.
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"L'être humain est ainsi : il est capable de faire du beau avec du moche et du moche avec du beau. Les artistes ne sont pas des saints et les saints ne sont pas des artistes. Même si ça ne nous arrange pas, ce paradoxe nous caractérise en profondeur."
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Nous sommes coupables dès que nous nous levons le matin : d’où viennent les oranges de notre jus d’orange, le café de notre café, le chocolat de notre chocolat, et le chrome de la radio que nous allumons pour écouter les mauvaises nouvelles du jour ? Tout en nous affranchissant fièrement des dogmes de la religion, nous nous sommes fabriqué un péché originel bien à notre image : insidieux, omniprésent, hégémonique.
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Les enfants sont à la merci des fictions que les adultes leur racontent. Ils n’ont d’autre choix que de les prendre pour argent comptant, surtout quand les parents ont l’air de les percevoir comme sacrées.
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