Citations de Milena Agus (556)
D'après maman en effet, dans une famille, le désordre doit s'emparer de quelqu'un parce que la vie est ainsi faite, un équilibre entre les deux, sinon le monde se sclérose et s'arrête. Si nos nuits sont sans cauchemars, si le mariage de papa et maman a toujours été sans nuages, sij'épouse mon premier amour, si nous ne connaissons pas d'accès de panique et ne tentons pas de nous suicider, de nous jeter dans une benne à ordures ou de nous mutiler, c'est grâce à grand-mère qui a payé pour nous tous. Dans chaque famille, il y a toujours quelqu'un qui paie son tribut pour que l'équilibre entre ordre et désordre soit respecté et que le monde ne s'arrête pas.
Et moi j'écris des histoires, parce que quand le monde ne me plait pas , je me transporte dans le mien et je suis bien.
Si un lecteur me dit qu'il a pleuré et ri en lisant une de mes histoires, je suis heureuse. Car c'est ainsi que je vois la vie, misérable et merveilleuse, et communiquer exactement ce que je sens me comble. (p. 53)
Tout le monde était persuadé qu'un homme de cinquante ans ne regarde jamais une femme de son âge, mais ces raisonnements valaient pour les choses du monde. Pas pour l'amour. L'amour ne s'attarde ni sur l'âge ni sur rien qui ne soit l'amour.
Tout était si étranger et si sombre, sous ce ciel plein de nuages, qu'elle pensa être arrivée dans l'au-delà, parce que seule la mort pouvait être ainsi.
Elle savait que Dieu était fâché contre elle car il lui avait donné plein de belles choses et elle n'avait pas réussi à être heureuse.
... Felicita en était sûre : sa grand-mère avait compris que la terre promise n’était somme toute pas si éloignée de l’endroit où elle avait passé sa vie, et qu’au fond il suffisait d’un petit effort pour franchir les bornes de son univers familier et accéder à un monde extraordinaire, juste à côté.
La plupart des gens refusent d’admettre l'évidence. Ils se cramponnent à un monde qui ne peut plus durer. Prenez les industries. Quel sens cela a-t-il de sauvegarder des industries polluantes ? Pour les emplois ? Et après ? Et le climat ? Bientôt, ici [en Sardaigne], dans ce qui était un paradis climatique, nous aurons nous aussi des déluges, des ouragans, des tempêtes et des inondations. Puis il y aura des épidémies. La catastrophe, on y est déjà jusqu’au cou.
Avec lui, elle n'avait honte de rien, pas même de faire pipi ensemble pour éliminer les calculs, et comme pendant toute sa vie on lui avait dit qu'elle semblait débarquer de la lune, elle eut l'impression d'avoir finalement rencontré quelqu'un du même pays et c'était la chose principale de la vie, celle qui lui avait toujours manqué.
Au fond, en amour, il s’agit peut-être au bout du compte de se fier à la magie, on ne peut pas dire qu’on puisse trouver une règle, quelque chose à suivre pour que tout se passe bien.
... grand-mère s’étonnait toujours de la bizarrerie de l’amour qui, s’il ne veut pas venir, ne vient pas au lit, ni même à force de gentillesse et d’attentions, et il était étrange qu’on n’eût justement aucun moyen de le provoquer alors que c’était la chose la plus importante.
"Si je devais ne jamais te rencontrer, fais qu'au moins, je sente le manque de toi."
Pensée d'un soldat dans le film "La ligne rouge"
L'histoire dit que nous les sardes on n'est pas des marins, qu'on s'est retirés à l'intérieur des terres par peur des Sarrasins, alors qu'on aurait pu construire une flotte et les affronter au lieu de se sauver dans les montagnes.
Il suffit de regarder ma mère. Mon grand-père a beau avoir été un vrai homme de mer, elle ne va que là où elle a pied et patauge de manière pathétique sans avancer d'un pouce.
[...] en fin de compte que savons-nous vraiment des autres, [...]. Bref, que pouvons-nous savoir, vraiment, même des personnes les plus proches.
Il lui a dit qu'avec tous ses tracas, il ne s'était pas aperçu que l'endroit où il était était fabuleux [...] Mais comment, jusque-là, remarquer la mer qui change de couleur avec les saisons et semble badigeonnée d'un turquoise corrigé d'une pointe de vert sous le soleil, tandis que plus loin, elle est saphir, plus loin encore bleu nuit, autour des rochers à fleur d'eau, d'un azur nouveau-né ?[...]
Comment remarquer tout cela, dit Abdou, quand il y a des humiliations, la faim, la nostalgie ? Les arbres, par exemple, n'étaient qu'une chose verte produisant des fruits.
"Et si nous embrassions nos sourires ?" proposa grand-mère, alors ils échangèrent un baiser liquide, interminable, et le Rescapé lui dit ensuite que cette même idée, des sourires qui s'embrassent, était venue à Dante au chant cinq de l'enfer pour Paolo et Francesca, qui s'aimaient et qui n'auraient pas dû.
...elle qui était comme le portemanteau de ses vêtements tellement elle aurait voulu à ce moment-là ne pas exister comme personne.
Papa dit que nous avons une fausse idée de la stabilité. Que la stabilité pour nous c'est rester sans bouger. Alors qu'être stable c'est être stable dans le mouvement.
Il aimait sa mère, mais elle lui était étrangère et quand elle lui demandait comme ça s'était passé, il répondait: "normalement, m'man." Alors grand-mère lui disait que cela n'existait pas, normalement, que les choses étaient forcément d'une façon plutôt que d'une autre, on voyait qu'elle en faisait une maladie, qu'elle était jalouse quand après, attablés tous les trois avec grand-père, les choses du monde prenaient cette façon que grand-mère avait indiquée.
Il lui disait que la vie allait ainsi, avec des choses horribles, mais aussi avec d'autres, magnifiques.