Entretien radiodiffusé et télévisé du général DE GAULLE avec Michel DROIT à l'Elysée.Contexte politique : le 30 mai, une immense manifestation s'est déroulée sur les Champs-Elysées, des manifestations analogues ont eu lieu en province pour soutenir l'action du gouvernement du général DE GAULLE pendant les évènements de Mai. Le mouvement de grèves s'arrête progressivement.[Observations] : ce document fait partie d'un ensemble de documents recensés dans l'inventaire du 13/02/1974 comme étant en Enfer avec la mention "sujet non diffusé".
J'exècre les imbéciles pour qui l'ancien combattant qui se souvient, et le montre par un détail vestimentaire ou les décorations qu'il porte lors d'une cérémonie semblable, passe toujours pour le vieux fossile radoteur dont il est de bon ton de rire, entre marioles à qui on ne la fait pas. D'autant moins, pour tout dire, qu'ils n'ont, le plus souvent, pas fait grand-chose eux-mêmes.
Jeudi 22 août 1968
Sur les Champs-Elysées, des touristes tchèques achètent des journaux, lisent les titres, regardent les photos et pleurent.
L'un me dit :
- Nous pensions tellement que, cette fois, nous allions être libres.
On reste muet.
Les journaux, la radio nous apprennent qu'à Prague, les jeunes patriotes tentent symboliquement de résister aux chars, en jetant des volées de pierres sur leurs blindages.
Plusieurs sont déjà tombés sous les balles.
Ici, quelques demi-soldes de mai, en rupture de contestation, ont le front d'assimiler ce combat désespéré et meurtrier à leur dérisoires gambades face aux CRS.
Jeudi 2 juillet 1970
Les journaux arrivant avec retard de Paris m'apprennent, à Djerba, la mort de Pierre Mac Orlan, survenue samedi dernier.
En dehors de son alerte cardiaque de l'an passé, il n'avait jamais vraiment souffert des diminutions physiques et cérébrales de l'âge. A 88 ans, il n'avait rien oublié de sa vie, et tenait au sol campagnard de Saint-Cyr-sur-Morin comme un pilier de rugby à une pelouse basquaise.
Avant hier, je pensais que si nous allions à Foum-Tatahouine, ancien domaine réservé des Bat' d'Af', où doivent rôder encore les fantômes du Camp Domino, j'essaierais de trouver une carte postale du coin et l'enverrais au père Mac, ainsi que je l'avais fait, un jour, de Tempico, où flottait l'ombre de Margaret du Havre.
Marchant sur la longue plage de sable blanc, il me semble entendre au bruit des vagues, la voix de Germaine Montero chantant La Belle de Mai sur les paroles de Pierre :
"Il m'écrit de Foum-Tatahouine
Que c'est un bien triste patelin
Je montre ses lettres à mes copines
Il montre mes lettres à ses copains."
23 mai 1968
Hier, à Amsterdam, Cohn-Bendit déclarait :
- "Le drapeau français est tout juste bon à être déchiré pour qu'il n'en reste que le rouge. Et si nous sommes allés manifester à l'Arc de Triomphe, c'est parce que c'est un monument con".
Dès lors, je me pose une question.
Empêche-t-on Cohn-Bendit de rentrer en France pour des raisons d'ordre public, ou pour épargner à ce petit Boche joufflu et bedonnant de se faire fesser en public, place de la Sorbonne, par quelques étudiants français "contestataires" de ses propos ?
De Gaulle, ce général aussi respectueux de la démocratie que réservé sur certains de ses produits, a rendu la paix aux français en même temps que l'indépendance.
Samedi 22 mars 1969
...je me précipite à l'Elysée où j'ai rendez-vous avec le Général.
Il est 18h30 quand je pénètre chez lui.
Debout derrière son bureau, il ressemble à un menhir.
- Il paraît que vous rentrez de RCA (République centrafricaine), me dit-il. Pourriez-vous donc m'expliquer pour quelle raison cet excellent Bokassa s'obstine à m'appeler "Papa" ?
Jeudi 29 janvier 1968
J'enregistre pour RTL une émission-débat portant sur la littérature, le théâtre, le cinéma.
Il doit y être question du nouveau livre de Simone de Beauvoir, La femme rompue, chef-lieu commun du sexisme - ou de l'anti-sexisme, au choix - pour public phallophobe, et de la platitude pleurnicharde pour Club des Esseulées.
J'avais pensé que la perspective d'avoir à défendre Simone de Beauvoir contre un de ses vilains détracteurs ferait se dresser, comme une seule femme, toutes ses disciples en ce genre de littérature. Déception. Quatre se sont déjà défilées, sans se donner trop de mal pour trouver une excuse valable. Claire Etcherelli, Prix Fémina avec Elise ou la vraie vie, se dévoue finalement. Simone de Beauvoir vient, il est vrai, de l'interviewer longuement dans Le Nouvel Observateur.
Face à Bernard Pivot, elle fait ce qu'elle doit et ce qu'elle peut, avec ce qu'elle est. Bref, l'ascenseur qu'elle renvoie grince entre les étages.
1 juin 1968
Il est près de huit heures. Le Général n'a pas l'air pressé de me voir partir. Bien carré dans son fauteuil, il semble prêt à parler de tout.
Je lance un peu au hasard :
- Abel Bonnard est mort.
- Oui. Dire que le Maréchal avait confié l'Université à ce vieux pédéraste !
Samedi 6 septembre 1969
On inaugure à Périgueux un monument à la mémoire d'André Maurois, et c'est Maurice Druon qui prononce le discours.
Il dit, avec sa flamme et sa fidélité, ce que nous avions envie et besoin d'entendre, en particulier lorsqu'il s'en prend à certains critiques imprudemment sûrs d'eux-mêmes, et qui semblent toujours faire un dédaigneux grief à Maurois de son succès, en le portant au compte de sa facilité.
A un moment, Druon s'écrie :
"Du fond de quelles chapelles parlent ces censeurs qui feignent de repousser une foule qui jamais ne songea à beaucoup les presser ?"
C'était l'heure émouvante où le petit jour s'apprête à succéder, comme le début d'une trêve, à la nuit mystérieuse et meurtrière de l'Afrique fauve; l'heure incertaine où, dans les vapeurs grises flottant encore sur le paysage, vont bientôt se renouer les premiers ballets d'antilopes; l'heure délicate où tous les parfums des plateaux et de la plaine, légers ou capiteux, commencent à monter de la terre et de la végétation pour se confondre à nouveau dans l'air qu'ils embaumeront bientôt; l'heure de liberté où chacun peut faire dire aux chants des oiseaux qui s'appellent et se répondent tous les mots et même toutes les courtes phrases que son imagination ou son rêve se plaisent à leur prêter.