Citations de Maurice Herzog (93)
L'adversité oblige à tirer le meilleur de soi-même. A l'appel d'un instinct de survie, les aptitudes de tous ordres qui subsistent se trouvent mystérieusement mobilisées. Les forces de compensations illimitées de la nature font le reste. Les épreuves de la réhabilitation sont résolument surmontées. Et surtout, par un effet de prodige, des vocations inattendues s'ouvrent, des occasions inespérées se présentent, un monde différent se révèle. L'homme ainsi enfanté exige dès lors de s'accomplir et de mettre en oeuvre ses aspirations et ses dons.
On parle toujours de l'idéal comme d'un but vers lequel on tend sans jamais l'atteindre.
Sans l'Annapurna et les tourments endurés, je n'aurais jamais découvert le monde et les hommes tels qu'ils m'apparaissent aujourd'hui. L'expérience, qu'à mon corps défendant j'ai vécue, est sans prix. Ce que j'ai perdu n'est rien à côté de ce que j'ai gagné.
A eux tous, je dis qu'au-delà des souffrances sans nom se profile nécessairement, enrichi par le malheur, un être nouveau, mieux armé moralement que l'ancien.
Tous, nous sommes hélas appelés à vivre un jour des événements tragiques dont les répercussions en nous peuvent devenir incalculables.
Lorsque la mort ne voulut plus de moi, le mythe du phoenix se mit à hanter mes esprits. Ma carcasse réhabitée par quelqu'un d'autre, bizarrement se réanimait. Effectivement, une" autre" personne naissait en moi. Ce nouvel être tient aujourd'hui à apporter un message d'espoir à ceux qui se trouvent dans l'infortune.
Il y a d'autres Annapurna dans la vie des hommes.
La brume, les flocons qui tombent, le tapis de neige se confondent dans une même couleur blanchâtre qui trouble la vue. Les hautes silhouettes des séracs prennent des formes fantastiques et semblent se mouvoir lentement autour de nous.
Cette pierre brune, la plus haute; cette arête de glace... sont-ce là des buts de toute une vie? S'agit-il de la limite d'un orgueil?
Le coucher de soleil est merveilleux : les parois des Nilgiri et de l'Annapurna sont dorées, puis orangées, enfin pourpres; le ciel est d'une pureté absolue, il fait froid : tout cela est bon signe.
Deux jeunes filles, particulièrement jolies et gracieuses, lavent du linge à la source; elles sont propres, coiffées avec soin, portent un sari de travail en cotonnade. Les mouvements qu'elles font en battant nous permettent d'admirer leurs corps souples et bien faits.
Un peu plus loin, nous apercevons les pentes supérieures du Dhaulagiri striées de glace bleue. L'arête sud-est qui descend sur nous et sur laquelle nous fondions quelque espoir s'allonge sans fin, aiguë comme une lame de couteau, hérissée de tours de glace et de corniches neigeuses. Imprenable, vue d'ici.
Le sentier côtoie les précipices. A travers des conifères, on distingue à peine les eaux furieuses et grondantes de la Krishna Gandaki; des cascades au débit puissant jaillissent de temps à autre des parois calcaires. Nous gagnons insensiblement de l'altitude, nous le sentons à divers indices; le pas se fait lourd, l'allure de la caravane ralentit.
Une immense pyramide de glace, étincelant au soleil comme un cristal, se dresse à plus de 7000 mètres au-dessus de nous! La face sud, bleutée par l'atmosphère et les brumes matinales, est sublime et irréelle.
L'alpinisme est un moyen d'expression. Ce qui le justifie, ce sont les hommes qu'il permet d'obtenir, ses héros et ses saints.
Préface - Lucien Devies
Etincelant de roc et de glace, le monde fascinant des cimes est un catalyseur. Il suggère l'infini, mais n'est pas l'infini. L'altitude ne nous donne pas ce que nous apportons nous-mêmes.
Préface - Lucien Devies
La marche est épuisante.Chaque pas est une victoire de la volonté.
Étrange mentalité que celle de ces hommes dont la droiture et le dévouement sont proverbiaux et qui assurément aiment à se trouver en haute montagne et qui pourtant, au moment de cueillir les fruits de longs efforts, de réservent prudemment. Mais, après tout, notre mentalité à nous leur parait sans doute beaucoup plus étrange encore.
Qui donc n'a pas eu dans sa vie, à un moment ou à un autre, un idéal dont il a rêvé?
Mais la victoire acquise marquait le début d'un renouveau. Le début d'une autre vie. Sans en avoir conscience, j'étais déjà un autre homme. Celui que la souffrance engendrait. Pourtant, dans les moments de désespoir, la sérénité l'emportait sur la peur, et la compassion sur la misère.