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Citations de Maurice Genevoix (383)


Je devrais, tout au long de ces pages, n'être rien d'autre qu'un porte-parole, le témoin qui transmet un message par lui reçu. Mais le souci d'être fidèle va m'entraîner un peu au-delà.
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_ guerrière, l'Allemagne ? Barbare, l'Allemagne ? Qu'en savez-vous ?...
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 — Un bon temps, disait-il. Possible qu’on avait plus de mal, qu’on vivait moins gras qu’aujourd’hui, le ventre plat et les joues creuses. Mais quoi, on vivait tout de même. Quand les fièvres vous faisaient guerlotter, on se couchait par terre en attendant que ça vous quitte. Et puis après ? On était jeune, ou je l’étais, ça revient au même. Et tellement plus libre, allons ! sans tous ces gardes, sans tous ces hommes du Saint Hubert que font venir les proprios, et qui traînent déguisés à travers le pays. Les étangs ? Elles étaient à tout le monde. Les landes itou, et les taillis, où un chacun pouvait faire passer ses vaches à sa guise…
Le vieux, jusqu’à la noirté de la nuit, laissait couler ses souvenirs. Et c’était, avec eux, toute la Sologne d’autrefois, celle d’avant les pineraies, d’avant les routes et les chemins de fer, qui se reprenait à vivre. Et il semblait à Raboliot qu’il avait connu, comme Touraille, les longues friches où daillait le bétail, les pentes couvertes de broussailles et d’ajoncs avec des marais dans les creux, où de maigres brebis pressaient leurs dos laineux autour du berger immobile, un taciturne qui connaissait toutes les étoiles et savait la prière aux loups. 
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Puisque la guerre, décidément, s'accroche au monde comme un chancre, qui sait si ne viendra un temps où le monde aura pris l'habitude de continuer à vivre avec cette saleté sur lui ? Les choses iraient leur train, comprends-tu, la guerre étant là, tolérée, acceptée. Et ce serait le train normal des choses que les hommes jeunes fussent condamnés à mort
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Qu'est-ce que nous sommes ? Des Français à qui leur pays a demandé de le défendre, ou simplement des brutes de combat ?
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Chaque pas qu'ils font les rapproche de ce coin de terre où l'on meurt aujourd'hui, et ils marchent. Ils vont entrer là-dedans, chacun avec son corps vivant ; et ce corps soulevé de terreur agira, fera les gestes de la bataille ; les yeux viseront, le doigt appuiera sur la détente du lebel ; et cela durera, aussi longtemps qu'il sera nécessaire, malgré les balles obstinées qui sifflent, miaulent, claquent sans arrêt, malgré l'affreux bruit mat qu'elles font lorsqu'elles frappent et s'enfoncent – un bruit qui fait tourner la tête et qui semble dire : « Tiens, regarde ! » Et ils regarderont ; ils verront le camarade s'affaisser ; ils se diront : « Tout à l'heure, peut-être, ce sera moi ; dans une heure, dans une minute, pendant cette seconde qui passe, ce sera moi. » Et ils auront peur dans toute leur chair. Ils auront peur, c'est certain, c'est fatal ; mais, ayant peur, ils resteront
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« Se mettre en boule » , tous les les piquants dehors, ce n’est pas braver son prochain, c’est refuser d’être écharpé, bouilli, mangé. Du moins pour le hérisson.
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Ces jardins, cette eau verte et rose, ce doux soleil sur les murettes de pierres, ces floraisons légères et tendres, c'était comme un printemps soudain, comme un sourire charmant de la terre et de la saison qui fut venu à leur rencontre.
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Aux branches des bouleaux, les feuilles multipliaient leurs piécettes translucides, d'un vert tout doré de soleil.
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Et je me demandais avec un affreux serrement de cœur, en regardant cette foule harassée, ces reins ployés, ces fronts inclinés vers la terre, lesquels de ces enfants habillés en soldats portaient déjà, ce soir, leur cadavre sur leur dos ?
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Bonjour ! C'est moi ...
Deux bons,bons vieux , lui a dit le fils. Deux vieux vignerons des côtes du Cher,cassés,les deux bouts ensembles comme nos vignerons de la Bonne- Dame.Ils tremblent un peu l'un et l'autre, le vieux du catère des vignerons, la vieille de tendresse maternelle. Il répond à leurs questions sans fin,il les comble,il les aime déjà .
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Nous rendîmes compte le lendemain matin. Des quatre sections de la compagnie, la mienne était la moins éprouvée : vingt et un hommes tués ou blessés sur un effectif de soixante. C'était beaucoup, mais j'avais bonne conscience. Or, au lieu de l'assentiment que j'attendais, je n'eus qu'un regard étonné, soupçonneux, et un mot qui m'indigna : "Que çà ?"
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L'homme se tait. Une autre voix, tout de suite, fait écho à la sienne. Il faut qu'ils parlent, dès qu'ils ont commencé. On ne peut pas toujours se taire. Il y a des soirs où les pensées se bousculent et font mal, où l'on souhaite les sortir de soi, une à une, et les regarder bien en face.
Des pensées... Ils sont ensemble ; ils pensent ensemble, pauvrement, dans le soir sale qui descend.
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Il annonçait,les dents un peu serrées :
-Je le maintiens.....je le ramène....je le fatigue.....je le noie....
Il pensait cependant à des choses héroïques,à la ballade du duel ,dans Cyrano:

Où vais-je t’amener,brochet?
Dans les verbiaux?sur les cailloux?

Aux apostrophes du Cid Campéador:

Mes pareils à deux fois ne font point connoistre
Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maistre.


Brochets
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Najard maintenant est mort,d'avoir eu trois fils à la guerre. Jeanneret le compagnon d'enfance à été tué,médecin,devant Vauquois,une nuit qu'entre les lignes il s'avançait au secours des blessés. Bailleul,blessé de guerre,a revu bien souvent les yeux de Jeanneret,les yeux verts où pendant l'étude il aimait retrouver la transparence de la Loire estivale. Lui-même a bien failli mourir ;en certaines heures,il doute s'il est vivant. Avec une ferveur timide,il lui arrive de revoir la boite de Najard,et d'oser l'entrouvrir encore,de ses doigts qui tremblent un peu:des doigts gourds et blessants,de pauvres doigts infirmes. Comment toucherait-il à ces choses ,sans les flétrir,sans les tuer davantage. Que Najard et Jeanneret lui pardonnent. Mais son enfance,pourra-elle pardonner?
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Être gai, savoir l’être au plus âcre des souffrances du corps, le rester lorsque la dévastation et la mort frappent durement auprès de vous, tenir bon à ces assauts constants que mènent contre le cœur tous les sens surexcités, c’est pour le chef un rude devoir, et sacré. Je ne veux point fermer mes sens pour rendre ma tâche plus facile. Je veux répondre à toutes les sollicitudes du monde prodigieux ou je me suis trouvé jeté, ne jamais esquiver les chocs quand ils devraient me démolir, et garder malgré tout, si je puis, cette belle humeur bienfaisante vers laquelle je m’efforce comme à la conquête d’une vertu.
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Nous marchons, chassés en avant par une poussée inouïe dont j’éprouve seulement alors la sensation nette. Nous sommes courageux et nous voulons bien faire ; mais où sont nos canons qui feraient taire ceux-là ? Nous sommes bousculés, nous cédons. Et doucement une impression naît en moi s’affirmant jusqu’à m’accabler je nous sens petits en face de cette force.
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Debout près d'elle, le front contre la vitre, je laisse mes yeux vagabonder par la plaine somptueuse et douce. Toute la Woëvre s'offre à eux, vaste comme la mer et vivante comme elle. Le pied des collines y plonge à travers le foisonnement des arbres, jusqu'à la bigarrure des champs. Les prés sont verts sur le rivage, les bourgades blanches et roses, les bois pourpres et dorés. Des étangs pâles, qu'une buée fine dépolit, semble une frange d'écume laissée par la caresse des vagues ; longues vagues bleues qui moutonnent au loin, jusqu'à d'aériennes collines entraperçues à limite de regard, baignées de ciel, flottantes sur l'horizon comme la silhouette d'une autre terre. A travers l'étendue des bouquets d'arbres émergent, pareils à des îlots luxuriants ; des routes s'allongent, blancs sillages. Quand on les suit des yeux, on découvre bientôt des pointes de clochers qui s'effilent, aiguës comme des mâtures de voiliers. Les têtes rondes des saules, sur la brume exhalée des rivières, ont l'air de grosses bouées qui dérivent. Lointaines, des fumées glissent, étirées sur la fuite d'invisibles steamers. Et le soleil déjà haut, épanoui en plein azur, laisse ruisseler de toutes parts l'averse fastueuse des rayons. Leur poudroiement nimbe l'étendue ; des reflets s'allument, des eaux scintillent, des feuillages miroitent, une prairie glauque luit, comme une houle au flanc poli. Et je songe, immobile, presque sans un souffle, tandis que je contemple la Woëvre pleine de clartés, au "sourire innombrable" de la mer.
"Beau temps, mon lieutenant ?"
Pannechon, debout contre moi, s'incline aussi vers la fenêtre.
"Dommage que tout ça grouille de Boches !"
Je réponds, agacé :
"Laisse-moi tranquille !" (p 459-460)
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Une marche craque, un glissement de pantoufles frôle la porte ; une petite femme très maigre se dresse sur le seuil et nous dévisage sans mot dire.
"Bonjour, madame", salue Pannechon dans un sourire.
Bouche close, elle va droit à l'armoire, et de tout près, attentivement, elle examine les vantaux, la serrure.
"V'nez voir un peu là."
Elle ne s'est même pas retournée ; mais elle a parlé si bref que Pannechon lui a obéi.
"C'est vous qu'avez abîmé mon armoire ?
- Moi ?
- Bien sûr, c'est vous ! J'étais pas loin ! Y a personne qu'a pu monter depuis l'officier qu'est là...
- J' dis pas qu' c'est pas moi... Et après ?"
Pannechon, résolument, fait tête en se croisant les bras. Déjà il s'est ressaisi ; et même un début de sourire frémit au coin de ses narines.
"Vous énervez pas, madame. Tout c' que vous allez pouvoir dire, je l' sais. Mon lieutenant m'a déjà expliqué...
- Vo'e lieutenant !... Est-ce que c'est à lui, mon armoire ? Est que c'est à lui la maison ?
- C'est pas à vous non plus, c'est à un gendarme.
- C'est à mon oncle ; et tant qu'il n'est pas là, c'est à moi... Et puis d'abord... Ah ! mais... Ah ! mais...
Elle s'est mise à marcher par la chambre, en proie à une colère qui blêmit son visage et fait bégayer sa parole. Elle se retourne, vient droit à moi :
"Laissez-nous les deux, monsieur ! Elle est pas à moi, l'armoire ? J'aurais pas l' droit d' causer, ici ?... Ah ! c'est comme ça ! Eh ben ! on va voir !"
Elle me pousse presque sur le palier, referme la porte dans mon dos. J'entends, en descendant, glapir sa voix suraiguë, des pas précipités qui font geindre le plancher ; et aussitôt, en croyant à peine mes oreilles, un bruit de coups qui grêlent en avalanche.
J'ai failli remonter, pour jouir de l'étonnant spectacle. La discrétion l'a emporté. J'ai achevé de descendre, songeant :
"Il ne se laissera toujours pas tuer." (p 451-452)
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Maurice Genevoix
"I' peuvent y aller, maintenant ! On est garé !"
En effet, les branches des pruniers accrochés au faîte du talus tendent un écran qui monte à chaque pas que nous faisons. Il efface sous son gribouillis d'abord les pentes fauves de Combres, puis la crête d'un noir bleuté, puis le col, enfin la butte pâteuse qui, la seconde d'avant, soulevait à nos yeux l'échine de la colline. Les hommes s'arrêtent près du talus. ils arrachent des poignées d'herbe mouillée, en frottant leurs mains engluées de boue fraîche. Et cependant les caporaux, à coups d'appels, reprennent possession de lurs escouades respectives.
"Cerfeuil ! Où qu'est Cerfeuil ?...
- Ho ! Cerfeuil !
- Tenez, là-bas, visez-le !"
Des rires roulent en ouragan. Des mains se tendent, montrant une espèce de boule, un paquet de vêtements qui s'agite au milieu du pré.
"Tu parles d'un bide !
- Hardi, le Bombonne !
- Jamais d'la vie i' pourra s'arracher !
- I'va s'faire moucher, l'pauv'e gros !
Penses-tu ! Les balles a' s'noyeraient dans sa graisse."
Mais un nouveau coup de feu glace les rires. Cerfeuil, enlisé jusqu'aux genoux, le bas de sa capote trop longue baignant déjà dans le bourbier, s'épuise en élans furieux de l'encolure et des épaules. Alors Butrel s'avance vers moi :
"J'vas l'pêcher, mon lieutenant ?..."
Des acclamations lui coupent la parole, qui saluent la délivrance de Cerfeuil : une dernière convulsion l'a jeté à la terre ferme ; il arrive en trottinant, le ventre secoué, le sac de travers, le fusil dansant à l'épaule. Et, comme les boutons qui tenaient relevés les coins de sa capote ont craqué à ses soubresauts, les pans du vêtement rabattus flottent autour de ses jambes comme une jupe.
"Tu vas voir, dit Grondin ; i'va s'prendre les pieds dans ses cottes et s'fout'e par terre avant d'arriver.
- Non !
- Si !
- Ca y est !
- Dis, t'as vu ? Il a r'bondi comme du caoutchouc !"
Cerfeuil se relève, nous rejoint. La sueur lui coule à travers le visage, brouille ses yeux et trempe ses moustaches, qu'il assèche du plat de sa langue.
"tu parles d'un biseness", dit-il.
Et ses joues gonflées de rire brillent d'un luisant gras, comme si elles étaient ointes de vaseline fondue. (p 375-376)
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