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Citations de Marthe Robert (24)


Le déclin du langage est apparemment un phénomène chronique de l’histoire, qui suscite les mêmes plaintes à chaque génération.
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Le roman se distingue de tous les autres genres littéraires, et peut-être de tous les autres arts, par son aptitude non pas à reproduire la réalité, comme il est reçu de le penser, mais à remuer la vie pour lui recréer sans cesse de nouvelles conditions et en redistribuer les éléments.
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Je devrais être très affectée par l'énorme masse de livres à lire, que je n'ai pas lus, et pourtant je ne le suis pas, car pour les uns, c'est trop tard de toute façon, pour les autres il sera toujours temps, et pour beaucoup enfin, je me console facilement de les ignorer en considérant tous ceux que j'ai sans cesse envie de relire, et que je relis en effet quelquefois jusqu'à la nausée.
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Les grands livres changent la vie, les bons l'éclairent, les mauvais l'attristent non seulement parce qu'ils sont mauvais, et qu'ils prolifèrent, mais parce qu'ils ont toujours quelque côté par où l'on pourrait les avoir écrits.
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Or à en juger par la volumineuse littérature spécialisée, c'est exactement le contraire qui se produit : plus le genre vieillit et s'étend, en accentuant encore son caractère foisonnant, insaisissable, anarchique, et plus on éprouve le besoin de lui dicter des règles de conduite, une discipline, une morale -, bref de forcer sa nature en restreignant, quand ce n'est pas en niant sa liberté. (p.25)
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Comme je n’en finis pas de m’interroger sur la littérature et, surtout, sur les rapports exacts des choses écrites avec la vie, je me propose de consigner ici, dans une sorte de journal non daté les remarques et les questions qui me viennent à l’esprit en relation avec ce que je lis, sans tenir compte du genre des textes ni même de leur qualité.
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Le degré de réalité d'un roman n'est jamais chose mesurable, il ne représente que la part d'illusion dont le romancier se plaît à jouer.
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2ème Idée : Le roman est un genre renié, il est discrédité, les lecteurs de romans sont honteux d’en lire.

Il est encore dans un tel discrédit que Daniel Defoe, qui passe pourtant pour lui avoir donné son premier élan, récuse par avance toute assimilation de son chef-d’œuvre à ce sous-produit de la littérature, qu’il juge tout au plus » bon pour les goujats », et condamné en somme par son public.

A l’en croire, Robinson Crusoé doit être tenu pour une histoire vraie, alors que le roman est un genre faux voué par nature à la fadeur et à la sensiblerie, fait pour corrompre à la fois le cœur et le goût.

Ce jugement péjoratif n’avait d’ailleurs rien de nouveau; au siècle précédent il obligeait les gens de qualité à se cacher pour lire leurs livres favoris, ceux-là mêmes qu’ils déclaraient publiquement indignes des lettrés. Il règne encore dans l’esprit de Diderot, lui aussi romancier honteux, comme il paraît dans Jacques le fataliste, où il démonte les procédés habituels de la narration romanesque de manière à faire apparaître leur part énorme d’arbitraire et de convention. Le philosophe est même tellement prévenu contre le roman que dans l’Éloge de Richardson, où il est pris entre son admiration pour le romancier et le dédain du genre qu’il illustre, il va jusqu’à demander un autre nom pour les ouvrages de cet auteur, celui de roman étant trop bas pour les désigner.
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C'est pourquoi la cure analytique a une ligne de conduite toute tracée, quelque cas qu'elle doive traiter : il lui faut fortifier le Moi, afin de le mettre à même d'imposer son ordre aux deux puissances obscures et rebelles. Discipliner et contrôler le chaos du Ça ; réduire les exigences du Surmoi à une mesure raisonnable, c'est là tout le travail de l'analyse, un travail, dit Freud, qui n'exige pas moins de dépense que l'assèchement du Zuyderzee ou n'importe quelle tâche ardue de l'humaine civilisation.
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Comme tout homme, Freud avait hérité la morale de son milieu familial et de la petite bourgeoisie dont il était issu -- morale à la fois simple et rigide où le Bien se résumait en une répression des instincts, et où le mal coïncidait presque entièrement avec la liberté ou la licence des mœurs. Quand l'étude des névroses le conduisit à découvrir les principes fondamentaux de la psychanalyse, il avait quarante ans, sa jeunesse était passée, sa vie d'homme, sinon sa pensée, depuis longtemps engagée dans une voie qu'il n'avait aucune raison de renier.(...). Comme toutes les grandes choses, les idées de Freud ont été durement gagnées sur les préjugés, les peurs, le conformisme.
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(...) Pendant cette période, il se comporte comme n'importe quel écrivain débutant qui, tout en ayant une très forte conscience de ses dons, redoute confusément d'être inférieur à ses ambitions.
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La littérature en son sens le plus profond n'existe pas en dehors de l'intense circulation d'images, d'émotions et d'idées qui crée autour des œuvres et de leurs auteurs une atmosphère spéciale d'admiration et de ferveur. Qu'on l'admette ou non aujourd'hui, elle suppose toujours pour qui l'aime une foi parfaitement déraisonnable, un enthousiasme quasi religieux qui pousse l'esprit le rassis non seulement à révérer les écrivains pour le don qu'ils ont de révéler et de signifier la vie, mais, contre tout bon sens, à croire dévotement à des types et à des êtres fictifs, qu'ils paraissent plausibles ou qu'ils se donnent eux-même pour fantasmagoriques. Avec ses prophètes, ses saints, ses martyrs et quelquefois ses démons, la littérature vit de la croyance de ses adeptes les plus passionnés en ces "ailleurs" qu'elle a l'art de susciter. Et quoiqu'elle n'est pas de dogmes à proprement parler - le culte lui suffit -, elle a ceci de commun avec la théologie qu'elle ne s'explique jamais sur les fondements de son autorité. C'est pourquoi la fière devise de l'anarchie libertaire: ni dieu, ni maître, ne peut pas lui être appliquée, sauf à détruire en elle ce qui fait jusqu'à nouvel ordre se seule vraie nécessité.
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8ème Idée : Conclusion de Robert Marthe : qu’est-ce que le Roman ?

Il est certain que le roman se distingue de tous les autres genres littéraires, et peut-être de tous les autres arts, par son aptitude non pas à reproduire la réalité, comme il est reçu de le penser, mais à remuer la vie pour lui recréer sans cesse de nouvelles conditions et en redistribuer les éléments. Le roman a une dimension sentimentale et sociale. Il a besoin de l’amour comme moteur puissant des grandes transformations de l’existence.

Le roman ne dit pas lui-même ce qu’il est, mais ce qu’il veut, ce à quoi il tend à travers la croissance apparemment arbitraire de ses formes et de ses idées. C’est donc là qu’il faut se hasarder, non pas certes pour l’enfermer une fois de plus dans un code abstrait, mais pour tâcher de retrouver le noyau primitif qui seul peut-être explique sa culture et sa sauvagerie, sa puissance collective, son individualisme, et l’unité profonde qu’il affirme jusque dans sa situation de genre déréglé.
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6ème Idée : Le roman est un genre indéfini et c’est ce qui le défini.

A la différence du genre traditionnel, dont la régularité est telle qu’il est non seulement assujetti à des prescriptions et à des proscriptions, mais fait par elles, le romans est sans règles ni frein, ouvert à tous les possibles, en quelque sorte indéfini de tous côtés. C’est évidemment la raison principale de son expansion continue, celle aussi de sa vogue dans les sociétés modernes, auxquelles il ressemble au moins par son esprit inventif, son humeur remuante, sa vitalité. Mais théoriquement, ces possibilités quasi illimitées entraînent un manque de définition dont on voit aussitôt le grave inconvénient, car si le roman est indéfini et jusqu’à un certain point indéfinissable, forme-t-il encore un genre peut-on le connaître comme tel ? Ne faut-il pas plutôt se contenter de le comprendre dans ses œuvres isolées, par les énoncés partiels, les analyses purement descriptives qu’elles suscitent au jour le jour ? Ou pour formuler la question autrement : Peut-on concevoir une théorie du Roman ?

5ème Idée : Ce manque de définition frustre beaucoup d’auteur et tente de donner une définition et de classer ce qui est et ce qui n’es pas un roman. Maupassant montre que cette démarche n’est rien d’autre que de « l’incompétence ». Il faut accepter que le Roman n’ai pas de définition.

Les critiques semblent tenir l’existence d’un genre romanesque pour un fait avéré, du moins le laissent-ils supposer toutes les fois qu’ils disent par exemple: tel livre est un roman, tel autre n’en est pas un et devrait par suite porter un autre nom. Un pareil jugement n’est évidemment recevable que s’il s’appuie sur un principe général propre à rendre compte la fois des particularités innombrables des œuvres et de leurs caractères communs. Le romancier est parfaitement en droit de le récuser et d’user pour cela de l’argument irréfutable que Maupassant fit un jour valoir dans une circonstance analogue, à propose de Pierre et Jean, à quoi les critiques reconnaissent des qualités, mais contestaient le nom même de roman : « Le critique qui, après Manon Lescaut, Monte-Cristo, Don Quichotte, les Liaisons Dangereuses, Les affinités électives, Candide, le Père Goriot, Le Rouge et le Noir, Salammbô, Madame Bovary, l’Assommoir, etc., ose encore écrire : Ceci est un roman et cela n’en est pas un, me paraît doué d’une perspicacité qui ressemble fort à de l’incompétence… Si Don Quichotte est un roman, le Rouge et le Noir en est-il un autre ? Si Monte-Cristo est un roman, l’Assommoir en est-il un ? Peut-on établir une comparaison entre les Affinités électives de Goethe, les trois Mousquetaires de Dumas, Madame Bovary de Flaubert etc.? La quelles de ces œuvres est un roman ? Quelles sont ces fameuse règles ?… ». Ainsi, en toute rigueur, le Critique devrait reconnaître que tant qu’il n’a pas trouvé les règles en dehors desquelles une histoire écrite n’aurait pas droit au nom de roman; tant qu’il ignore ce qui, dans tous les cas passés, futur, présent, légitime ou proscrit l’emploi même du mot, il est tenu de suspendre son jugement.
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5ème Idée : Le roman n’a pas de limites, il peut faire ce qu’il veut, il peut retranscrire la réalité authentiquement ou la modifier.

De la littérature, le roman fait rigoureusement ce qu’il veut: rien ne l’empêche d’utiliser à ses propres fins la description, la narration, le drame, l’essai, le commentaire, le monologue, le discours; ni d’être à son gré tour à tour ou simultanément, fable, histoire, apologue, idylle, chronique, conte, épopée; il peut contenir des poèmes ou simplement « être poétique ». Quant au monde réel avec lequel il entretient des relations plus étroites qu’aucune autre forme d’art, il lui est loisible de le peindre fidèlement, de le déformer, de le juger. Il peut prétendre changer la vie par la seule évocation qu’il en fait à l’intérieur de son monde fictif.
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3ème Idée : 19ème siècle le roman s’assume, Balzac n’a plus peur de publier. Le succès que connait le roman c’est en parvenu, il n’a pas de limite, pas de lois qui le contraint c’est en cela qu’il est supérieur aux autres genres, il copie les genres sans limites. Il tend à l’universel. Il est libre.Il est vrai que ce mépris des gens de goût n’empêche nullement le roman de faire son chemin: vers le milieu du siècle déjà, ni les lecteurs, ni les faiseurs de romans n’ont plus à rougir de leur genre de prédilection. Et un siècle plus tard, Balzac pourra sans craindre le ridicule se dire » le secrétaire de l’Histoire » et poser la Comédie Humaine comme le pendant, ni plus ni moins, de l’épopée de Napoléon.

La fortune extraordinaire qu’il a connue en si peu de temps, c’est vraiment en parvenu que le roman l’a gagnée, car, à y regarder de près, il la doit surtout à ses conquêtes sur les territoires de ses voisins, qu’il a patiemment absorbés jusqu’à réduire presque tout le domaine littéraire à l’état de colonie. Passé du rang de genre mineur et décrié à une puissance probablement sans précédent, il est maintenant à peu près seul à régner dans la vie littéraire, une vie qui s’est laissé façonner par son esthétique et qui, de plus en plus, dépend économiquement de son succès. Avec cette liberté du conquérant dont la seule loi est l’expansion indéfinie, le roman, qui a aboli une fois pour toutes les anciennes castes littéraire, s’approprie toutes les formes d’expression, exploite à son profit tous les procédés sans même être tenu d’en justifier l’emploi. Et parallèlement à cette dilapidation du capital littéraire accumulé par les siècles, il s’empare de secteurs de plus en plus vastes de l’expérience humaine, dont il se targue souvent d’avoir une connaissance approfondie et dont il donne une reproduction, tantôt en l’interprétant à la façon du moraliste, de l’historien, du théologien, voire du philosophe et du savant. Le roman tend irrésistiblement à l’universel, à l’absolu, au tous des choses et de la pensée; par là sans aucun doute il uniformise et nivelle la littérature, mais d’un autre côté, il lui fournit des débouchés inépuisables puisqu’il n’y a rien dont il ne puisse traiter. Genre révolutionnaire et bourgeois, démocratique par choix et animé d’un esprit totalitaire qui le porte à briser entraves et frontières, le roman est libre. Paradoxalement cette liberté est celle du parasite car par une nécessite de sa nature, il vit à la fois aux frais des formes écrites et aux dépens des choses réelles dont il prétend » rendre » la vérité, et cela semble accroître ses forces.
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Novalis

1er Idée : Le Roman est un genre récent, mais son origine est indécise. Ce genre n’a pas de définition concrète,

Quoiqu’on le tienne ordinairement pour le descendant des grandes formes épiques du passé, le roman au sens où nous l’entendons aujourd’hui est un genre relativement récent, n’ayant plus que des liens très lâches avec la tradition dont il est issu. Né selon les uns avec l’inoubliable équipée de Don Quichotte, selon les autres avec le naufrage et l’île déserte de Robinson Crusoé, le roman moderne, malgré les nobles origines que lui reconnaît l’historien et dont parfois il se réclame lui-même, est en réalité un nouveau venu dans les Lettres, un roturier qui a réussi et qui, au milieu des genres séculairement établis qu’il a peu à peu supplantés, fait toujours un peu figure de parvenu, voire quelquefois d’aventurier. En 1719, date communément admise pour sa naissance officielle.
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« Un roman est une vie prise en tant que livre. Toute vie a une épigraphe, un titre, un éditeur, un avant-propos, une préface, un texte, des notes, etc. Elle les a ou peut les avoir. »
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7ème Idée : Le roman est-il vrai ou faux ?

La vérité du roman n’est jamais autre chose qu’un accroissement de son pouvoir d’illusion. Mais d’où lui vient ce pouvoir, et surtout, pourquoi ce désir si impérieux de l’exercer ? Si la théorie ne songe pas à se le demander, en revanche le sentiment populaire le sait. Pour le langage courant en effet, art de conter et mensonge sont si étroitement associés qu’ils semblent confondus dans la même réprobation. Ainsi on dit » c’est du roman » pour un tissu de fables incroyables; mais » c’est un roman » s’applique à un fait réel trop merveilleux ou trop touchant pour prendre rang parmi les choses jugées possibles; dans un cas le roman est donc assimilé à un mensonge purement négatif; dans l’autre, en revanche, il désigne une expérience ou des événements pour quoi la réalité n’a pas de nom, mais qui la surpassent de beaucoup en émotion et en beauté. Le roman est soit vrai et utile, soit faux et stérile.

Le romancier est-il donc un « faiseur » qui écrit au lieu de passer à l’action, de sorte que sa fiction offre à tous ceux qui partagent le même désir d’élévation un modèle stimulant ?
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Pour le romancier, donc, le roman tire précisément sa force de son absolue liberté; pour le critique, cette liberté a quelque chose de scandaleux, il ne peut l’accepter sans y mettre au moins quelques bornes, quitte à se fonder en cela, pour remplacer les règles qui lui manquent, sur son sentiment, ses goûts, son humeur. Il y a là évidemment une cause permanente de conflit. Dans les dictionnaires et encyclopédie, ils définissent Roman ainsi dans « Littré » : « Une histoire feinte, écrite en prose, où l’auteur cherche à exciter l’intérêt par la peinture des passions, des mœurs ou par la singularité des aventures » C’est un roman écrit en langue romane. Mais cette définition pose problème, car elle considère le roman comme un récit qui feint la vérité, entre réalité et fiction pose le problème des romans dont le sujet est un épisode historique ou un fait divers comme Guerre et Paix ou Le Rouge et le Noir. Le Larousse ne s’embarrasse pas de ces questions pour lui un roman est » un récit en prose d’aventures imaginaires inventées et combinées pour intéresser le lecteur ». Le grammairien considère aussi que l’imaginaire est le lot du roman actuel. Pourtant l’auteur tire son inspiration de fait réel, cela amène à classer les romans par types comme Moby Dick pour un roman maritime et Robinson Crusoé comme un roman d’aventure mais c’est absurde puisqu’il exclut les éléments dont l’œuvre tire sa richesse. Qu’il soit fondé sur un fait ou librement inventé, ce n’est pas le sujet qui fait le Roman. Le degré de réalité d’un roman n’est jamais chose mesurable, il ne représente que la part d’illusion dont le romancier se plaît à jouer.

Fantastique ou réaliste, utopique ou naturaliste, le sujet du roman ne saurait fournir un critère acceptable de définition. Le Robert en 1964 définit le roman : » Une oeuvre d’imagination en prose, assez longue, qui présente et fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels, nous fait connaître leur psychologie, leur destin, leurs aventures. » Cette définition pose toujours le problème du « faisant vrai ». Il y a clairement une insuffisance et incapacité de définition du roman. Il faut se résigner à ne le connaître que par ses manifestations empiriques, au jour le jour, en renonçant à toute prétention théorique. Pourtant plus le genre vieillit et s’étend plus on éprouve le besoin de lui dicter des règles, de forcer sa nature en le restreignant et en niant sa LIBERTE. Le roman est confronté à la tyrannie du » il faut » « il doit » que lui impose le moraliste. Il y a alors de « bons romans » et de « mauvais romans ».

Les romanciers ont aussi contribué pour une part à la confusion de la définition. Chaque romancier exprime un principe qui, affirmé comme allant de soi, est aussi irréfutable qu’improuvable et tire de là son apparente autorité. Ainsi, selon Voltaire » l’Histoire dit ce qu’on a fait; un bon roman, ce qu’il faut faire ». Selon Huet » La fable représente des choses qui n’ont point été et n’ont pu être; le roman représente des choses qui ont pu être, mais qui n’ont point été « . Selon Saint Marc Giradin » l’histoire ne dit que ce que fait l’humanité; le roman dit ce qu’elle espère et ce qu’elle rêve». Villemain dit » Il faut le dire, Messieurs, le roman éloquent, le roman passionné, le roman moral et vertueux est le poème épique des nations modernes ! « .

6ème Idée : Le Roman est un traité de moral réduit agréablement en exercice. Le Roman est dit comme le meilleur des genres pour enseigner des valeurs ou idées.

Le Roman n’est plus le genre futile ou honteux qu’il était. Il est utile pour instruire efficacement.

Maintenant le roman est déclaré d’utilité publique, doué de propriétés spécifiques qui lui permettent en quelque sorte naturellement de servir le bien et la vérité. L’auteur de Manon Lescaut n’hésite pas à dire que » l’ouvrage tout entier est un Traité de Morale réduit agréablement en exercice. »

Selon Mme de Staël : » Les fictions, doivent nous expliquer par nos vertus et nos sentiments les mystères de notre sort « . George Sand suggère que » Peut-être que l’art du conteur consiste à intéresser à leur propre sort les coupables qu’il veut ramener, les malheureux qu’il veut guérir » il dit aussi » d’éloigner le lecteur du péché, de l’immuniser au moyen d’un vaccin réaliste. » Victor Hugo » Tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie des enfants par la nuit… tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-là (Les misérables) ne seront pas inutiles.». Le roman n’est donc pas le genre futile et artificieux dont les Anciens se méfiaient, c’est un agent de progrès un instrument d’une immense efficacité virtuelle qui, entre les mains d’un romancier conscient de sa tâche, travaille vraiment au bien commun. Cette méthode qui revient à soigner le mal par le mal, peut craindre d’être soumis à une censure morale ou religieuse, voire d’un tribunal réelle. Ainsi Barbey d’Auvilly s’écrie : » Oui la passion est révolutionnaire, mais c’est parce qu’elle l’est qu’il importe de la montrer dans toute son étrange et abominable gloire. » Ou encore plus timidement Saint Beuve sans sa préface Volupté : » Cette guérison délicate d’un tel vice par son semblable doit elle se tenter autrement que dans l’ombre ? … J’ai fini par croire que la publication d’un livre vrai aurait peine à être un mal de plus, et qu’il en pourrait même sortir quelque bien pour quelques-uns… »
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