Citations de Marie Diaz (13)
Au temps où les dragons nichaient encore sur Terre, dans un royaume du Nord, entre fjord et montagne, une reine et un roi s'aimaient d'amour vrai.
Leur château fort était robuste, les récoltes abondaient dans les champs, partout le peuple allait content.
Pourtant une peine grandissait dans le cœur des époux :
malgré tout leur amour, ils restaient sans enfants.
Un jour d'automne déclinant, elle trouva un vieux pommier accueillant et s'assoupit adossée au tronc, bercée par le murmure d'une source.
-Pourquoi ce cœur chagrin, ô ma reine? dit une voix près d'elle.
- Berger, si tu donnes ta fille en mariage à mon fils, tu seras mille fois dédommagé !
- Sire, tout le monde sait que votre fils le dragon dévore ses épouses ! plaida le berger. Ma fille est mon trésor : c'est elle qui choisira son époux, pauvre ou puissant !
Le roi supplia le berger, parlant de massacre et de ruine si le prince dragon n'était pas satisfait.
Alors la fille aux yeux de source fit un pas en avant.
- Ô père, ô mon roi, dit-elle, puisqu'il n'y a pas d'autre solution pour sauver le royaume, j'irai demain épouser le dragon. Laissez-moi cette nuit pour me préparer.
Sans savoir ce qui lui avait pris de parler ainsi, elle s'enfuit sur la lande en pleurant.
Une gueule monstrueuse surgit soudain des branchages,
crachant une gerbe de flammes qui réduisit l'herbe en cendres.
Une voix de volcan rugit :
- A MOI, LA PREMIÈRE ÉPOUSE, AVANT TOI !
Du haut de son corps d'écailles noir d'orage, ses deux ailes faisant une éclipse au soleil,
la créature toisait le prince de ses yeux d'ambre en fusion.
Le prince visa la gueule de sa lance, mais le dragon la broya d'un coup de crocs en hurlant :
- C'EST MOI LE PREMIER-NÉ ! Je suis ton frère aîné, la première épouse sera pour moi !
Toi, la Brûlée, tu oses rêver de l'Invisible ? Tu n'es même pas digne de respirer le même air !
Revêtue de la robe de mariage, peinte et brodée d'étoiles, ses yeux plus brillants que des braises, la Brûlée n'était plus la Brûlée, mais une beauté sans rivale ...
Il y a longtemps de temps, sur les terres les plus froides du monde, vivait une fille sans famille ni mari. Ni père ni frère pour la protéger, ni mère ni sœur pour lui enseigner l'art d'être femme. Sa tente en peaux de renne affrontait seule les vents de glace.
Qui sait où était le reste de son peuple ? Pourtant, la fille de la toundra portait en mémoire leur langue et leurs chants.
Elle avait pour compagnons ses rennes, qui broutaient librement le lichen. S'ils s'aventuraient trop loin, il suffisait qu'elle chante et les bêtes faisaient cercle autour d'elle.
Au jardin suspendu inondé de soleil, les petits des mésanges apprenaient à voler, les abeilles moissonnaient l'or du pollen. Par-dessus les toits de la ville, deux rosiers fraîchement éclos rayonnaient.
Le plus valeureux des chasseurs vivait là, avec sa soeur. Chacun prenait grand soin de l'autre. Le jeune homme rapportait les plus lourdes charges de viande, les saumons les plus gras, les plus belles fourrures. On le disait puissant, généreux, irrésistible... Mais nul ne l'avait jamais vu, sauf sa soeur. On l'avait surnommé l'Invisible.
Toutes les femmes du clan rêvaient de l'Invisible : les jeunes filles en âge de se marier brûlaient de percer son secret; les femmes mûres, les mères et même les anciennes soupiraient encore après lui. On disait qu'il épouserait la première femme capable de le voir tel qu'il était.
Soudain le traîneau pila en crissant dans la neige, et le conducteur se dressa, c'était une jeune femme haute et mince dont la robe à traîne était ourlée de neige et rebrodée de givre.
C'était la Reine des Glaces.
Dans une vaste ville où l'espace manquait, un garçon et une petite fille vivaient de chaque côté d'une ruelle, dans une chambre sous les toits. La ruelle était si étroite et les maisons si bancales que les toits opposés se touchaient, si bien qu'on avait qu'à enjamber la gouttière pour passer dans la maison d'en face.
Entre les deux mansardes était accroché un petit jardin suspendu fait de caisses de bois où poussaient deux rosiers : l'un de roses rouges, l'autre de roses blanches.
Au temps où les créatures régnaient sur Terre parmi les hommes, le plus mauvais des Trolls forgea un miroir unique en son genre : tout le beau qui s'y reflétait apparaissait laid et sordide, et ce qui était laid au départ devenait hideux à faire peur.