Comme transporté par l'inspiration, le parfumeur évoluait devant un large orgue à parfum hérissé de bandes de papier pincées sur des supports métalliques. Il humait chaque mouillette, puis en expert en écartait certaines et en regroupait d'autres au gré de sa créativité. Les yeux fermés et les traits détendus, monsieur Victor semblait ailleurs, emporté par son odorat dans un univers où chaque senteur évoquait une émotion ou un souvenir.
Alors que la magie m’envahissait, je l’imaginai sous la forme d’un grand cheval blanc, fier et intraitable. La force glaciale remontait jusqu’à mes mains, à fleur d’épiderme, hérissant mes poils sur son passage. Les yeux fermés, je visualisai l’étalon qui s’ébrouait en secouant sa crinière immaculée, avant de s’échapper au galop.
Je contemplai avec admiration le soleil se lever sur un paysage de forêts aux couleurs flamboyantes. Les rayons réfléchis par le givre couvraient de paillettes scintillantes la campagne aux tons d'ors, d'ocre et de bruns.
Lorsque le tourbillon obscur avait fait son apparition, j'avais eu l'intuition que c'était le mal qui intervenait soudain pour réduire à néant tout l'espoir et la beauté du monde.
Son regard brillant d’admiration augmenta mon malaise. J’avais l’impression d’être un imposteur. Je ne méritais aucune louange. Je me rappelais encore la soif meurtrière qui m’avait aveuglée.
Ce n'est pas parce que tu n'y crois pas que ce n'est pas réel.