Ma vie est pleine de lumière aujourd'hui parce qu'enfant on m'a enseigné à embrasser l'amour et le pardon.
Comment s'appelait-il déjà ?
- Jamais sans ma fille.
- C'est ça, Jamais sans ma fille. Vous l'avez lu ?
- Non, répondis-je en gloussant. Je l'ai vécu !
Ma vie est pleine de lumière aujourd'hui parce qu'enfant on m'a enseigné à embrasser l'amour et le pardon.
Si tu abuses d'un privilège, tu perds ce privilège.
J'ai été choquée et je le suis encore que certains considèrent notre histoire comme un constat anti-iranien ou antimusulman. Ça n'était tout simplement pas le cas. Ça n'est rien de plus que la narration d'une période précise dans la vie de ma famille. D'après moi si quelqu'un fait du tort aux Iraniens et aux musulmans c'est bien mon père. Ce furent ses actes, ses décisions qui nous ont mis dans cette situation. S'il y a quelqu'un qui donne une mauvaise image de l'Iran ou de l'islam c'est lui, pas ma mère ni moi en en parlant. Malgré tout je ne pense pas qu'il soit juste de juger les Iraniens et les musulmans uniquement par le biais du comportement de mon père. Je pense qu'il est très rare, voire complètement impossible qu'une personne représente complètement l'idéologie d'une nation, d'une religion ou d'une culture. Même les actes d'un président ne sont pas le reflet des points de vue ou des attitudes de tout un pays.
Un être humain peut changer sa vie en changeant son comportement.
Je m'inquiétais aussi pour ma famille qui m'aimait suffisamment au point d'avoir recours à la violence pour me défendre. C'était lourd à porter de savoir que , parce qu'ils m'aimaient, leurs cœurs s'étaient endurcis et qu'ils étaient prêts à me défendre jusqu'à la mort. La violence engendre la violence. Il me semblait alors que peu importe à quel point je tenais à maintenir la paix, j'étais prise dans un tourbillon de violence.
« Quand on veut, on peut. Ne baisse jamais les bras. Si tu désires vraiment quelque chose, cherche. Il y a toujours un moyen. »
Avec lassitude, elle s'est penchée et m'a embrassée doucement sur le front.
— Shab be-khair, a-t-elle soupiré.
Aussitôt, mon corps s'est raidi de colère. Chaque parcelle de ma personne s'est emplie d'une haine amère et glaciale.
— Maman, ai-je craché en lui adressant un regard de défi. Je ne veux plus jamais entendre la langue de Khomeini !
C'était dans la langue de Khomeini que j'avais appris à haïr pour la première fois. Je haïssais mon père pour avoir frappé ma mère. Je haïssais sa famille pour l'avoir laissé faire. Je haïssais l'école où on m'avait obligée à maudire mon pays bien-aimé. Je haïssais Khomeini pour avoir tué des gens qui ne croyait pas à ses mensonges. Je haïssais les soldats de la Pasdar qui patrouillaient dans les rues de Téhéran avec leurs mitraillettes à la recherche de violations de tenue. Je haïssais les bombes irakiennes.
Je haïssais.
John a peut-être exprimé plus clairement la douleur partagée par notre famille quand il a franchement décrit l'angoisse éprouvée par tous chaque soir avant d'aller se coucher, ne sachant pas si maman et moi étions mortes ou en vie. Je pense que ce sont nos proches attendant, impuissants, notre retour, qui ont souffert le plus des actes de mon père. Aujourd'hui encore, j'ai de la peine pour ma famille, et plus particulièrement pour mes frères. J'ai pu profiter de ma mère, elle se battait pour moi. Mes frères ont souffert seuls de la brutalité de l'injustice. Peu importe le regard qu'on pose, certaines choses sont vraiment injustes dans la vie.