Depuis lors, chaque jour, pendant de longues heures, et parfois même plusieurs fois par jour, l’homme sillonne la plage de l’estacade au môle et du môle à l’estacade. Il n’a rien d’autre à faire. En marchant auprès de sa chienne, il use tout son chagrin, centimètre par centimètre, sur le sable abrasif de cette plage.
L'ABSENTE.
En sortant de son tiroir de quoi rédiger un courrier, elle pensa à ses propres parents. Elle se rappela ces petites phrases mesquines envoyées à table l'air de rien, qui se fichent dans l'estomac plus sûrement qu'une lame bien affûtée. Elle se remémora les scènes de ménage toujours plus violentes, les insultes toujours plus cruelles. Elle se revit, elle, tremblante et cachée en haut de l'escalier de la maison familiale, guettant le cri de trop, terrorisée à l'idée que si elle ne pouvait rien empêcher, elle devrait au moins réagir à temps si le pire advenait.
Ici, le rideau se baisse enfin
Laissant apparaître le monstre de foire
Lamentations et gémissements
Les femmes pleurent
Les hommes tournent le regard
Les ordures volent en direction de la bête
Certains vomissent
Et on cache les yeux des enfants.
Ici, ce qu'il y a de plus bas en nous s'affiche
Pas de miroirs en ce lieux,
Pour le voir,
Ceux qui se croyaient humains
Ayant redécouvert leurs pires instincts.
(Dans : "Le Monstre de foire" de Yannick Pagnoux)
Je suis un Ohm sans résistance.
So Watt ?
Je traverse les jours
En mode économie...
(Florent Jaga)
Le ruminoféroce est un animal extraordinaire, explique Sacha. Il ne se nourrit que des idées qui tournent en boucle, des pensées dont on ne peut pas s'extraire, des chansons qui te restent dans la tête.
Quand tu veux t'apaiser ou faire le vide, eh bien tu n'as qu'à venir là et le ruminoféroce t'en débarrasse. Essaye, tu vas voir.
L'angoisse me prend soudain aux tripes. Ce voyage insensé dans cette cité, sa glauque opacité. Ces tuiles et ces poutres de béton, de verre et d'acier saupoudrées. Ces Flamands qui nient le français. Ces Européens qui ne "speakent" qu'en anglais. Cette franco-faune dans sa gloire perdue engoncée. Ces grues qui me guettent comme des hérons. Bruxelles, ta folie m'envahit, je me sens goujat, je me sens goujon. Chaque flocon qui tombe est une pincée de déraison. Vite, un asile. Vite, une maison. Je cabote alors en bistrots en troquets. Je pêche aux bars des mots de plein d'ailleurs. Je m'emplis des mots des conteurs du Matongé comme avec les maux déments des derniers Katangais. La sueur des griots me rend complètement dingue, la saveur de griotte m'emporte au bord de la Kriek de nerfs.
(Dans : "Libres errances : une perruche sous la neige" d'André Perchet)
Rapidement, leurs travaux se concentrèrent sur la notion même du temps. Ils en appelaient à Aristote qui, déjà, s'interrogeait sur ses trois phases : passé, présent, futur. Par essence, démontrait Roberto, le passé n'existait plus puisque les événements du temps antérieur sont achevés. Le futur, ajoutait Martha, demeurait pour chaque individu une inconnue permanente : que sera demain (et seulement, demain sera-t-il) ? Restait le présent. Quelque chose à la fois toujours là, mais toujours en train de disparaître...
(Dans "À trois jours près" de Bernard Thomasson)
La mer immuable noie les chagrins,
Ourle sur le sable
Un petit pli soyeux
Et, se retirant,
Découvre un mot trop oublié
"Éphémère"
La Mer (Plumee)
Dès le départ du train, je réussis à me calmer. Je ne tremblais plus. Je m'efforçai de dompter les derniers soubresauts qui vibraient en moi. Peu à peu, l'excitation fébrile qui m'habitait cédait la place à un apaisement inhabituel et bienvenu. Sans doute parce que, pour une fois, je savais où j'allais, et parce que ma destination promettait des perspectives heureuses.
Début de "L'Enfant qui pleure" de Gilles Bonnet.
De rage, et pour tenter d’évacuer sa colère, elle avait lancé une assiette dans l’évier. Le service de vaisselle n’était plus au complet, mais c’était le cadet de ses soucis.
(Valéry Hardiquest)