Eusèbe, en mettant en évidence la relation thérapeutique comme un aspect fondamental du processus thérapeutique, montre une prise de conscience lucide des enjeux symboliques sous-jacents à la relation médecin-patient, et reconnaît en elle l’absence totale de « neutralité ».
L’évêque de Césarée définit le iatros – le médecin – par l’intermédiaire de la fonction nomothétique qu’il exerce, ne s’écartant pas en cela de l’epistémè médicale alors dominante, le Galénisme. La médecine de Galien, en effet, n’est pas uniquement soucieuse d’« ôter » le mal, mais aussi de préserver la santé des individus comme en équilibre, ou plutôt comme une série d’équilibres successifs liés les uns aux autres.
L’auteur de Maladie sacrée comme le médecin de Airs, Eaux, Lieux considèrent que l’épilepsie « vient de la divinité comme les autres maladies, qu’aucune (affection) n’est plus divine ou plus humaine que l’autre, mais que toutes sont semblables et que toutes sont divines».
Aucun dieu ni aucune déesse ne peut être mis en cause pour de telles pathologies car cela va à l’encontre de la nature même du divin. En attribuant au divin une image bénéfique et en le destituant d’une implication éventuelle dans certaines souffrances, le médecin responsabilise l’être humain face à la maladie, l’encourageant à prendre conscience qu’il n’existe pas de fatalité divine mais un fonctionnement propre à l’humain dont il s’agit de prendre conscience pour être le meilleur garant de soi-même.
Si on peut affirmer avec Marc Augé que la maladie « nous dit souvent quelque chose sur les relations entre l’homme et la nature, entre soi-même et les autres », la relation thérapeutique, telle qu’elle est présentée par Eusèbe, nous en dit beaucoup sur l’histoire, la politique et la théologie élaborées par l’évêque de Césarée, qui voyait dans l’Empire le principal instrument du Salut, arrivant à définir l’empereur, non seulement comme la « loi vivante », empsychos nomos, mais, comme le Logos-Christos, « sauveur et médecin des âmes » afin de résoudre dans l’universalité de l’Empire chaque différence et chaque perturbation.
![](https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/51sfLDW2JSL._SX95_.jpg)
Dans une série d’articles consacrés aux femmes criminelles, le magazine Détective accorde en 1931 une large place aux « prêtresses du poison ».
« Pour un empoisonneur, cent empoisonneuses » n’hésite pas à écrire le journaliste, confortant en cela l’image largement partagée de l’empoisonnement comme crime spécifiquement féminin. Pour appuyer son affirmation, il se lance dans une énumération des empoisonneuses célèbres, depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine, depuis Circé et Médée jusqu’à Marie Lafarge et Hélène Jegado. Une telle argumentation pèche bien entendu par son empirisme, mais elle illustre, entre autres, l’importance des « visages célèbres de chronique judiciaire », souvent de « belles empoisonneuses », dans la construction de cette figure criminelle au début du XXe siècle. Par la suite, Violette Nozière, Marie Besnard ou Simone Weber viendront mêler leurs noms à ce panthéon vénéneux – même en cas d’acquittement.
Ainsi ce n’est pas par hasard qu’Eusèbe, au moment où il présentait un christianisme universel impérial, porteur d’une dimension éthique et politique novatrice, mais en même temps enraciné dans la paideia grecque, utilise précisément la relation thérapeutique afin de parler aux païens de ce qui est pour un chrétien l’instant décisif : le moment où l’homme rencontre la parole révélée.
Il le fait dans la Préparation évangélique, travail apologétique dans lequel il s’est proposé de défendre la rationalité de l’eusebeia chrétienne contre les accusations d’irrationalité portées par le parti païen.
Eusèbe n’a pas l’intention d’opposer la foi à la raison mais les affirme, en quelque sorte, complémentaires, en relation avec les différents thèmes approchés ou abordés dans la prédication évangélique, et en vient ensuite à distinguer les différents référents du discours de vérité.
La pathologie épileptique est, dans ce contexte, un modèle idéal d’affection dont l’auteur de "Maladie sacrée" reprend une à une les manifestations pour mieux détruire les arguments de ceux qu’il nomme des « imposteurs », et qui sont, en tout état de cause, ses concurrents directs.
En s’attaquant à certaines croyances et pratiques traditionnelles, il ne s’agit pas, pour lui, de les réduire à néant mais de séduire une clientèle potentielle en proposant à son auditoire une autre conception de la maladie.
Le praticien des Aphorismes considère ainsi que « chez les jeunes gens épileptiques, la guérison s’opère par des changements surtout d’âge, de lieu ou de genre de vie».
Cette guérison « spontanée » est d’autant plus vraisemblable que le patient est jeune et que sa phusis n’a pas encore atteint sa maturité : « L’épilepsie qui survient avant la puberté (ἥβη) est susceptible de guérison. »
![](https://m.media-amazon.com/images/I/41bdNpouimL._SX95_.jpg)
Il présente ainsi une longue liste d’interdits que les malades sont sensés respecter pour assurer leur guérison. Les épileptiques sont ainsi contraints d’observer des règles diététiques particulièrement strictes : il leur est interdit de manger certains poissons de mer comme le trigle, le mélanure, le mulet ou l’anguille, de la viande de chèvre, de cerf, de porcelet et de chien car elles dérangent beaucoup le ventre. Certains oiseaux comme le coq, la tourterelle, l’autruche sont également bannis de l’alimentation car leur chair est trop forte.
Des légumes ou des plantes comme l’ail, l’oignon, la menthe sont prohibés du fait de leur âcreté qui ne conviendrait pas à un malade. Ces prohibitions s’étendent à d’autres domaines : le port du vêtement noir est condamné car le noir se rapporte aux ténèbres et à la mort, dormir sur des peaux de chèvre ou s’en vêtir est interdit pour éviter la contamination par le grand mal dont ces animaux sont porteurs.
Loin de tout psychologisme et plus loin encore d’un regard culturaliste sur un quelconque « machisme latino », la violence des hommes contre les femmes y apparaît comme éminemment instrumentale et profondément inscrite dans les contextes économiques, politiques et historiques précis, qu’elle contribue puissamment à façonner
Eradiquer les femmes, c’est tarir la source : de la génération, de la tradition, des rites d’une culture autonome