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Citations de Louis Hémon (104)


Les paysans ne meurent point des chagrins d'amour ni n'en restent marqués tragiquement toute la vie. Ils sont trop près de la nature et perçoivent trop clairement la hiérarchie essentielle des choses qui comptent. C'est pour cela peut-être qu'ils évitent le plus souvent les grands mots pathétiques, qu'ils disent volontiers «amitié» pour «amour», «ennui» pour «douleur», afin de conserver aux peines et aux joies du cœur leur taille relative dans l'existence à côté de ces autres soucis d'une plus sincère importance qui concernent le travail journalier, la moisson, l'aisance future.
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Laissez-le donc tranquille, ce petit ! C’est déjà bien assez que vous vous prépariez à le noyer ; ne le torturez pas en lui en parlant tout le temps !
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L’apparition quasi miraculeuse de la terre au printemps, après les longs mois d’hiver... La neige redoutable se muant en ruisselets espiègles sur toutes les pentes [...]. Après cela, c’était l’été : l’éblouissement des midis ensoleillés, la montée de l’air brûlant qui faisait vaciller l’horizon et la lisière du bois, les mouches tourbillonnant dans la lumière, et à trois cents pas de la maison les rapides et la chute – écume blanche sur l’eau noire – dont la seule vue répandait une fraîcheur délicieuse. Puis la moisson, le grain nourricier s’empilant dans les granges, l’automne, et bientôt l’hiver qui revenait... Mais voici que miraculeusement l’hiver ne paraissait plus détestable ni terrible : il apportait tout au moins l’intimité de la maison close et au-dehors, avec la monotonie et le silence de la neige amoncelée, la paix, une grande paix...
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Tant qu’un homme s’entraîne comme il faut, a de l’ambition et ne pense pas à autre chose, ça va bien pour lui ; mais quand il commence à réfléchir sur les raisons et les causes, et qu’il se demande dix fois par jour s’il est dans le vrai, de celui qui méprise le noble art ou de celui qui en fait son gagne-pain, c’est un homme battu d’avance, croyez-moi.
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Le dernier maringouin vint se poser sur la petite Alma-Rose. Gravement elle récita les paroles sacramentelles : "mouche, mouche diabolique, mon nez n'est pas une place publique!"
Puis elle écrasa prestement la bestiole d'une tape. (Page 79)
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Les paysans ne meurent point des chagrins d’amour ni n’en restent marqués tragiquement toute la vie. Ils sont trop près de la nature et perçoivent trop clairement la hiérarchie essentielle des choses qui comptent. C’est pour cela peut-être qu’ils évitent le plus souvent les grands mots pathétiques, qu’ils disent volontiers «amitié» pour «amour», «ennui» pour «douleur», afin de conserver aux peines et aux joies du cœur leur taille relative dans l’existence à côté de ces autres soucis d’une plus sincère importance qui concerne le travail journalier, la moisson, l’aisance future.
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François Paradis regarda Maria à la dérobée, puis détourna de nouveaux ses yeux en serrant très fort ses mains l'une contre l'autre. Qu'elle était donc plaisante à contempler ! D'être assis auprès d'elle, d'entrevoir sa poitrine forte, son beau visage honnête et patient, la simplicié franche de ses gestes rares et de ses attitudes, une grande faim d'elle lui venait et en même temps un attendrissement émerveillé, parce qu'il avait vécu presque toute sa vie rien qu'avec d'autres hommes, durement, dans les grands bois sauvages ou les plaines de neige.
Il sentait qu'elle était de ces femmes, qui lorsqu'elle se donnent, donnent tout sans compter: l'amour de leur corps et de leur coeur, la force de leur braset de leurs orteils nus dans la besogne de chaque jour, la dévotion complète d'un esprit sans détours.
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Partout l'automne est mélancolique, chargé du regret de ce qui s'en va et de la menace de ce qui s'en vient ; mais sur le sol canadien, il est plus mélancolique et plus émouvant qu'ailleurs, et pareil à la mort d'un être humain que les dieux rappellent trop tôt, sans lui donner sa juste part de vie.
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[...] Les noms de villages de pêcheurs ou de petits ports du Saint-Laurent, dispersés sur les rives entres lesquelles les navires d'autrefois étaient montés bravement vers l'inconnu...Pointe-Mille-Vaches... les Escoumins...Notre-Dame-du-Portage...les Grandes-Bergeronnes...Gaspé...
Qu'il était plaisant d'entendre prononcer ces noms, lorsqu'on parlait de parents ou d'amis éloignés, ou bien de longs voyages ! Comme ils étaient familiers et fraternels, donnant chaque fois une sensation chaude de parenté, faisant que chacun songeait en les répétant: «Dans tout ce pays-ci nous sommes chez nous... Chez nous ! »
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Maria soupire ; mais l'infinie patience de sa race lui revient bientôt, et elle commence à penser à elle-même, et à ce que toutes choses signifient pour elle.
Pendant qu'elle était à Saint-Prime une de ses cousines qui devait se marier prochainement lui a parlé plusieurs fois de ce mariage. Un jeune homme du village et un autre, de Normandin, l'avaient courtisée ensemble, venant tous deux pendant de longs mois passer dans sa maison la veillée du dimanche.
-Je les aimais bien tous les deux, a-t-elle avoué à Maria. Et je pense bien que c'était Zotique que j'aimais le mieux ; mais il est parti faire la drave sur la rivière Saint-Maurice ; il ne devait pas revenir avant l'été ; alors Roméo m'a demandée et j'ai répondu oui. Je l'aime bien aussi.
Maria n'a rien dit ; mais elle a songé qu'il devait y avoir des mariages différents de celui-là, et maintenant elle en est sûre.
L'amitié que François Paradis a pour elle et qu'elle a pour lui, par exemple, est quelque chose d'unique, de solennel et pour ainsi dire d'inévitable, car il est impossible de concevoir comment les choses eussent pu se passer autrement, et cela va colorer et réchauffer à jamais la vie terne de tous les jours. Elle a toujours eu l'intuition confuse qu'il devait exister quelque chose de ce genre : quelque chose de pareil à l'exaltation des messes chantées, à l'ivresse d'une belle journée ensoleillée et venteuse, au grand contentement qu'apporte une aubaine ou la promesse sûre d'une riche moisson.
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Seulement elle se serre contre le grand poêle de fonte, et bien que la chaleur du feu la pénètre elle continue à frissonner en pensant au pays glacé qui l'entoure, au bois profond, à François Paradis qu'elle lie peut encore imaginer insensible, et qui doit avoir si froid dans son lit de neige...
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Autour de nous des étrangers sont venus, qu'il nous plaît d'appeler des barbares ; ils ont pris presque tout le pouvoir ; ils ont acquis presque tout l'argent ; mais au pays de Québec rien n'a changé. Rien ne changera, parce que nous sommes un témoignage. De nous-mêmes et de nos destinées nous n'avons compris clairement que ce devoir-là : persister... nous maintenir... Et nous nous sommes maintenus, peut-être afin que dans plusieurs siècles encore le monde se tourne vers nous et dise : "Ces gens sont d'une race qui ne sait pas mourir..." Nous sommes un témoignage.
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Les bleuets étaient bien mûrs. Dans les brûlés, le violet de leurs grappes et le vert de leurs feuilles noyaient maintenant le rose éteint des dernières fleurs de bois de charme.
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À leur aise… Il faut avoir besogné durement de l’aube à la nuit avec son dos et ses membres pour comprendre ce que cela veut dire ; et les gens de la terre sont ceux qui le comprennent le mieux. Cela veut dire le fardeau retiré : le pesant fardeau de travail et de crainte. Cela veut dire une permission de repos qui, même lorsqu’on n’en use pas, est comme une grâce de tous les instants. Pour les vieilles gens, cela veut dire un peu d’orgueil approuvé de tous, la révélation tardive de douceurs inconnues, une heure de paresse, une promenade au loin, une gourmandise ou un achat sans calcul inquiet, les cent complaisances d’une vie facile.
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Contre l’avarice du trop court été et les autres rigueurs d’un climat sans indulgence, ils n’avaient pas d’amertume; seulement ils comparaient toujours dans leur esprit la saison écoulée à quelque autre saison miraculeuse dont leur illusion faisait la règle; et c’est ce qui mettait constamment sur leurs lèvres cette éternelle lamentation des paysans, si raisonnable d’apparence, mais qui revient tous les ans, tous les ans.
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Après cela, c'était l'été, l'éblouissement des midis ensoleillés, la montée de l'air brûlant qui fait vaciller l'horizon et la lisière du bois, les mouches tourbillonnent dans la lumière, et à trois cent pas de la maison, les rapides et la chute dont la seule vue répandait une fraîcheur délicieuse. Puis la moisson, le grain nourricier s'empilant dans les granges, l'automne, et bientôt l'hiver qui revenait. Mais voici que l'hiver miraculeusement ne paraissait plus détestable ni terrible: il apportait tout au moins l'intimité de la maison close et au dehors, avec la monotonie et le silence de la neige amoncelée, la paix, une grande paix.
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Partout l'automne est mélancolique, chargé du regret de ce qui s'en va et de la menace de ce qui s'en vient: mais sur le sol canadien, il est plus mélancolique et plus émouvant qu'ailleurs, et pareil à la mort d'un être humain que les dieux rappellent trop tôt, sans lui donner sa juste part de vie.
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Nous ne sommes que de petits enfants.
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Je voudrais que la rose
Fût encore au rosier,
Et que le rosier même
A la mer fut jeté.
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C’était commencer ainsi une de ces conversations de paysans qui sont comme une interminable mélopée pleine de redites, chacun approuvant les paroles qui viennent d’être prononcées et y ajoutant d’autres paroles qui les répètent. Et le sujet en fut naturellement l’éternelle lamentation canadienne : la plainte sans révolte contre le fardeau écrasant du long hiver.

[…]

C’était l’éternel malentendu entre les deux races : les pionniers et les sédentaires, les paysans venus de France, qui avaient continué sur le sol nouveau leur idéal d’ordre et de paix immobile, et ces autres paysans, en qui le vaste pays sauvage avait réveillé un atavisme lointain de vagabondage et d’aventure.

[…]

Les hommes galopent, brandissent des bâtons, s’essoufflent ; les femmes sortent dans la cour et crient. Et puis quand on a réussi à remettre les vaches ou les moutons au clos et à relever les clôtures de pieux et qu’on rentre, bien « resté », on trouve la soupe aux pois refroidie et pleine de mouches, le lard sous la table, grugé par les chiens et les chats, et l’on mange n’importe quoi, on hâte, avec la peur du nouveau tour que les pauvres brutes sont peut-être à préparer encore.
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