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Citations de Loris Chavanette (35)


A compter de 1789, la parole publique devient un moteur de l'histoire, comme une réminiscence de l'oralité antique.
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Sur la Révolution, ne faut-il pas garder le souvenir d'une époque où des hommes et des femmes, prenant leur destin en main, ont décidé de bâtir quelque chose à leur image et qui paraissait, dans le même temps, au-dessus d'eux-mêmes ? Avec une telle ambition humaine, trop humaine, il est impossible de ne pas se diviser, s'animer de colère.
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L'élection a fait Robespierre, l'insurrection fera Danton.
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Danton et Robespierre, ce n'est pas l'histoire d'une amitié s'étant brisée sur le récif de la Révolution. C'est au contraire la Révolution elle-même qui a enfanté cette amitié ; elle n'en est donc pas réellement une, sinon au milieu du combat. Ils sont frères d'armes, et non pas frères d'âmes. Et la Révolution qui les a réunis peut, à n'importe quel moment, les désunir.
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Difficile d'imaginer Danton à l'aise sur ce terrain ultra-moralisateur qui ignore tout le sensualisme dont son existence est imprégnée. Danton aurait d'ailleurs qualifié le corps de Robespierre, parlant de lui comme d'un eunuque. Le comédien Talma, ami de Danton, le dit ouvertement dans ses Mémoires : alors que Danton est en prison, quelqu'un lui demande ce qu'il adviendra de la République. Ce dernier aurait alors répondu : « Elle marcherait encore si je pouvais laisser mes jambes à Couthon et mes... à Robespierre. » On fait plus gracieux, il est vrai, mais au moins ça a le mérite d'être assez explicite.
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Il n'est pas surprenant de constater qu'au lendemain d'agitations graves, du type d'une insurrection armée, un régime politique donne compétence à un tribunal d'exception pour juger les rebelles.
Ainsi, au lendemain des journées d'octobre 1789, l'Assemblée constituante adopta la loi martiale du 21 octobre qui prévoyait de donner compétences à la cour spéciale du Châtelet pour juger les crimes perpétrés dans le soulèvement populaire du mois d'octobre.
Dans le même esprit, les auteurs de la révolution du 10 août 1792 créèrent le Tribunal extraordinaire du 17 août pour juger les défenseurs du château des Tuileries qui avaient pris les armes contre le peuple insurgé.
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A deux siècles de distance, il est sans doute un peu facile de jeter la pierre sur les hommes de la dictature de salut public ayant gouverné la France au milieu des plus grandes difficultés, effrayés eux-mêmes de se voir condamnés à mort s'ils perdaient la guerre ;
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Faire front ensemble contre un ennemi commun est plus aisé que de s'unir autour de valeurs communes.
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Robespierre n’est clairement pas un coureur de jupons, et encore moins
un fiancé transi d’amour.
C’est bien une espèce de chasteté qui le caractérise le mieux. Les leçons et
méthodes des jésuites, encore pratiquées partiellement à Louis-le-Grand dans les années 1770, auraient-elles façonné ce corps d’austérité ? Dans cet univers hyper-catholique des collèges royaux, le corps, c’est le sale, l’affreux, le péché de la perversion. L’homme vertueux, lui, se tient à distance de la satisfaction de ces plaisirs charnels, physiques, coupables. La procréation seule impose le rapport sexuel, non le plaisir. Être chaste, c’est alors rester pur.
Là aussi Rousseau s’impose comme son maître à penser. Dans Les
Confessions, parues successivement en 1782 pour la première partie,
puis en 1789 pour la seconde, le philosophe genevois dit tout le mal qu’il
pense des débauchés qui s’adonnent aux plaisirs des sens, exécrant les
filles publiques et allant même jusqu’à comparer les ébats des hommes
aux accouplements des chiens. Cette concupiscence, s’emparant de la civilisation, digne de la bestialité la plus abjecte, ne lui inspire que du dédain
et même de l’« effroi ». Même prise de distance avec la luxure, dans La
Nouvelle Héloïse, ce best-seller du XVIIIe siècle.
Robespierre fait sienne cette critique de la perversion humaine par la
chair. Alors que le marquis de Sade compose sa vaste fresque sur les vices
afin de faire le procès des moeurs de l’Ancien Régime, les idéalistes tels que
Robespierre aspirent à une société régénérée où le rapport au corps serait
révolutionné entièrement. En un sens, il se considère comme un précurseur
et il s’applique d’abord à lui-même les codes de la purification avant d’exiger
des autres pareil attachement à la vertu, passant ainsi d’une exigence individuelle à une ambition collective. À son plus grand dam, Danton n’y verra qu’un sacerdoce de plus.
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« Dans cette ruche humaine où les vapeurs de tabamel
et de jasmin embaumaient l'air d'une fumée opaque, il y
avait une reine.
« Sous un auvent d'intérieur, allongée sur un sofa
en lattes dans une absolue oisiveté, la Mauresque
était d'une beauté exceptionnelle. Son bras, couvert de bracelets qui s'y enroulaient comme des aspics, reposait
derrière sa tête sur un coussin en velours, tandis qu'elle
caressait de l'autre main une tortue minuscule qu'elle
retenait prisonnière.
« À ses pieds, un homme d'âge mûr se prosternait
devant sa beauté prodigieuse et essayait de lui arracher
un regard. De temps en temps, quand la Mauresque
trempait ses lèvres dans une tasse de thé, il suivait d'un
oeil avide la bouche entrouverte et vermeille de la femme
qui gardait son air d'indifférence absolue. Si la plupart
des clients de ces maisons consommaient les prostituées
avec une vulgarité assumée, celui-là avait dû tomber
amoureux jusqu'à la folie de l'une d'elles, au point de
vouloir être seul à la posséder. Ses yeux dévoraient la
femme, qui se pavanait dans des gestes lents sans prêter
aucune attention à ses démonstrations d'amour. Il tenta
une approche en posant sa main sur une des babouches
de la fille qui n'eut qu'à poser ses yeux de chat sur lui
pour qu'il retire sa main. Mais il sembla encouragé par
ce regard farouche. Il sortit de sa veste un bijou qu'il lui
tendit en inclinant la tête. Elle parut intéressée par ce
petit trésor et ses sourcils fins, dessinés en arêtes, s'animèrent.
Le présent était un magnifique diadème en
argent surmonté d'une frise en ivoire. Elle le prit, ôta le
foulard qui couvrait sa chevelure et déposa le diadème
sur sa tête sans un sourire. Le client baisa la main qu'elle
lui tendait, s'extasiant à l'idée que le bijou qu'il avait
touché ornait maintenant cette tête qu'il adorait.
« La tenancière, qui n'avait rien manqué de la scène,
fit un léger signe à la Mauresque pour qu'elle se lève.
Ce qu'elle fit avec une lenteur insolente. L'orchestre
s'arrêta de jouer. Tandis que tous les regards la fixaient,
elle alla se placer sur un tapis brodé au milieu de la
pièce, ôta ses babouches et dégrafa la toge incarnate
qui lui couvrait les épaules et ne tenait plus que par une
ceinture en maille. La jeune fille dévoila sa taille de
guêpe, sa poitrine et le haut de son ventre jusqu'au
nombril. Son corps plus sombre que celui des autres
filles révélait ses origines sahariennes. Il était couvert de
colliers de perles, de pendentifs et de dizaines de piécettes
en argent qui scintillaient au gré des flammes.
Après un long silence, les musiciens se tournèrent
ensemble pour faire face au mur. Peut-être qu'ils ne
devaient pas la voir se dénuder. La jeune fille allait
danser."
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On peut conclure de tout cela que l'histoire de la République thermidorienne est traversée par une idée forte qui constitue l'âme de la Révolution de 1795. Cette idée est que la fin ne peut pas justifier tous les moyens. Les thermidoriens, dans leur passion antiterroriste, n'ont eu de cesse de chercher à prendre le contre-pied du gouvernement de la Terreur qui avait porté au pinacle l'idée que la victoire de la Révolution sur ses ennemis devait passer par l'emploi de tous les moyens de salut public exigés par les circonstances... Après la chute de Robespierre, qui mit fin à la Terreur, on ne pouvait faire l'économie de l'analyse des moyens car on comprit que la médication ne devait pas être pire que la maladie.

pp. 327 sq
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Il a oublié que la Révolution manie ses hommes plus que ceux-là ne la dirigent.
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La royale chance avait de toute façon déjà tourné quand le maître de poste à Sainte-Menehould, le citoyen Drouet, reconnut le profil du roi sur un louis d'or, justifiant plus tard ce bon mot de Napoléon adressé à celui qui lui avait ouvert la voie du trône : "Monsieur Drouet, vous avez renversé le monde !"
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Quelques années à peine après le scandale de la première de Figaro de Beaumarchais, qui fut en fait un triomphe, arrive sur les planches une autre pièce d'inspiration politique : Charles IX ou l'Ecole des rois, de Marie-Joseph Chénier. Ce dernier livre une "tragédie patriotique" dans laquelle l'Eglise et la monarchie sont fortement mises en cause dans le massacre de la nuit de la Saint-Barthélemy, le peuple parisien se trouvant dédouané de toute responsabilité dans cette tuerie. Royalistes, aristocrates, curés sont outrés par ce qu'ls qualifient de manipulation de l'histoire à des fins purement politiques. Mais pour Chénier, le théâtre a une vocation pédagogique et même civique...
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D'ailleurs, Balzac n'écrit-il pas quelque part que le comptoir, c'est le parlement du peuple ?
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"Monsieur, vous oubliez à qui vous parlez ; vous oubliez que nous sommes de la canaille, que nous sortons du ruisseau, qu'avec vos principes nous y serions bientôt replongés, et que nous ne pouvons gouverner qu'en faisant peur !"
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Se sachant pertinemment impopulaires et voués à perdre les élections, ils (les conventionnels) ont préféré s'appuyer sur l'armée, restée fidèle, plutôt que de fonder leur pouvoir sur la confiance de l'opinion publique. Le problème est que cette conservation du pouvoir n'était plus possible depuis la Révolution de 1789, qui avait érigé en condition essentielle et fondamentale de la modernité, la nécessité pour le pouvoir politique d'être assis sur la confiance publique. Le gouvernement doit ainsi tirer sa légitimité de sa capacité à écouter l'opinion publique, les voix vives de la société, pour ne pas être déconnecté de la réalité. On nomme aussi cela le divorce entre les élites et la nation.

p. 333
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(Répression après les émeutes jacobines).
Quelle différence, alors, y a-t-il entre le régime de l'an II (Terreur) et celui de l'an III (Thermidor) puisque tous deux acceptent l'idée de la violation des règles en cas de péril grave ? La différence vient du fait que sous la Terreur, l'exception était institutionnalisée, était la règle, tandis que depuis Thermidor, elle est destinée à n'être employée que de manière occasionnelle.

p. 196
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Bronislaw Baczko ne juge pas inconciliables réaction et révolution, dans le sens où il s'agit, après le 9 Thermidor, "d'une révolution, une puissante action libératrice, qu'elle eut comme effet un contrecoup, un desserrement des sentiments, comprimés pendant la Terreur."

p. 258
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Puisqu'on peut faire dire au droit naturel ce que l'on veut et aboutir à faire primer, paradoxalement, la force sur le droit, il est impératif de limiter et d'encadrer, dans des formes strictes - auxquelles on adjoint des devoirs - de même que la liberté des gouvernants, qui devront se soumettre aux règles du constitutionnalisme et d'un régime parlementaire bicaméral. Pour le dire autrement, le respect des formes est une des composantes de la nouvelle légitimité du pouvoir. Les formes judiciaires seront sacralisées. Celui qui les viole rappellerait l'arbitraire de l'an II.

p. 168
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