Giacumbert Nau, te voila pris. Tu remontes le sentier pentu comme une bête blessée, mais tu ne vois pas la pente, tu ne sens plus les dangers que recèlent les rochers. Tu aimerais voir le cheval blanc de Blangias, mais tu ne le vois pas. Ton heure n'a pas encore sonnée.
Moi : "Le chasseur avec une proie est-il un vainqueur ?"
Settembrini : "L'être humain est un vainqueur de la tête aux pieds."
Moi : "Il a soumis la nature et vaincu les dieux".
Settembrini, alias Eschyle : "Maintenant, tout dépend si les vainqueurs respectent les vaincus. Ainsi, ils ne devront pas succomber à leur propre victoire."
Puisse Dieu préserver notre terre du touriste !
Et, vois-tu, l'ours fait le gros dos et il sort un petit moment de son taudis en trottinant pour voir ce que diable fait ce cinglé. En un clin d'oeil les médias en masse ont atterri sur place. Politiciens, promoteurs touristiques, paysans, tout le monde a souhaité la bienvenu à celui que, cent ans auparavant, on avait banni des vallées à grands coups. L'ours croit rêver. Il déchiquette un veau pour voir. Applaudissement frénétique. Le paysan, fier que l'ours vienne de tuer son veau, déclare que nous devons désormais apprendre à cohabiter avec l'ours. L'ours, confus - il n'avait pas du tout compté avec des paysans civilisés - astique un touriste qui s'était trop approché, l'envoyant aux soins intensifs, et en colle une derrière les esgourdes d'un Cantonal qui voulait le cataloguer, fuyant comme un dératé, il retourne dans ses bois. Applaudissement national.
Maintenant, l'ours est sûr d'avoir perdu la boule.
Je lui disais : "La seule chose qu'il te manque pour être le meilleur de tous les chasseurs, c'est de mourir dans les rochers."
Il me disais : "Je fais mon possible, petit neveu".