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4.32/5 (sur 144 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Léane Alestra a créé le podcast et média Mécréantes, qui interroge en profondeur nos représentations autour du genre et cumule des centaines de milliers d’écoutes. Actuellement en études de genre, elle a participé au livre collectif remarqué Nos amours radicales (Les Insolentes, 2021). Les hommes hétéros le sont-ils vraiment ? est son premier essai.

Instagram : https://www.instagram.com/mecreantes/?hl=fr

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Marie Vareille, l'auteure dont les oeuvres ont conquis des dizaines de milliers de lecteurs, nous livre dans son dernier roman "La Dernière allumette", publié chez Charleston et Audiolib et lu par Renaud Bertin et Caroline Tillette, une réflexion poignante sur les sévices infligés aux enfants par les adultes. Dans ce roman, elle explore le cri silencieux des enfants maltraités à travers l'histoire d'Abigaël, une femme en retraite spirituelle dans un couvent, et de son frère Gabriel, un artiste à succès. Alternant entre passé et présent, le récit révèle les traumatismes de leur enfance marquée par la violence conjugale de leur père. En révélant dans cet épisode ses intentions derrière son oeuvre, Marie Vareille nous invite à une réflexion profonde sur la nécessité de briser le silence autour de la violence domestique et de soutenir ceux qui en sont affectés. Concept éditorial: Hachette Digital en collaboration avec Lauren Malka Voix et interview: Laetitia Joubert et Shannon Humbert Écriture: Lauren Malka Montage, musique originale: Maképrod Conception graphique: Lola Taunay Photo auteur: Léane Alestra Extrait musical : I wish I knew how It would feel to be free, Nina Simone, album Right Here, Right Now!, 1963
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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
Pour les jeunes garçons, l’attrait que représente la compagnie des mâles,
mêlé à la crainte de développer une intimité trop intense envers leurs
confrères, est à l’origine d’une forte tension. Ce mélange d’attraction et de
répulsion crée un dilemme qui, faute d’être résolu, les incite à demeurer sur
le qui-vive entre pairs. C’est ce que souligne Daisy Letourneur : « Il y a
évidemment une tension sous-jacente dans cette impitoyable fête à la
saucisse. Fréquenter les hommes, admirer les hommes, glorifier leur corps
musclé dans l’effort sportif est tout à fait acceptable et normal. Vouloir le
toucher est prohibé. Il faut absolument dresser un mur entre nous et la suite
logique de nos affections. Parce que, pour faire court, l’homosexuel est le
pénétré, donc le féminin, donc l’inférieur . »
Alors que l’homme est glorifié et les femmes, ramenées à des sujets de
seconde zone, on interdit pourtant aux hommes de s’aimer frontalement ou
charnellement entre eux. Cette incohérence majeure et persistante s’inscrit
au cœur même de nos conceptions modernes. Or, pour l’enfouir et la nier,
notre société a tout intérêt à simplifier les choses en catégorisant les
hommes en deux groupes artificiels : les bons soldats hétérosexuels et les
homosexuels, tous deux nés comme cela. Cette dichotomie est bien
pratique, car elle sert à réguler les liens entre hommes, à masquer cette
tension et ce trouble. Il suffit de penser aux rugbymen et footballeurs
s’écriant : « On n’est pas des pédés » quarante fois avant chaque match
pour constater que ce besoin frénétique d’affirmer haut et fort son
hétérosexualité est un cri expiatoire nécessaire.
De cette tension résultent des comportements tous plus surprenants les
uns que les autres, comme la pratique du gay chicken. Cette tendance
américaine, apparue il y a quelques années, consiste à publier sur les
réseaux sociaux des vidéos dans lesquelles des hommes se touchent,
s’embrassent, tout en essayant de rester stoïques pour prouver leur parfaite
hétérosexualité… En Russie, il existe même un programme de téléréalité où
les hommes doivent démontrer qu’ils sont hétéros en trouvant le gay caché
parmi eux… Dans cette émission intitulée « Я не гей », qui pourrait être
traduit par : « Je ne suis pas gay », huit candidats s’affrontent pour
convaincre le public qu’ils sont parfaitement hétéros. L’objectif est ainsi de
trouver « l’ennemi » parmi eux, de débusquer l’imposteur avec à la clé deux
millions de roubles (environ 25 000 euros). Pourtant, le magazine Têtu
relève à juste titre « qu’il s’agit probablement du contenu le plus
homoérokitch du pays ! ». En effet, pour prouver leur hétérosexualité, les
candidats se voient mis à l’épreuve et testés. Ainsi, on retrouve
paradoxalement au programme de cette émission homophobe pole dance,
lapdance en slip à paillettes et tee-shirts humides laissant entrevoir des
pectoraux saillants… Et gare à celui qui laissera transparaître une infime
émotion face à ce spectacle haut en couleur. Cette émission semble fasciner
le public russe puisque le premier épisode diffusé sur YouTube a dépassé le
million de vues en moins de trois jours. On rirait presque de l’absurdité de
ce scénario si la situation des jeunes Russes LGBT+ n’était pas
dramatique…
Ainsi, on ne peut nier que l’homophobie prépondérante dans les milieux
masculins hégémoniques traduit un malaise sous-jacent. Nous l’avons
répété, le maintien même du boys club dépend de cette présomption
d’hétérosexualité et il est impensable pour un homme de questionner avec
légèreté la nature des liens qui le lient à la gent masculine. Car transgresser
les règles du boys club, à commencer par celle d’être hétéro, c’est prendre
le risque d’en être exclu, marginalisé, et de se voir déchu d’une partie de ses
privilèges masculins. Or, c’est justement cette peur du rejet et de la violence
des autres hommes qui donne son pouvoir aux bandes masculines et dicte la
bonne conduite de ses membres. Ainsi, dans un premier temps, il s’agit
pour tous les hommes de mettre à distance, d’éventuels désirs homosexuels.
Pour nombre d’entre eux, ces fantasmes sont si enfouis, si inavouables,
qu’ils semblent n’avoir jamais existé. Plus surprenant encore, nombreux
sont les hommes qui entretiennent des liaisons sexuelles, voire romantiques,
avec des hommes, tout en étant intimement convaincus d’être hétéros. Pour
le sociologue américain Tony Silva, « le comportement, l’attraction et
l’identité sexuelle ne sont pas toujours alignés ». Autrement dit, la façon
dont ces hommes se perçoivent est en décalage avec leurs actes et leurs
désirs. Dans son livre Still Straight : Sexual Flexibility among White Men in
Rural America, il s’est entretenu avec une soixantaine d’hommes blancs
vivant dans des communautés rurales aux États-Unis. Tous les hommes
qu’il a questionnés s’identifient comme hétérosexuels, mais indiquent avoir
régulièrement des contacts sexuels avec d’autres hommes, la majorité du
temps en secret. Ces hommes sont intimement convaincus d’êtres hétéros,
peu importent les rapports sexuels et affectifs qu’ils nourrissent avec
d’autres hommes. Mais comment est-ce possible ? Pour la philosophe
Judith Butler, ce phénomène s’explique par le fait d’encrypter son soi
homosexuel. Il s’agit de nier, cacher, enfouir, enterrer et, si besoin, d’expier
les désirs sortant du schéma hétéro. Pour réussir à enfouir ces désirs, il est
nécessaire de ne laisser aucune place au doute, en suivant anxieusement le
script du parfait petit hétéro. Dès l’enfance, cette panoplie du label
« homme hétéro » implique des jouets, des loisirs, une façon de s’habiller,
de marcher, de parler, de se coiffer. Le code de l’homme est réglementé
dans les moindres détails, même (surtout) dans la vie sexuelle intime. La
leçon est d’ailleurs bien retenue par les concernés… En 2022, les deux tiers
des hommes hétéros refusaient catégoriquement que leur partenaire
féminine les pénètre avec un objet , précisément car cela ne colle pas aux
schémas qu’ils ont appris. Ainsi, même lorsque certains entretiennent des
relations romantiques et sexuelles avec des hommes, la remise en question
de leur identité ne suit pas toujours. Dans l’étude de cas mené par Tony
Silvia sur les hommes du milieu rural aux États-Unis, leur point de vue
pourrait se résumer ainsi : « Comment je pourrais être un peu gay alors que
je conduis un tracteur ??? » Ces liaisons restent ainsi secrètes afin de ne pas
ébranler l’identité des sujets, lesquels vont continuer à performer une
masculinité hégémonique pour n’éveiller aucun soupçon dans leur
entourage. Comme le souligne Eva Illouz dans La Fin de l’amour. Enquête
sur un désarroi contemporain, jusqu’à peu « les normes de la conduite
sexuelle étaient considérées comme des codes moraux, les hommes
devaient donner l’impression de respecter ce code, ce qui signifie qu’un
grand nombre de comportements sexuels étaient cachés ou devaient être
intégrés à la perspective du mariage (ou son apparence) . » Or, c’est
précisément parce que chaque homme s’approche plus ou moins de cette
norme mais qu’aucun n’y correspond jamais totalement que ces derniers
craignent autant la remise en cause de leur virilité et de leur légitimité.
Cependant, ces mécanismes ne sont pas toujours conscients chez le sujet.
Pour Tony Silvia, il y a un écart entre les comportements, les relations que
l’on entretient et l’identité sexuelle à laquelle ces hommes s’identifient.
Lors de mes entretiens j’ai par exemple rencontré Simon, un rugbyman, qui
a fini par prendre conscience qu’il était bi seulement à la fac. Pourtant, il
vivait des expériences sexuelles et romantiques depuis l’adolescence avec
des hommes, mais il a très longtemps considéré que c’était là des jeux entre
ados. En raison de sa carrure de rugbyman d’1,90 mètre, il avait du mal à se
concevoir autrement qu’hétéro, notamment parce qu’il était perçu comme
tel en société. Si lui se sait aujourd’hui non hétéro, ce n’est pas le cas de ses
anciens partenaires. Ces derniers, principalement des amis plus ou moins
proches, eux aussi rugbymen, n’évoquent jamais ces relations qui
constituent un puissant tabou.
Observant ce décalage entre l’identité sexuelle/romantique et les
préférences sexuelles, certains coachs et sexologues comme Joe Kort y ont
vu une source de business possible. En effet, leur travail consiste à rassurer
les femmes découvrant que leurs compagnons entretiennent des relations
extra-conjugales avec d’autres hommes. L’objectif de ces coachs est de leur
assurer que leur partenaire est parfaitement hétéro. Sur le site internet de
Joe Kort, on peut par exemple lire ce slogan à destination des compagnes :
« CE N’EST PAS UN TRUC DE GAY, C’EST UN TRUC DE MEC ! Ces
questions et un million d’autres sont probablement en train de vous trotter
dans la tête. Mais devinez quoi ? Vous n’êtes pas seules. De nombreux
types d’hommes s’engagent dans des relations homosexuelles pour diverses
raisons. Veuillez acheter ce guide pour les femmes préoccupées par leur
homme pour en savoir plus . » Parmi les raisons évoquées par le sexologue,
ces hommes seraient en réalité en colère contre leur père pas assez
disponible pour eux, ou trop dépendant au sexe pour se contenter de
rapports hétéros…
Ce flou contradictoire entre ce qui est considéré comme gay ou hétéro,
l’universitaire et féministe américaine Eve Kosofsky Sedgiwck l’explore
brillamment dans ses essais . La découverte de sa pensée fait d’ailleurs
l’effet d’une révélation, et nous permet d’enfiler des lunettes qu’on ne
voudra plus jamais retirer. Sedgiwck montre avec finesse les ficelles d’un
théâtre hétérosexuel anxieusement codifié, dans lequel l’homme vit avec
l’angoisse permanente que quiconque remette en cause son hétérosexualité.
Cette peur viscérale, elle l’appelle la « panique homosexuelle ». Il s’agit du
besoin constant pour les homm
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L’histoire de la condamnation de l’homosexualité en Europe occidentale
est celle d’un basculement et d’un renversement idéologiques liés à
l’arrivée de nouvelles théologies. Car si jadis, l’amour homo n’était pas
toujours platonique et pouvait se vivre au grand jour, l’influence de saint
Augustin ne tarda pas à gâcher la fête… Au IV siècle, ce théologien majeur
du christianisme imagine la doctrine du péché originel, associant le désir
sexuel à la honte, prétendant que la libido est la marque du diable . À la
même époque, les mariages homosexuels sont officiellement interdits par le
Code de Théodose, un recueil de décisions impériales romain promulgué
par l’empereur romain Théodose II, et l’interdiction officielle entre en
vigueur le 1 janvier 439.
Après le décès traumatisant de son « meilleur ami », un ami très, très,
proche , le philosophe Augustin, qui deviendra saint Augustin, se convertit
à la tradition chrétienne : « Je sentis que mon âme et la sienne n’étaient
qu’une seule âme en deux corps et la vie me devint donc intolérable, parce
que je ne voulais pas vivre réduit à la moitié d’un tout ; et pourtant, j’avais
peur de mourir de crainte que l’être que j’avais tant aimé ne meure
complètement . » Il consacrera ensuite son existence à tenter d’éradiquer les
pulsions sexuelles « du diable » touchant l’humanité, au lieu de raconter
simplement son chagrin à une oreille attentive et de nous laisser en paix…
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Pour comprendre ce basculement dont Augustin est à l’origine, il faut
saisir le contexte historique et sa dimension misogyne. Sous l’Antiquité
romaine, les philosophes justifient la suprématie des hommes par l’idée
qu’ils sont plus forts et plus résistants que les femmes. On n’a pas de
difficulté à imaginer qu’ils sont évidemment tous, sans exception, des iron
men indéfectibles… Car l’identité masculine hégémonique repose sur la
maîtrise de soi, de ses affects, et le rejet absolu de toute trace de
vulnérabilité. À cela on oppose des corps « féminins » qui, en raison de
leurs menstruations et du lait coulant de leurs seins, ne sauraient se contenir.
Mais Augustin se retrouve face à une contradiction : si les hommes se
contrôlent, il y a pourtant quelque chose sur lequel ils n’ont pas une totale
prise… Il existe une manifestation physique qui trahit leur vulnérabilité…
Ce talon d’Achille, c’est l’érection. D’où viennent nos désirs ? Pour quelle
raison je n’en suis pas complètement maître ? Pourquoi suis-je attiré par un
corps ? Comment expliquer que je ne puisse maîtriser mes érections quand
je suis entouré d’hommes aux thermes ?
Ces questionnements ne cesseront de hanter le philosophe . Pour y
répondre, Augustin va théoriser le péché originel, en remontant pour cela
aux prémices de l’humanité. Et, spoiler alert : son analyse, qui influence
encore nos sociétés, a désigné ces dames grandes coupables. Pour saint
Augustin, si les hommes ne contrôlent pas leurs érections, c’est la faute
d’Ève. Ce serait elle qui, en croquant le fruit défendu avant de le faire
goûter à son compagnon Adam, aurait cédé à la tentation du serpent . En
trahissant Dieu, la femme originelle a ainsi condamné l’homme à porter la
trace du péché dans sa chair. Le caractère involontaire de l’érection resterait
un héritage honteux, le marqueur physique de la faiblesse d’Adam et la
trace de son péché. En écoutant l’avis de sa compagne au détriment des
instructions du Père tout-puissant, il aurait conduit ses descendants
masculins à subir la sanction du patriarche suprême. Les hommes sont dès
lors punis, pour avoir privilégié le féminin à l’ordre patriarcal. Quant aux
femmes, la faute originelle les condamne à accoucher dans la douleur et à
aimer leur mari quoi qu’il leur en coûte…
Nos appétits érotiques deviennent ainsi la marque du mal, établissant la
fin de l’innocence divine offerte par le paradis déchu. Nos désirs demeurent
pour Augustin la preuve que nous appartenons à une espèce traversée par ce
qu’il nomme en latin la massa peccati , une « masse de péchés ». Nous
devons donc nous purifier et éviter d’aggraver notre cas en bannissant tout
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geste de luxure. Les considération de saint Augustin seront reprises par les
théologiens des générations suivantes, notamment pour dresser la liste des
péchés capitaux. Dans l’énumération des actes pouvant nous envoyer
directement en enfer, ils ajouteront alors la luxuria, à savoir le plaisir sexuel
recherché pour lui-même…
Saint Augustin ne va pas se contenter de désigner les femmes comme
étant à l’origine du péché, il va aussi lutter pour convaincre ses semblables
que les hommes homosexuels sont des êtres contre nature. Pour ce faire, il
va sélectionner dans le monde animal des exemples d’espèces qui sont
selon lui strictement hétéros et décréter que c’est naturel puisque c’est
comme cela chez les animaux . Comme quoi, instrumentaliser la nature ne
date pas d’hier… Une entreprise osée puisque, comme le rappelle
l’historien John Boswell, à cette époque, les comportements homosexuels
chez les animaux étaient déjà cartographiés par les naturalistes comme les
comportements saphiques des pigeons qui étaient bien connus.
Malheureusement, dix-sept siècles plus tard, ce type de propos perdure,
et contient toute l’ambivalence des discours homophobes. Ainsi, d’un côté,
les LGBT+ seraient des êtres contre nature, mais, dans le même temps, ils
seraient des êtres mal éduqués et bestiaux, qui cèdent à leur instinct comme
des animaux. Paradoxal, n’est-ce pas ? Pour les homophobes, il suffirait
d’ailleurs de quelques films LGBT+ à l’écran pour risquer de
« contaminer » tous les hétéros. Preuve en est que l’hétérosexualité qu’ils
clament comme étant « naturelle » leur semble pourtant bien fragile…

Les idées de saint Augustin, considéré encore aujourd’hui comme un des
plus grands intellectuels occidentaux, laisseront un impact profond dans les
mentalités. Après sa mort, les relations entre hommes continueront à être
glorifiées, mais devront désormais se passer de tout caractère charnel. La
luxure restant l’apanage des tentatrices, ces créatures descendant d’Ève, le
célibat et la fraternité entre hommes sont présentés comme autant de
moyens légitimes d’échapper aux séductrices. Ainsi, ce qui est considéré
comme contre nature pour un homme n’est pas de relationner avec un autre
homme, mais bien de le séduire, car l’entreprise de séduction serait une tare
féminine. Bref, à défaut de pouvoir opérer une croix totale sur les créatures
à vagin en raison d’une légère nécessité reproductive, il sied de rappeler aux
hommes de bien s’en méfier. La tentation sexuelle renvoyant dorénavant à
une caractéristique féminine, l’homme qui en charme un autre bascule,
comme par contagion, du côté féminin. En poursuivant ses désirs sensuels,
l’homme se comporte comme Ève et va ainsi contre sa nature. Il renie
l’amour chaste offert par le Christ, et devient un être contre nature, car il
porte en lui le péché d’Ève et des femmes, et non plus celui d’Adam !
La passion entre hommes reste la plus légitime, car elle est, au moins en
apparence, délestée d’érotisme. Ce n’est donc pas l’amour homo qui est
réprouvé par l’Église, mais bien les actes sexuels sodomites, soit tout ce qui
n’a pas de visée procréative. Adopter des comportements féminins
lorsqu’on est un homme est ainsi perçu comme une trahison de la classe
sociale masculine. Par ailleurs, l’Église fondant son pouvoir sur une
politique nataliste dans l’optique d’accroître son nombre de fidèles, il
convient de proscrire tout mode de vie s’écartant de cet objectif nataliste.
Les individus doivent engendrer un maximum d’enfants et n’avoir pas
d’autres occupations en dehors de leur foi… Aussi, il est important de
comprendre que le terme « sodomia » ne fait son apparition dans le
vocabulaire de l’Église catholique qu’à partir du XI siècle et désigne tout
rapport sexuel n’ayant pas de but procréatif . Actuellement, il existe
d’ailleurs une confusion générale autour du péché de Sodome. Dans
l’imaginaire collectif, Sodome et Gomorrhe seraient l’acte originel du
péché de chair, or le péché de Sodome, que l’on retrouve dans l’Ancien
Testament, ne renvoyait pas du tout à la condamnation de l’homosexualité,
mais à celle du manque d’hospitalité envers les étrangers, et condamnait
toute forme d’agression sexuelle . Dans les textes originaux, le crime de
Sodome était celui de ne pas soutenir la main du malheureux et de
l’indigent . Jusqu’à la fin de la seconde moitié du XV siècle, le flou
juridique causé par le manque de définitions pour qualifier les
comportements sodomites laissa aux individus une certaine liberté dans la
mesure où ils sauvaient les apparences. Tant que deux hommes très proches
donnent le change, que leur lien paraît platonique, pieux, et que les devoirs
conjugaux sont assurés, pourquoi s’inquiéter ? On peut citer par exemple
Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion, rois de France et d’Angleterre,
un couple tellement inséparable qu’ils partageaient la même nourriture, le
même plat, et couchèrent des années durant dans le même lit sans que cela
semble émouvoir grand monde . Aussi, afin de survivre à travers les âges,
les modèles de relations passionnelles homosexuelles n’ont cessé d’être
remodelés. Et si cela doit impliquer une impasse sur les pratiques
charnelles, pour vivre un attachement toléré par la morale hétérosexiste,
pourquoi pas ?
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Dans le contexte du pensionnat, les jeunes hommes sont privés d’amour
familial et les règles de vie sont très strictes. Aussi, d’après les historiennes,
les lettres que s’envoyaient les jeunes hommes « soulignent d’une voix
quasi unanime les privations affectives et physiques de cette adolescence
vécue au pensionnat ». Elles continuent : « Ces écrits, où perce un
sentiment de fierté d’avoir passé “l’épreuve”, s’épanchent aussi longuement
sur les amitiés de collège, sur les relations profondes, intenses et parfois très
durables qui s’y sont nouées . » La camaraderie permettait donc d’adoucir
les règles disciplinaires de l’établissement, mais aussi de supporter le vide
affectif causé par la séparation familiale. Les historiennes relatent
également la pratique commune des « chatteries », que l’on appelle aussi
parfois « chattage », attestée dans les pensionnats tout au long du XIX et du
XX siècle. Le terme désigne une relation unissant un petit élève avec un
autre d’une grande classe. L’aîné, qui initiait la relation en introduisant son
cadet à l’univers collégien, lui accordait sa protection, mais aussi des
services affectifs et parfois sexuels. Les deux historiennes écrivent :
« Quand la liaison prend une tournure plus affirmée, les amis s’échangent
furtivement regards espiègles et mots doux, ou, même, tendres baisers et
caresses. […] Ces liens d’amitié, pas toujours dénués de sensualité,
permettent à certains d’explorer leur homosexualité naissante. Chez
d’autres garçons, qui entretiennent des rapports distants et plutôt rares avec
leurs familles et avec les femmes, ils répondent aussi vraisemblablement à
un besoin affectif. Ils ne sont pas propres, du reste, au milieu collégien,
comme l’a montré Steven Maynard dans son analyse des amours
masculines juvéniles dans les milieux ouvriers ontariens au tournant du
siècle . »
Si, au sein des collèges, le code viril faisait des exclus, notamment chez
les élèves paraissant efféminés aux yeux de leurs camarades, cela ne les
empêchait guerre de développer des relations passionnelles entre jeunes
garçons. En témoignent ces lettres mises en évidence par les historiennes :
« Le jeune Groulx écrit par exemple, en 1898 : “Quand je t’ai connu pour la
première fois, il y avait déjà longtemps que je cherchais un ami, mais un
ami selon Dieu. Tout jeune, hélas ! Mon âme était allée se brûler à des
affections légères et puériles et plus heureuse que le papillon folâtre, si elle
y a laissé de ses lambeaux, elle n’y a point laissé ses ailes […]. On m’avait
déjà parlé de toi, et l’on avait dit beaucoup de bien. Sans m’en apercevoir,
sans que j’en connaisse les premières causes, je sentais de jour en jour,
comme des impulsions secrètes qui me poussaient vers toi. […] Sur ton
front pur, perçaient comme des étoiles brillantes les feux et les éclats d’une
jeunesse toute pure. […] Daniel, depuis le soir que je t’ai rencontré, je n’ai
pu arracher de mon âme un quelque chose de toi qui y était entré .” »
Avant de partir pour le noviciat des pères du Saint-Sacrement à Montréal
en 1908, Auguste Pelletier témoigne de son affection à son ami Camille
Mercier, resté à Sainte-Anne : « Les beaux jours que nous avons passés
ensemble étaient un gage du bonheur qui nous était réservé à tous deux. Et
voilà que toutes mes espérances, tous mes beaux rêves sont anéantis. Si tu
savais combien j’ai le cœur brisé . » Hector de Saint-Denys Garneau, élève
de Belles-Lettres au collège Sainte-Marie, écrit quant à lui à son ami André
Laurendeau, en 1930 : « Mon âme qui est presque toute mon cœur aime la
tienne et ton cœur d’une façon un peu étrange […] qui ressemble
singulièrement à l’amour, qui en est peut-être après tout » et un autre dit de
son camarade qu’il est « l’élu entre mille ».
Jusqu’au début du XX siècle, ces relations bénéficiaient d’une relative
tolérance, et pour cause, au XIX siècle émerge un nouveau modèle
amoureux, le « grand amour », lequel valorise la moralité de l’amour
passionné en opposition aux désirs érotiques. D’après l’historien américain
spécialiste des questions LGBT+, Jonathan Ned Katz, les personnes de
même sexe pouvaient ainsi laisser libre cours à l’érotisme de leurs amitiés
romantiques tant qu’elles ne « tombaient pas » dans les travers de la
sodomie ou du saphisme. La distinction n’était pas établie entre
homosexualité et hétérosexualité, mais entre le vrai et le faux amour. Sauf
que le véritable amour devait se conclure par un mariage… À partir des
années 1920, les amitiés dites « particulières » sont de moins en moins tolérées et le discours se durcit. Pour les historiennes Christine Hudon et
Louise Bienvenue, « ces complicités, jusqu’alors perçues comme des
relations trop exclusives porteuses de jalousies, comme des invitations au
plaisir, des manifestations d’“impuretés” ou, tout au plus, des “vices
honteux”, sont désormais qualifiées d’anormales et de pathologiques dans
certains articles et brochures qui leur sont consacrés. Un article […]
s’inquiète par exemple de ces “erreurs fort préjudiciables à l’éclosion
normale” des facultés. Les “amitiés amoureuses” constituent des
“sympathies anormales qui sont une déviation de l’instinct sexuel”. Rien ne
sert de les ignorer. L’éducateur doit plutôt canaliser les ardeurs des
adolescents, former leurs volontés et leur offrir une direction spirituelle
attentive et enthousiaste ». Une nouvelle façon d’appréhender les rapports
entre les écoliers que l’on doit à la psychanalyse …
Pour les deux historiennes, l’effacement des figures féminines dans la vie
et dans l’enseignement de ces jeunes hommes couplé à un idéal viril de plus
en plus homophobe furent source de tensions très fortes dans les collèges
classiques. En d’autres termes, l’éducation au sein de ces collèges a créé
l’admiration absolue des hommes pour les hommes, tout en les empêchant
ensuite de s’aimer… Pour les chercheuses, cette tension ne se retrouve pas
dans les établissements scolaires féminins. En effet, dans les couvents et les
collèges féminins, l’apprentissage culturel se fait avec des auteurs, des
penseurs et des prédicateurs masculins. Les filles sont donc poussées à
admirer et à aimer les hommes. À l’issue de leur enseignement, elles voient
dans la promesse d’un mariage hétéro un ascenseur social et non un
renoncement. A contrario, les jeunes hommes ont été bercés par des récits
sur des hommes héroïques, privés de toute représentation féminine. Élevés
dans le mépris des femmes, ils conçoivent le mariage hétérosexuel qui les
attend avec fatalisme et mélancolie.
Mais qu’en est-il actuellement ? Grâce à nos écoles mixtes et à une plus
grande tolérance de l’homosexualité, les choses ont-elles changé ? Oui et
non. Oui, car nous grandissons ensemble et nous ne mystifions plus l’autre
genre comme ce fut le cas autrefois. Les enfants se côtoient et se
connaissent davantage quel que soit leur genre. De plus, la mixité est
aujourd’hui la norme pour les nouvelles générations. En même temps, les
amitiés particulières entre hommes qu’on appelle à présent « bromance »
sont toujours omniprésentes. À l’école, les élèves continuent d’apprendre
une histoire centrée sur les grands hommes et leurs exploits. Les petites filles continuent quant à elles à intégrer qu’elles sont inférieures à leurs
camarades masculins, à grand renfort de règles, y compris grammaticales, à
commencer par la plus célèbre d’entre elles : « Le masculin l’emporte sur le
féminin. » Quant aux représentations LGBT+ à l’école, le président français
Emmanuel Macron s’est dit défavorable à leur simple évocation avant le
lycée, alors même que les représentations hétéros dans les manuels scolaires
sont monnaie courante. De l’autre côté de l’Atlantique, la loi « Don’t say
gay » a été signée en mars 2022 : elle interdit aux enseignant·es de
maternelle et du primaire floridien de parler de « l’orientation sexuelle ou
de l’identité de genre » avec leurs élèves. Bref, vous l’aurez compris, la fin
de l’hétéronormativité, soit le fait d’éduquer les enfants comme des hétéros
par défaut, n’est pas pour tout de suite.
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Encore une fois, cette situation n’est pas le fruit du hasard : elle est le
résultat des choix politiques de nos ancêtres. Durant des siècles, le corps
des femmes fut la propriété de leurs maris et, à partir du XIX siècle, avec la
naissance de l’idée du mariage par amour, réserver son corps à son mari est
vu comme une preuve et un gage d’amour. Ainsi, le sexe ne doit être
consommé qu’au sein de la relation de couple et est considéré comme
l’aboutissement de cet amour. Or, comme nous l’avons vu, autrefois les
femmes ne pouvaient pas être indépendantes économiquement ; soit elles
restaient au foyer, soit elles reversaient leur salaire à leur mari ou leur père.
Ne pouvant disposer de biens et de leur argent, la promesse d’offrir à
l’homme une descendance légitime se présentait comme la seule monnaie
d’échange possible contre les richesses détenues par les hommes. Le sexe
était donc une ressource économique qu’on réservait à son conjoint en
échange de sa protection, du gîte et du couvert … C’est pourquoi les
femmes ne devaient pas se dévaluer sur le marché en négligeant leur
apparence ou en cumulant les partenaires avant le mariage. C’est aussi pour
cette raison que les femmes ayant plusieurs partenaires sexuels étaient
sévèrement jugées par les autres femmes, ces dernières les accusant de
réduire la valeur des femmes sur le marché en salissant l’image de la gent
féminine… L’enjeu pour les femmes était donc de prouver aux hommes
combien elles étaient respectables et intègres en espérant ainsi qu’ils
partagent mieux les ressources qu’ils détenaient. Si, depuis 1965, les
femmes ont enfin le droit d’avoir un compte bancaire et sont moins
dépendantes économiquement, les vieilles habitudes sociales ne se perdent
pas pour autant du jour au lendemain. Le slut shaming, soit le fait
d’humilier une femme en raison de sa vie sexuelle, perdure, et de
nombreuses jeunes filles en sont victimes, notamment au lycée. Or,
l’humiliation des femmes concernant leur tenue vestimentaire ou leur vie
sexuelle n’est ni plus ni moins qu’un violent rappel à toutes les femmes
(celles qui le subissent et celles qui en sont témoins) de ce qui est attendu
d’elles. En France, ce droit de surveillance des hommes sur les femmes est
toujours profondément ancré : par exemple, un quart des hommes déclarent
exercer un contrôle sur les tenues vestimentaires de leurs partenaires. (37)
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Sans vouloir contrarier celles et ceux qui croient toujours en une nature
profonde et immuable expliquant nos comportements sociaux : tout cela n’a
rien d’inné. La virilité, c’est un attribut que l’on obtient en fonction de son
obéissance aux attentes genrées. Tu es hétéro, bon point. Tu es musclé, bon
point. Tu lis, portes des lunettes et parles de tes sentiments ? Carton jaune.
Tu préfères la compagnie des femmes, tu te maquilles ou tu fais du patinage
artistique ? Carton rouge. L’hétérosexualité, tout comme l’école, est une
institution. C’est une institution dans le sens où il s’agit d’une structure
sociale dotée d’une certaine stabilité et durabilité dans le temps, et ayant
pour fonction de maintenir un état social. C’est un mode de régulation des
interactions sociales vouées à se reproduire et à se transmettre. Toute
institution sociale se présente comme un ensemble de croyances, de
normes, d’attitudes et de pratiques. Dans le cadre de l’institution
hétérosexuelle, les individus nommés les « hommes » et les « femmes » y
prennent part et reproduisent ses commandements tout en les élaborant. En
reproduisant ces comportements, ils et elles font perdurer l’institution. Or,
cette structure sociale est si ancienne qu’elle peut nous sembler immuable et
nécessaire. Elle régule nos interactions sociales, conditionne notre façon de
marcher, nos mimiques, nos goûts, notre manière de nous habiller et
d’interagir avec les autres. Elle repose sur un ensemble de croyances, de
dogmes, de normes, de pratiques et d’attitudes qui nous paraissent aller de
soi. Ainsi, l’hétérosexualité modèle le genre et ses expressions, les
personnes qui se conforment à ses règles sont valorisées et encouragées
socialement.
L’évaluation virile sert à classer les hommes entre eux et à récompenser
ceux qui obtempèrent docilement. Or, si l’on s’attarde sur ces critères, le
bon élève chez l’homme hétérosexuel, c’est qui, si ce n’est un homme de
paille ?
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À cette pathologie qu’est l’hétérosexualité, il faut ajouter celle du
« féminisme » ! Ce terme apparaît dans la sphère médicale dans la seconde
moitié du XIX siècle, et avait un sens tout autre que celui qu’il revêt
aujourd’hui. On retrouve une des premières traces de cette expression en
1871, dans une thèse de médecine intitulée Du féminisme et de
l’infantilisme chez les tuberculeux, dont l’auteur est l’étudiant Ferdinand-
Valère Faneau de La Cour . Ainsi, durant quelques décennies, le nom
« féminisme » appartient au vocabulaire médical et désigne les hommes
ayant un retard de croissance ou des conduites et manières d’être jugées
trop féminines. Être féministe à cette époque était un terme péjoratif
pointant du doigt les mâles manquant de virilité aux yeux de la société.
Le mot « féminisme » a très vite été repris par le romancier Alexandre
Dumas fils, républicain et farouchement misogyne. Il l’utilise pour la
première fois dans un essai datant de 1872, intitulé L’Homme-femme. Dans
ce traité particulièrement sexiste, l’auteur vise à interdire le divorce et à
légitimer le meurtre des épouses adultères. En voici un extrait : « Son
esclavage c’est sa garantie, sa puissance, son génie. Femmes libres, femmes
mortes ! » Dumas fils charge au travers de son texte les hommes défendant
des idées égalitaires. Le mot « féministes » désigne alors les hommes
favorables au droit de vote des femmes sous la III République. Selon lui,
ces derniers mettent en danger la société et trahissent la classe masculine en
choisissant d’être solidaires aux revendications des femmes… Dans ce
contexte, le mot « féministe » était une insulte comparable à
« femmelette », « fillette » ou « tapette ».
L’origine de ces deux termes dit une chose intéressante de cette époque :
un homme qui admirait outre mesure les femmes, qui adoptait une
gestuelle, des mimiques, qui se travestissait ou simplement qui entendait
défendre les droits de la gent féminine n’était plus un homme aux yeux de
ses semblables. Celui qui ne haïssait pas les femmes était considéré comme
un être contre nature, déviant.
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Pour Thomas Messias, journaliste et auteur du livre À l’écart de la meute.
Sortir de l’amitié masculine , l’ensemble des groupes masculins fonctionne
plus ou moins sur cette hiérarchie et compétition masculine. Ainsi, s’il
souhaite appartenir au boys club, un homme n’a d’autre option que celle
d’être un loup parmi les loups pour survivre dans la meute… Ces discours
naturalisant la compétition masculine utilisent un champ lexical viril
comparant l’homme à un prédateur, à une bête du monde sauvage qu’il
convient de « civiliser » sans annihiler « son instinct primitif ». Il s’agit
d’un mythe occidental très ancré et ambivalent, derrière lequel se trouve la
fameuse croyance selon laquelle le mâle est dominant par nature. Dans cet
imaginaire, le règne animal serait organisé autour de la place hiérarchique
d’un mâle ; les meutes seraient ainsi pilotées par un seul et unique
spécimen, lequel guiderait les autres pour les protéger et faire perdurer
l’espèce. Cet être serait un chef légitime désigné naturellement par le
groupe en raison de ses compétences supérieures aux autres. Il serait
notamment le plus fort et, de ce fait, le choix privilégié des femelles.
L’ensemble de ses caractéristiques feraient de lui ce que l’on nomme
communément « le mâle alpha » .
Cette conception remonte à l’ouvrage Systema Naturae de Charles de
Linné publié en 1735. Il y théorise une étude comparative des populations
non occidentales par les Occidentaux, exotisés et animalisés par le regard
européen . Comme le souligne l’historienne Marylène Patou-Mathis, dans
sa première classification, Linné a divisé l’espèce Homo sapiens en six
variétés, notamment l’américaine (Homo sapiens rouge), l’européenne
(Homo sapiens blanc), l’asiatique (Homo sapiens jaune), l’africaine (Homo
sapiens noir), « la monstrueuse » (Homo sapiens monstrosus qui comprend
les géants de Patagonie, les macrocéphales, les hommes à queue d’Afrique
ou d’Asie, etc.) et « la sauvage » (Homo sapiens ferus) .
Cet héritage raciste a conduit les scientifiques de l’époque à élaborer de
nouvelles théories légitimant idéologiquement la colonisation . En
hiérarchisant ainsi les sociétés non blanches entre elles, avec comme étalon
de mesure l’homme occidental, les scientifiques de l’époque ont participé à
naturaliser la domination occidentale en la présentant comme légitime.
Selon eux, l’homme blanc occidental aurait donc en quelque sorte
« dressé » sa masculinité, trouvant ainsi le parfait équilibre entre son
animalité d’antan et son « civisme ». Les hommes arabes et noirs, eux,
seraient victimes de leur « nature », laquelle serait marquée par une virilité
et une agressivité excessives . Encore aujourd’hui, l’héritage de ce discours
imprègne fortement notre imaginaire. Et cela continue de déresponsabiliser
les hommes blancs, tout en faisant des autres hommes des présumés
coupables.
Par ailleurs, cette idée de « chef de meute », qu’on suivrait par instinct
animal, perdure également. Bien qu’aujourd’hui les avancées scientifiques
nous permettent d’affirmer que ce modèle relève du fantasme , on tend à
nous faire croire que cette idée de mâle alpha explique nos rapports
humains et qu’on n’y pourrait rien puisque c’est comme ça dans le monde
animal… Pourtant, il a été démontré que ce n’est pas exact. Chez les loups,
par exemple, on est bien loin de l’image du mâle alpha dominant : ce sont
généralement des parents éducateurs qui accompagnent leurs enfants, en
s’entraidant. Si on regarde du côté des babouins, considérés comme ayant
un mode d’organisation sociale se rapprochant des sociétés humaines, ils
ont en réalité un mode d’organisation hiérarchique bien éloigné de l’idée de
« nature » revendiquée par certains hommes. Ainsi, lorsque les babouins
mâles quittent leur tribu à l’adolescence, et cherchent à en intégrer une
nouvelle, ils doivent, pour être acceptés, se mettre les plus vieilles femelles
dans la poche en montrant qu’ils savent bien s’occuper des petits et partager
la nourriture avec tout le monde ; sinon, ils prennent la porte . Quant aux
macaques, eux aussi réputés « dominants » dans l’imaginaire collectif, ils
sont en réalité les champions des amitiés hétérosexuelles : en effet, les
mâles et les femelles entretiennent des amitiés sur plusieurs années, basées
sur le soutien mutuel . De plus, lorsqu’une ancienne partenaire va voir
ailleurs, c’est le macaque mâle qui s’occupe de l’éducation de leur
progéniture commune …
Du côté des humains, le constat est le même. Si les différentes vagues de
colonisation et le processus de mondialisation ont donné l’impression qu’il
n’existait qu’un seul modèle reposant sur la division sexuelle du travail et le
sexisme, ce n’est pas et n’a pas toujours été le cas. Ainsi, dans certaines
sociétés, comme chez les Mosuo du sud-ouest de la Chine, les pères et les
maris n’existent pas : les femmes vivent sous le même toit et ce sont les
oncles qui élèvent les enfants . Au Mexique, les Juchitân forment de leur
côté une communauté dans laquelle les genres « féminin » et « masculin »
ainsi que les rôles qu’ils occupent n’existent pas . En Afrique centrale, au
sein de la tribu nomade des Akas, les pères passent la moitié de leur temps à
s’occuper de leurs enfants. Par ce mode d’organisation, nombre d’entre eux
n’ont pas complètement perdu la capacité d’allaiter et ce sont eux qui
donnent le sein aux enfants quand la mère part chasser …
Alors comment expliquer qu’en dépit de nos connaissances sur
l’incroyable variété des orientations et pratiques sexuelles, des modes de
reproduction et des stratégies parentales, l’idée de mâle dominant circule
toujours ? Selon l’éthologue et philosophe des sciences Vinciane Despret,
le discours de la dominance a eu un tel succès que même quand il est
contesté scientifiquement, il continue à imprégner la manière dont on
perçoit les choses . Or, si cet artefact plaît autant, c’est bien parce qu’il est
commode. En effet, quoi de mieux, pour légitimer une organisation
capitaliste se fondant sur les dominations de classes, de genres et de races,
que d’affirmer que l’univers l’a voulu ainsi ? Cette idée selon laquelle les
femmes et les hommes seraient deux êtres venus de deux planètes
différentes mais naturellement complémentaires en est une des résultantes.
Il faudrait pour chacun des genres trouver « sa moitié », son double féminin
ou masculin complémentaire. Ainsi, aux hommes naturellement dominants
reviennent la vie publique, la réalisation personnelle, le pouvoir décisionnel
et matériel. Quant aux femmes, quelle serait leur place ? Voici ce qu’en dit
Napoléon, grand partisan de cette théorie de la complémentarité : « Rien de
déshonorant dans la différence : chacun a ses propriétés et ses obligations ;
vos propriétés, mesdames, sont la beauté, les grâces, la séduction ; vos
obligations, la dépendance et la soumission . »
Nous savons aujourd’hui combien ce modèle asymétrique, reposant sur la
servitude volontaire des femmes, est source d’exploitation et de violences
et, pourtant, beaucoup croient encore en ce modèle politique. Pour cause, il
est nécessaire à l’organisation capitaliste, laquelle repose sur le profit que
les dominants tirent du travail gratuit des dominés. Alors, certes, les
hommes qui s’y réfèrent avouent volontiers qu’il est quelque peu
inégalitaire, mais comprenez, il est nécessaire pour maintenir l’harmonie
entre les genres !
Pour revenir aux hommes, l’idée de mâle alpha implique celle d’une
double domination : celle des hommes sur les femmes, mais aussi celle des
hommes entre eux. Si, de manière générale, les hommes s’accordent à
contrôler les femmes, il convient de rappeler que, le plus souvent, ils sont
eux-mêmes soumis à d’autres hommes : une poignée de mâles
« dominants », ces « mâles alpha », en immense majorité des hommes
blancs, riches, valides, cisgenres et hétérosexuels qui s’inscrivent dans la
catégorie de masculinité hégémonique proposée par Connell. Par leur
ascendant sur leurs semblables, ces hommes accaparent les richesses créées
par l’ensemble de l’humanité, mais tout le génie de cette rhétorique consiste
à présenter cette situation comme juste. Ah, ces mâles alpha naturellement
légitimes à guider tous les autres afin d’assurer la survie de l’espèce… Le
moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils font très bien le job au vu de l’état
de la crise climatique. Thank you, Jeff Bezos !
Il n’en reste pas moins fascinant d’observer comment une lecture erronée
des sciences, en l’occurrence ici le mode de vie des loups et des babouins, a
servi d’appui idéologique au concept de domination capitaliste. Alors que la
biologie, en particulier la biologie de l’évolution, suggère l’existence d’un
« désordre naturel », plutôt qu’une hiérarchie établie , le concept de « mâle
alpha » est aujourd’hui employé afin de justifier les inégalités sociales et la
domination entre humains.
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De ce désir d’espaces en non-mixité est né le boys club, évoqué en
introduction. Il désigne un réseau informel privé, largement ou
exclusivement masculin, dont les membres, socialement homogènes, sont
choisis par cooptation afin de s’entraider. Leur solidarité se veut à toute
épreuve et, bien qu’elle ne soit jamais dénuée également de compétition,
elle est un lieu de pouvoir convoité. Ces boys clubs se déclinent à l’infini
puisqu’ils vont de la bande d’adolescents au lycée jusqu’aux clubs select
dont certains sont encore interdits aux femmes. Pour intégrer ces espace, les
hommes doivent suivre les règles quasi théologiques du code viril,
évoquées également en introduction. Bien sûr, les règles des boys clubs
changent selon le milieu social et les situations : les cercles d’entrepreneurs
millionnaires n’auront pas les mêmes codes que le club de chasse et pêche
qui anime les dimanches à Trélissac. En revanche, dans les deux cas, il
conviendra de démontrer une maîtrise du code viril.
Parmi les attributs requis pour être accepté, il y a généralement des
références communes à connaître (répliques de films, connaissance d’un jeu
vidéo, d’un registre de blagues…) des aptitudes sportives, une capacité à
prendre des risques, mais également le succès auprès des femmes. Les
femmes sont alors utilisées comme des tickets d’entrée, des faire-valoir.
Ainsi, plus la conquête féminine sera jugée belle et pas trop « accessible »
aux autres hommes, plus le trophée aura de la valeur et plus l’homme sera
valorisé dans la compétition masculine. Dans La Fin de l’amour. Enquête
sur un désarroi contemporain, la sociologue Eva Illouz rappelle que la
« “distinction sexuelle” est le mécanisme central de l’identité romantique et
du statut sexuel. Or cette distinction s’acquiert par le rejet des autres (rejeter
ou être rejeté). En ce sens, la distinction sexuelle diffère de la distinction de
classe : alors que la seconde repose sur la capacité à établir de la valeur et
des différences de valeur, la première entend établir correctement la valeur
de l’objet sexuel ». En conséquence, si la liberté sexuelle des hommes
séducteurs fascine au sein du boys club, c’est parce qu’en contraste, les
femmes ne jouissent pas de la même liberté. En effet, si les femmes hétéros
étaient sur un pied d’égalité avec les hommes, si elles n’étaient plus des
trophées à conquérir, comment pourraient-ils départager le Don Juan
victorieux du puceau en peine ? Comment distinguer le père de famille
accompli du cocu « mis en laisse » par sa femme ? Plus encore, si les
femmes n’étaient pas mises en compétition entres elles selon des critères
physiques et moraux déterminés par les hommes, comment départager deux
hommes ayant le même nombre de conquêtes ? Ainsi, le maintien de ce
double standard, selon lequel une femme perd de la valeur aux yeux des
hommes après chaque conquête, là où l’homme en gagne, est nécessaire au
maintien du boys club.
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Toujours est-il que Jésus « aimait » son prochain, peu importe son genre,
et qu’il s’est battu à son époque pour améliorer la condition des femmes, et
ce en dépit de son mode de vie homosocial. Comme quoi, rien n’est binaire
dans cette affaire. Pourtant, si Jésus a plaidé la cause féminine, encore
aujourd’hui, les femmes sont cantonnées à une place de subalterne dans
l’Église catholique. L’amour divin, inconditionnel, placé au-dessus de toute
forme d’affection, est un boys club viril. Cette passion supérieure, Jésus la
partage et la lègue à ses apôtres, qui la transmettent à leur tour à leurs
descendants : frères, prêtres et cardinaux…
Au-delà du romantisme viril et derrière l’apparente chasteté des
chrétiens, l’homoérotisme n’est pas en reste… En effet, d’un point de vue
érotique, le corps masculin – par excellence, celui du Christ – est exposé
partout, montrant ainsi toute l’ambiguïté de la culture chrétienne. L’image
de Jésus sur sa croix n’est-elle pas un objet de fascination voire de désir ?
Peut-on nier l’érotisme de ce symbole, prétexte à l’adoration et à
l’exhibition d’un corps masculin pratiquement nu ? Il suffit de s’attarder sur
la fascination pour ce thème et l’érotisme qui se dégage des peintures de
crucifixion de Rubens, Van Dyck, Vouet, Pierre-Paul Prud’hon, Dali et bien
d’autres pour se poser la question !
Cette érotisation christique ne s’arrête d’ailleurs pas à Jésus. En 1495, Le
Pérugin peint une représentation de saint Sébastien, aujourd’hui exposée au
Louvre. Sur le tableau, le saint est représenté nu, à l’exception d’une frêle
étole transparente nouée autour de ses parties intimes, laquelle semble
tomber lentement… Peint avec un déhanché lascif, le corps contraint et
offert au public, Sébastien a une flèche en plein cœur, ce qui n’est pas sans
évoquer un symbole phallique. Cet homoérotisme chrétien omniprésent
amuse d’ailleurs beaucoup d’artistes gays, dont le couple de portraitistes
Pierre et Gilles. Leurs Jésus homos ainsi que leurs madones féministes font
partie intégrante de leur marque de fabrique. Il est d’ailleurs intéressant de
constater que ces symboliques représentant des personnages bibliques en
icones gays ne font pas de grands esclandres en France. Je crois que cela
témoigne, même si c’est involontaire, d’une acceptation tacite de
l’homoromantisme présent dans la religion catholique, une acceptation
cependant conditionnée. Ces représentations sont tolérées tant qu’elles sont
suggérées par des représentations artistiques et non présentées comme un
véritable questionnement politique…
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LA PYRAMIDE DES MASCULINITÉS
Ce concept, théorisé par la sociologue australienne R. W. Connell dans
son ouvrage fondateur Masculinities , désigne la masculinité dominante au
sein de notre société, soit l’idéal à atteindre, à partir duquel tous les autres
hommes se positionnent et se comparent. Ce modèle évolue et se
transforme en fonction des périodes historiques ; ainsi, il se remodèle
légèrement lorsque sa légitimité est contestée, par exemple par les
mouvements féministes. Cette masculinité est surreprésentée dans les
archétypes culturels tels que les personnages de fiction. La masculinité
hégémonique désigne chez Connell la forme dominante de représentation
de la masculinité, à un moment donné. Il s’agit de l’ensemble des caractères
et des comportements stéréotypés qui correspondent à l’image sociale la
plus valorisée chez les hommes. Cette représentation n’est pas immuable et
découle des représentations culturelles dans un contexte politique, social et
temporel donné. Elle est incarnée par les élites et occupe le devant de la
scène sociale. La masculinité hégémonique cherche à se distinguer des
femmes mais aussi des individus incarnant d’autres types de masculinité.
Par exemple, l’expression de genre de la masculinité hégémonique sous
Louis XIV s’incarnait par le port d’un jupon, d’un col de dentelles, par des
chemises ornées de nœuds de ruban, des bas en soie, des souliers à talons et
des cheveux longs bouclés accompagnés d’une fine moustache. Dans cette
période d’expansion coloniale, l’objectif était d’incarner une forme
d’élégance et de raffinement afin de se distinguer de l’accoutrement des
peuples colonisés. Après la Révolution française, la bourgeoisie tente de
remplacer la noblesse et réinvente une nouvelle forme de masculinité
hégémonique. On enlève alors les perruques et on arbore une barbe et une
2
moustache pleine avec un cigare aux lèvres. La robe des nobles est
remplacée par le frac, une veste courte à collet, s’arrêtant à la taille et
pourvue à l’arrière de longues basques étroites. Au XIX , la masculinité
hégémonique est toujours dictée par des critères occidentaux : l’homme
bourgeois maîtrise ses instincts, s’intéresse à l’art et la littérature mais se
doit d’être grand, musclé et fort . Dans les années 1950, la masculinité
hégémonique s’incarne par l’homme qui, travaillant dans des bureaux
d’entreprise, subvient aux besoins de sa famille en quittant le domicile
conjugal vêtu de son costume trois pièces et d’un chapeau trilby.
Aujourd’hui, la masculinité hégémonique est incarnée par l’homme blanc
citadin et cadre supérieur. Pour caricaturer, l’homme hégémonique
contemporain arbore un look casual chic, un vélo électrique dernier cri, part
en vacances à l’île de Ré et fait pousser du basilic sur son balcon du
17 arrondissement parisien.
Comme cet idéal n’est atteignable que par une minorité de la population,
ces hommes se posent en dominants. La masculinité hégémonique étant une
certification difficile à obtenir, beaucoup d’hommes appartiennent ainsi à
une autre forme de masculinité, que l’on définit comme complice. Les
masculinités complices caractérisent les individus qui vont transmettre et
reproduire la représentation dominante qu’est la masculinité hégémonique,
tout en ne correspondant pas eux-mêmes à cet idéal. Ça sera par exemple le
jeune homme timide et anxieux, qui va soutenir coûte que coûte un
camarade de classe accusé de viol envers sa copine. Ou encore ceux qui
suivent la bande de sportifs populaires au lycée en espérant pouvoir être
intégrés – ou du moins appréciés – par ces derniers. Si les hommes à la
masculinité complice s’attachent autant à la validation des masculinités
hégémoniques, ce n’est pas sans raisons. Ils essayent d’échapper aux deux
formes de masculinité présentées comme repoussoirs : les masculinités
subordonnées et marginalisées.
Selon la théorie de la sociologue Connell, la masculinité subordonnée fait
référence aux hommes qui n’incarnent pas les normes de la masculinité, en
fonction de leur orientation sexuelle, de leur genre, de leur classe ou de leur
race. Ils se retrouvent en conséquence eux aussi dominés par les
masculinités dominantes. C’est le cas des hommes homosexuels, des
hommes de classes populaires, appartenant à des minorités ethniques ou en
situation de handicap… Enfin, la masculinité marginalisée est l’expression
de la masculinité d’individus présentant des caractéristiques drastiquement
e
3
e
différentes de celles de la masculinité hégémonique. De ce fait, ce type de
masculinité les situe dans des positions de radicale altérité et donc
d’infériorité et de marginalité. Ce sont des hommes cumulant plusieurs
caractéristiques subordonnées et qui sont mis à la marge de la société, par
exemple des hommes réfugiés, racisés, en situation irrégulière ou encore
des hommes gays précaires avec expression de genre féminine (soit le fait
de porter du maquillage et des vêtements traditionnellement connotés
féminins comme le crop-top ou les talons).
Les hommes appartenant aux masculinités subordonnées et marginalisées
sont souvent présentés comme un repoussoir voire une menace pour la
société. Là où la virilité d’un homme appartenant à la masculinité
hégémonique est valorisée, elle sera perçue comme dangereuse et déviante
si elle est incarnée par un homme déclassé dans l’échelle masculine.
L’homme dominant va donc discriminer, de manière plus ou moins
consciente, l’homme dominé pour écarter toute menace et rester en haut de
la hiérarchie masculine. Ainsi, un homme non blanc a moins de chances en
France d’obtenir un travail qu’un homme blanc et qu’une femme blanche .
Par ailleurs, sous la Cinquième République française, nous n’avons
quasiment eu aucun dirigeant politique racisé. Selon le sociologue Léo
Thiers-Vidal, « les hommes reproduisent entre eux ce qu’ils exercent
également sur d’autres, à savoir la guerre ».
Les hommes appartenant à la masculinité hégémonique étant ceux qui
cumulent le plus de privilèges et de sécurité matérielle, la majorité des
hommes sont conditionnés à se rapprocher de cet idéal, bien que les dés
soient pipés dès le départ, en fonction de leur classe sociale, de leur
géographie ou de leur ethnie. Ainsi, un homme racisé ne pourra accéder à
l’hégémonie qu’à la condition d’efforts immenses. En réalité, chaque
homme est un pion supplémentaire dans le jeu de la compétition virile,
laquelle a besoin de hiérarchie pour continuer à exister.
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