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Citations de Laure Limongi (61)


Je les ai quand même bien eus en 1982. C'est Elvis qui m'a donné l'idée quelques années auparavant. Ca ne pouvait plus continuer comme ça. De retranchements en retranchements, il ne me restait plus d'asile. J'en avais tenté des fuites, des retraites au verger. Il fallait toujours finir par rentrer. Je ressentais une pression permanente, quasiment physique. Comme si l'air se raréfiait autour de moi. Et avec les stallites, tout le monde est triangulé en permanence. La nuit est striée de points mouvants. Il y a comme une constante et légère vibration de l'atmosphère, avec ces ondes. J'ai toujours aimé les ondes, notez bien. Mais trop c'est trop. Avec ce trafic, même le Grand Nord canadien semble bondé comme un supermarché en période de fêtes. On ne tombe pas sur l'horrible famille joufflue avec son caddie en pleine banquise, enfin sans doute pas encore, pour la bonne et simple raison que c'est la banquise qui va céder du terrain puis disparaître pour laisser place aux acheteurs compulsifs, mais la virtualité de cette satanée famille empoisonne tout de même l'imagination car avec cette manie de la connexion de tous en permamence, n'est-ce pas. On sait qu'elle existe, à deux pas. Elle écoute malgré elle un extrait de l'un de mes disques dans une publicité. Le père laisse un message sur un forum que j'ai fréquenté - je voudrais en savoir plus sur une carte son ; il rêve de home-cinema abordable. La mère utilise la même lessive que moi. Les cinq membres de cette cellule familiale prononceront en moyenne cinq fois mon nom réunis ou huit fois individuellementy dans des interactions amicales, ce qui est multiplié par six dans le cas d'un individu musicien - par quinze pour un musicien classique.
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Aucune archive, aucune trace, la mémoire est déviée, transformée par la disparition paternelle.
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Au bout de plusieurs jours, on perçoit qu’on sursaute souvent. Des personnes qu’on n’avait pas entendues arriver surgissent tout à coup dans notre champ de vision. Près, trop près. Leur haleine se pose sur la peau avant même que le regard ait pu atteindre leurs pupilles. Ces collègues ou supérieurs ne sont pas pieds nus ni chaussés de mocassins de sioux que l’on voit dans les westerns. Ils portent des chaussures de ville, fort classiques pour la plupart. Escarpins, babies, salomés, Charles IX, bottines, derbies, Richelieu, loafers, mocassins, boots. Reste donc à accuser le support qui se révèle soudain dans toute sa sournoise efficacité : la moquette. C’est elle qui transforme ses usagers en proies potentielles. La roue tourne : chaque prédateur peut devenir proie à la faveur d’une situation. Et vice versa. Le DRH à la parole trop libre espionné par le stagiaire répétant ses propos à l’assistant surpris par le directeur. Les fibres dissimulent une toile d’araignée extrêmement efficace, adhérente, sous l’aspect soyeux. Personne ne peut échapper à l’étouffement des pas. Tout le monde est relié par le poyamide et la teinte neutre. (« Le chant de la moquette »)
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J-5
Vincent Livair, biologiste. J’ai soutenu une thèse en biologie cellulaire et en exobiologie. J’ai été recruté dans le cadre de la mission d’exploration internationale Beyond. Ce projet a pour but de tester les conditions de vie d’astronautes en isolement pendant deux mille jours. Nous serons cinq : la capitaine Alice Kingstone (Etats-Unis) ; les ingénieurs de vol Vassili Akhmenko (Russie) et Claudio Aquino (Brésil) – Claudio étant également chargé de cartographier les zones traversées ; la médecin et géologue Nan Jia Li (Chine) et moi-même. Nous nous dirigerons vers l’exoplanète KOI-423b en améliorant la cartographie du parcours, réalisant diverses expériences biologiques et recueillant le plus d’informations possible sur les exoplanètes potentiellement habitables.
La préparation à l’expédition a été très rude. Et je n’ai eu l’assurance ferme de ma participation au voyage qu’il y a quinze jours puisque nous étions, au départ, trente candidats pour quatre places… Exercices en centrifugeuse, tests d’endurance extrême mais aussi séquences d’isolement avec tortures psychiques inspirées, dit-on, de Guantanamo. Des vieux tubes des années 2000 à fond dans les oreilles avec lumières clignotantes et infrabasses saturées pendant des heures et des heures – je pense même des jours voire des semaines. Pour tester notre résistance. Il paraît que la désorientation endurée n’est rien à côté de ce que fait subir l’impesanteur. Ceux qui devaient craquer ont craqué. J’ai résisté, avec quelques migraines et troubles mineurs de l’équilibre. Et un dégoût de Madonna.
J’ai la chance d’avoir une excellente condition physique mais le challenge est également psychologique. En cela, cette expérience est une première très risquée. Pour mémoire, je rappelle qu’elle est motivée par la dégradation écologique irréversible actuellement au stade 4/5 de la Terre. Dans une trentaine d’années, tout au plus, il nous faudra avoir trouvé des solutions de survie extra-planétaire. Trente, c’est ce qui est officiellement annoncé. Puisque ce document est confidentiel, j’estimerai davantage ce laps à quinze ans. C’est très court au vu de nos avancées actuelles, justifiant des missions que d’aucuns qualifient de suicide. Je reste plus optimiste en parlant de danger calculé. Mes motivations : œuvrer à la survie de l’espèce, bien sûr ; mais aussi faire partie d’une étape historique de la post-humanité. Inscrire son nom dans le marbre lorsqu’il n’y en aura plus, en y songeant, ça a quelque chose d’absurde. Mais les plus grandes avancées de l’humanité ont eu besoin d’élans démesurés. (« Axolotls en impesanteur »)
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Marc Liblin comptait sans doute sur le Pacifique pour apaiser son destin. Hélas, cet homme pâle habité de mots qu’on ne lui a jamais appris est apparu comme une chimère, un démon, une malédiction débarquée sur l’île. Mystère en France, il resta mystère à Rapa, phénomène dont on se méfiait, signe d’un malheur imminent, symbole de ces dominateurs qui s’approprient tout, sans honte. On évitait sa route, il ne fallait pas croiser son regard et encore moins l’entendre proférer cette langue qui n’était pas la sienne, tout en l’étant. Au moins son anomalie conjuguée lui avait-elle donné l’amour. (« Umiki »)
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Elle aime les aurores qui sont toujours une promesse. 
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Aucune famille n’est idéale, mais la plupart sont raisonnablement dysfonctionnelles. 
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Elle est à présent une insulaire sans terre, une Corse errante
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L’antidote de l’écriture est plus puissant que la rage de May. 
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Ne surtout pas dire : cancer. Animal honteux qu’on craint dans les familles. 
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On ne lui a appris ni les mots ni les gestes de la tendresse. Ce sont des langues étrangères. 
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Elle a toujours interprété l’énervement d’Alice comme un geste d’amour et arbore un sourire satisfait en lui rendant son repas. 
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Le secret remplace l’air par l’eau de son naufrage. 
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Sans doute, aussi, une façon de lui dire qu’il faut se mettre tôt à porter un masque pour tâcher de survivre. 
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Huma. Ma petite fumée aspirée, mon esprit subtil sur les steppes, les déserts, les forets. 
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Inventer en antidote au secret
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Huma arrête de manger, c'est sa seule arme, et elle est exaltante, cette sensation de maîtrise totale du corps. (...) Elle se dit que plus elle s'effacera, plus elle commmandera à la parole d' advenir. Elle aura enfin des explications. Mais rien.ne répond aux blessures.
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Elle a réussi à se créer une bulle qui exclut le tyran, avec une certaine ambivalence : si elle peut se forger une langue musicale, c est grâce à celle qui l'étouffe de jour en jour.
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Le secret transforme la veille en cauchemar et abolit le rêve. (...) L' absence est une gangrène, elle envahit tout.
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L’eau est claire, animée de vaguelettes. Tout est nimbé de bleu. Bouées, mosaïques, signalétique. Avec ce parfum de chlore caractéristique, qu’on finit par aimer ; il se diffuse en attaquant les résidus abandonnés par les corps. C’est le mariage du chimique et de l’organique qui donne son odeur à la piscine. Je suis haute comme trois pommes et terrorisée d’être là parmi une horde affublée de maillots bariolés, de bonnets trop serrés, de petits sacs en nylon. La dernière fois, j’ai fini par expérimenter le fait qu’on ne tombait pas à pic quand on lâchait le bord, les doigts fripés agrippés aux carreaux comme si on cherchait à enfoncer les ongles dans les interstices. J’ai lâché prise, le cœur battant, poussé le mur avec mes pieds, et atteint les bras du moniteur qui me souriait. L’eau est donc bien différente de l’air. On peut y survivre sans nageoires, sans branchies. Tout du moins en surface. Cette fois-ci, il faut plonger. S’élancer et crever la pellicule plane, brillante, se laisser immerger. Pour qui a l’impression de mouvoir difficilement son corps, de ne pas bien en connaître les contours, c’est un problème. Une terreur. On se tortille dans son maillot dont on regrette déjà l’imprimé, on s’en lasse si vite, alors qu’on avait dédaigné les couleurs unies, faisant fi des conseils maternels. On avait même fait un caprice. Motifs aux tons bleu turquoise. Tentative de camouflage ? Surtout pas de rose. Le maître nageur dit qu’il faut y aller maintenant. Tous les camarades l’ont fait. Sauf celui qui se remet d’une otite. L’otite, j’aurais dû y penser, la brandir en bouée salvatrice. Ils s’ébattent à présent, gais, fiers d’eux, s’aspergent en riant. Ils ont vaincu l’épreuve. Quelque chose en eux est passé dans la cour des grands. De l’autre côté du miroir de l’eau. Je me dis que la parole me sauvera de l’événement. Tant que je parle, tant que je déroule le fil des histoires, je ne peux pas mourir. Je raconte les poissons-globes que j’ai vus à la télévision l’autre jour, jolis ballons parfois mortels ; à la moindre alerte, ils se transforment en sphères dérivantes, recouvertes de piquants. C’est bien pratique. (…) Je dis que je ne peux pas sauter tant qu’on ne m’explique pas la composition de l’eau, la vitesse à laquelle mon corps va y pénétrer, ce n’est pas sérieux : qui s’élance, comme ça, sans données, dans le vide ? Le maître nageur, fatigué, me regarde l’air narquois depuis dix minutes, les mains sur les hanches, soupire et finit par me pousser. Je tombe, avale un peu de chlore, tousse, les yeux qui brûlent, sous les rires de mes camarades. Ce n’était donc que cela. La baudruche de la peur se dégonfle tel le fugu détendu, elle fait place au malaise d’appartenir. Je suis membre d’un nouveau groupe, ceux qui crèvent la surface, s’arrogent le droit d’occuper l’espace des poissons, un peu vexée mais soulagée d’avoir franchi, même malgré moi, la frontière de ce moment. Puisqu’on ne nous autorise pas à vivre à l’orée des épreuves qu’on ne veut pas vivre. Puisque les lignes sont faites pour être traversées. Étonnée que cela soit si anodin, après tout. Il faut savoir déambuler dans les territoires effrayants d’un mouvement léger.
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