Citations de Karine Giebel (2958)
C'est ça, être vivant. C'est ça, exister.
Exister, c'est manquer à quelqu'un.
Exister, c'est être la douleur d'un autre.
(p. 180-181)
Mieux qu'une armada de caméras de surveillance : une mamie postée derrière une fenêtre !
En face d'elle, sur le mur décrépi, une citation taguée. Par un prisonnier, il y a longtemps. Ou par un maton. Une phrase qu'elle n'oubliera jamais.
"Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d'une nation qu'en visitant ses prisons." Dostoïevski. (p. 192)
On vient au monde sans l'avoir demandé, on va à la mort sans l'avoir choisi.
Pas la peine d'en rajouter.
J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans
Un gros meuble à tiroirs
Cache moins de secrets que mon triste cerveau
C'est une pyramide, un immense caveau
Qui contient plus de morts que la fosse commune
Je suis un cimetière abhorré de la lune
Où comme des remords se traînent de longs vers
Qui s'acharnent toujours sur mes morts les plus chers
Baudelaire, Les fleurs du mal (Spleen)
Je lui ai dit que je l’aimais.
Je ne mentais pas.
J’aimais deux femmes, d’un amour différent.
L’un était rassurant ; l’autre violent, effrayant.
L’un était vital ; l’autre létal.
J’aimais deux femmes.
L’une était une drogue douce ; l’autre une drogue dure.
L’une était ma vie.
L’autre serait ma mort.
Ce mec est une énigme et le restera sûrement jusqu'à sa mort. Qui risque fort de ne pas se produire au fond d'un lit, dans une affreuse et paisible petite maison de retraite.
Bien trop mystérieux pour qu'on le connaisse vraiment.
Bien trop odieux pour qu'on l'apprécie réellement.
Bien trop intelligent pour qu'on le haïsse entièrement.
Bien trop courageux pour qu'on ne l'admire pas secrètement.
Bien trop féroce pour qu'on ose l'affronter directement.
( À propos du commandant Alexandre Gomez )
Benoît inflige de grands coups de pied à la grille indifférente. Il pousse des cris de rage, qui s’échouent dans le néant. Qui se heurtent au couvercle étanche de son tombeau.
Il appuie son crâne sur le béton, ferme les yeux.
— Je suis tombé sur une malade mentale, putain ! gémit-il. Ça m’apprendra à tromper ma femme !…
Mais… est-ce qu’on a couché ensemble, au moins ? Je m’en souviens même plus ! En tout cas, si je l’ai sautée, ça n’a pas dû lui plaire ! Sinon, je me serais réveillé dans son pieu, pas dans sa cave !
La nuit, tout est plus beau… La laideur intrinsèque du monde, la pourriture qu’exhalent ses entrailles, tout cela est mis entre parenthèses le temps d’un songe. Il n’y a que la solitude et les angoisses pour être exacerbées. Plus de bruits parasites, de mots inutiles, d’occupations futiles ou de déguisements dérisoires: face au noir, au silence, tout devient évident. Et intolérable. La nuit nous prépare à la mort, à doses homéopathiques; un granule tous les soirs.
Mieux qu’une armada de caméras de surveillance : une mamie postée derrière une fenêtre !
On vient au monde sans l'avoir demandé, on va à la mort sans l'avoir choisi.
Non, il n’avait pas la tête d’un meurtrier. Mais quel visage pouvaient bien avoir les meurtriers, au fait ?
Il est figé au pied du lit.
Debout. Sans réaction. Aussi inerte qu'elle.
Sauf que lui respire encore.
Et c'est peut-être ça qui fait le plus mal.
Toutes ces années qui restent.
A respirer sans elle.
Vendredi soir, Léonard sourit. Pendant deux jours, il ne les verra pas. Deux jours où il n’aura pas à supporter leurs regards acides ou condescendants. Pas à supporter ces cours auxquels il ne comprend rien. Mona lui répète sans cesse que l’école est obligatoire, qu’il ne peut pas s’y soustraire. Mais à quoi bon insister ? Il n’est pas de taille, voilà tout. Pas capable de suivre, de retenir, d’assimiler.
(page 15)
Il traverse Nîmes, une ville qu’il n’aime pas, qu’il n’aimera plus jamais. Il se remémore un week-end passé ici avec Greg, à l’occasion de la féria des vendanges.
Allez, viens Iz… Tu vas voir, c’est un truc de dingues !
Un truc de dingues, aucun doute.
La soirée avait tenu ses promesses. De l’alcool, beaucoup d’alcool. Boire, rire, danser.
Le lendemain, gueule de bois, nausée. Sa première corrida. La dernière, c’est certain.
Il se rappelle encore l’excitation de Greg, ses cris poussés en chœur avec le reste de la foule galvanisée par l’odeur du sang. Ce peuple qui, depuis la nuit des temps, aime tant donner la mort par procuration.
Se salir les yeux, jamais les mains.
Izri se rappelle des cris, oui. Hystérie collective, tandis que lui, mourait d’envie de descendre dans l’arène pour massacrer la demi-portion que tous ovationnaient. Retirer les banderilles de l’échine de ce magnifique animal pour les planter dans celle de cet homme qui gesticulait dans un accoutrement ridicule.
— Un collant rose, putain ! se souvient Izri.
Je ne me serais jamais cru capable d’aimer ainsi. J’ignore si c’est une force ou une faiblesse. En tout cas, ce n’est pas un choix.
Avec la solitude comme seule compagne, il était heureux.
Personne ne le jugeait, ici. Personne ne l’observait. Seule la montagne gardait un œil bienveillant sur lui.
Il aurait aimé ne faire qu’un avec elle. Se fondre dans ce paysage, devenir arbre ou rocher et la suivre dans l’éternité.
Alcool sans ivresse, sexe sans amour, argent sans valeur.
Existence sans intérêt.
Tout au long du chemin qui le ramène chez lui, Léonard observe ce qui l’entoure. Les plantes, les arbres, les oiseaux, les insectes. Il aime tout ce qui n’est pas humain. Tout ce qui a des feuilles, des pétales, des pattes, des ailes, des écailles ou des plumes.
Jamais un animal ni un arbre ne s’est moqué de sa différence.
Mieux vaut des souvenirs qui font mal que pas de souvenirs du tout.