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Citation de Cleophyre_Tristan


Il était temps qu'elle arrivât !
Elle tomba dans un fauteuil, le corps abandonné, la tête sur la poitrine, les bras ballants, anéantie.
Elle murmurait et sa langue épaisse et lourde proférait difficilement les mots :
- Mon Dieu, je ne sais pas ce que j'ai... il me semble que je descends dans un précipice... Que je m'abîme dans l'espace... J'ai comme un vertige... Laurence, ne m'abandonnez pas... Ne me quittez pas... Cela va se passer sans doute... Déshabillez-moi...
La soubrette obéit, s'empressant autour d'elle, saisie d'une épouvante, ayant besoin de se rappeler les promesses de Josépha et ses menaces pour ne pas céder aux remords et tout avouer à sa maîtresse.
Celle-ci se sentait de plus en plus malade.
Ce fut d'abord un engourdissement général de stupeur, une somnolence, des douleurs vagues; elle poussait de petits cris sourds et plaintifs; puis ce fut une sorte d'ivresse accompagnée d'un resserrement spasmodique des mâchoires; des mouvements convulsifs, légers en commençant, ensuite plus violents; elle cherchait toujours à parler, mais maintenant délirait. Quand Laurence la traîna jusqu'au lit et l'y étendit, elle remarqua que sur la peau, d'un blanc maladif, se développaient des élevures; les pieds paraissaient paralysés; le pouls était petit et concentré; la respiration, souvent ralentie, conservait toutefois en apparence son état normal; la face avait une couleur de cire vierge; tous les traits présentaient une langueur, une défaillance étrange; elle avait le regard fixe et hébété; les pupilles largement dilatées; les battements du cœur étaient devenus presque insensibles; le tremblement des membres, si brusque qu'il ressemblait à une convulsion, revenait à des intervalles de plus en plus rapprochés; les doigts s'agitaient comme s'ils eussent voulu retenir le corps. Elle s'endormait d'un sommeil de plomb, d'un sommeil irrésistible... C'était une léthargie complète, la mort de sa volonté, l'inutilité de ses forces, la faiblesse, l'impuissance, l'anéantissement.
Et elle le comprit, sans doute, à la fin, car elle eut un cri :
- Je suis... je suis empoisonnée !
Les yeux roulaient dans l'orbite; elle eut deux efforts gigantesques pour se mettre debout, y réussit presque, puis retomba inerte.
Cette fois la torpeur était complète.
Elle resta étendue sur le lit, sa chemise roulée si étroitement autour de son
corps qu'elle en dessinait toutes les beautés, toutes les perfections. Et Laurence, très pâle, émue par ce qu'elle venait de voir, sortit en tremblant.
Elle emportait la lampe, mais avait allumé une veilleuse dont la clarté, indécise, fit ressortir dans une demi-obscurité tous les objets dans la chambre... La fenêtre était close... Les grands rideaux, lourdement tirés, semblaient d'eux-mêmes vouloir intercepter les cris.
- C'est horrible, murmura la soubrette.
Et elle frissonnait.
Puis Jeannine resta seule, ensevelie dans cette torpeur profonde, sans défense, sans force.
Minuit et demi sonnait à ce moment-là.
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