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Citations de João Guimarães Rosa (281)


On se recroquevillait dans le froid, on entendait la rosée, le bois plein de senteurs, le crépitement des étoiles, la présence des grillons et le poids des cavaliers. L'aube pointait, cette entre-lueur de l'aurore, quand le ciel blanchit. Et à mesure que l'air devenait gris, les contours des cavaliers, ce flou, se précisaient. Et pardonnez-moi de m'attarder à tant de détails. Mais aujourd'hui encore j'ai cette heure dans les yeux, tout cela si bon ; et, ce que c'est, c'est de la nostalgie. p 112-113 (A Michel 2006)
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Et c’est grâce aux retrouvailles inattendues de vieux amis que je reconnais que le monde est petit et, comme salle d’attente, très agréable, très facile à supporter…
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Vivre, c'est voir toutes les bêtises qu'on a faites la veille.
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Un maître n’est pas celui qui sans cesse enseigne, mais celui qui soudain apprend.
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Le passeur ne nous a pas cru, secoua les épaules. Mais il nous prit malgré tout, et on traversa filant sans difficulté face à l’embouchure de l’Urucúia. Ah, mon Urucúia aux eaux si claires comme il faut. Puis, en le gratifiant d’un pourboire, nous continuâmes à remonter la berge d’une lieue et demie. Les beaux fleuves sont ceux qui coulent vers le Nord, et ceux qui arrivent du ponant – en route vers le soleil. Nous avons atteint un appontement et débarquâmes à un endroit sans grève, au milieu de ces grands arbres – le caraíba-à-fleur-lilas, si urucuiaien. Et le feuille-large, le bois-de-zèbre noir, le bois-campêche et le bois-paraíba, ombragé. L’Urucúia, ses lisières. J’ai vu mes Gerais*!
Ce n’était pas que du sous-bois, la forêt qu’on dirait! Nous remontâmes en selle à Olho-d’Água-das-Outras, et en continuant d’avancer, la première vereda** a surgi devant nous – séparant les chapadas*** - le froufrou du vent accroché aux buritis, le bruissement enroulé dans le lacis formé par les hauts feuillages ; et les sassafras à l’odeur rafraichissante comme la lavande ; et l’eau coulant à flots. Vent soufflant de toute part. Effleurant mon corps, cet air-là m’a rugi en cris de liberté. Mais la liberté – je parie – n’est que joie de se frayer une pauvre petite sente dans l’enceinte en fer de grandes prisons. Il y a une vérité cachée qu’on se doit d’apprendre, et que personne ne vous montrera : le cul-de-sac où se bâtir la liberté. Je ne suis qu’un ignorant. Mais, dites-moi, vous, Monsieur : la vie est une chose terrible, n’est-ce pas? Jérémiades. On s’en alla.

Page 222, version originale, "Grande Sertão: Veredas" - São Paulo, Companhia das Letras, 2019 (traduction libre)

*Gerais = paysages qui constituent la région la plus importante de l’état de Minas-Gerais (qu’on doit prononcer «Geraïs»)- nord et nord-ouest ; ce sont les «terres-générales», qui s'étendent également dans les états de Bahia et du Goiás.
**Vereda = mot intraduisible (sorte de «havre vert», «vallon vert»). Selon l’auteur (s’adressant à son traducteur italien) : «Entre les plateaux des Gerais, les séparant (ou parfois tout en haut, formant des dépressions au milieu), il y a les veredas. Ce sont des vallées de terre argileuse où affleure l’eau absorbée. Dans les veredas il y a toujours le buriti (palmier-bâche brésilien)
***Chapada = au Brésil, plateau gréseux limité par des escarpements marqués.
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Qui aime est toujours très esclave, mais ne se soumet jamais vraiment.
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Tenez-vous pour averti : ce peuple ici prend trop de plaisir à raconter des bobards, d'un pet de baudet, il font un typhon. Par goût de l'imbroglio. Ils inventent pour inventer, des merveilles qui leur rapportent gloire, qu'ils finissent ensuite eux-mêmes par craindre ou croire. Il semble que tout le monde est besoin de ça. Je crois, oui.
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La mémoire de la vie des gens se conserve dans des parcelles séparées, chacune d'elles avec son émotion et sa coloration, je crois même qu'elles ne se mélangent pas. Raconter à la suite, en enfilade, ce n'est vraiment que pour les choses de peu d'importance. De chaque vécu que j'ai réellement passé, de joie forte ou de peine, je vois aujourd'hui que j'étais chaque fois comme s'il s'agissait de personnes différentes. Se succédant incontrôlées. Tel je pense, tel je raconte. Vous avez bien de la bonté de m'écouter. Il y a des heures anciennes qui sont restées beaucoup plus proches de nous que d'autres, de date récente. Vous le savez bien. p 97 (édition Albin Michel 2006)
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En réalité, je le sais depuis toujours. Je n’ai jamais désiré qu’une chose et je me suis de tout temps acharné à la retrouver, la seule chose – celle entière – dont la signification et la révélation entraperçue ont depuis toujours été en moi. Et c'était que : il existe une ordonnance, une modalité de chemin ajusté, resserré, à vivre pour chaque personne - et ce plan, chacun a le sien propre – mais que le commun des hommes ne sait pas le trouver ; et comment une personne toute seule pourrait-elle, de par elle-même, arriver à le trouver et à savoir ? Ce nord pourtant existe. Il se doit d’exister. Sinon, la vie de tout un chacun ne serait jamais autre chose qu’un brouillon dans l’insanité de ce qui est. Étant donné que : chaque jour, à chaque heure, il n'existe, parmi toutes celles possibles, qu'une seule action qui réussisse à être la bonne. Elle s’y cache bien; mais en dehors de cette occurrence, quoi que je fasse, quoi que vous fassiez, quoi que fassent Pierre ou Paul, quoi que tout le monde veuille bien faire ou se garder de faire, tout résulte faux, se révèle erroné. Car telle est l’autre loi - cachée et testable quoique introuvable - du vivre véritable : que pour chacun de nous, notre déroulé a été projeté, comme au théâtre, où ce qui revient à chaque interprète – sa part, a déjà été inventé, tracé sur un papier…

Page 347, version originale, "Grande Sertão: Veredas" - São Paulo, Companhia das Letras, 2019 (traduction libre)
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Je me suis fait un hamac, avec des palmes de bouriti, près de la tanière de Maria-Maria. Han-rhan, le négro Tiodoro, faudrait bien qu’il vienne chasser par là... Sûr, pour sûr. Le négro Tiodoro chassait pas l'once – ‘l avait menti à Mait Nhiouão Guede. Le négro Tiodoro, un brave homme, ‘l avait peur, mais peur, une peur carabinée. ‘l avait quatre grands chiens - des chiens toujours à aboyer. Apiponga en a tué deux, un autre a disparu dans les halliers. Maramoniangara a mangé l'autre. Hé-hé-éé.. Ces chiens... D'once, i’ z’en ont chassé aucune. Et puis, le négro Tiodoro, ‘l a habité la cabane qu'une nouvelle lune : alors il est mort, et voilà.
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J'avais dormi dans la forêt, tout près d'ici, au pied d'un p'tit feu que j'avais fait. Au p'tit matin, je dormais encore. Elle est venue. M'a réveillé, elle me flairait. J'ai vu ces beaux yeux, des yeux jaunes, avec les petites taches jaunes qui flottaient, c'était bon, dans cette lumière...
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La vie est ingrate dans sa douceur; mais elle charrie l'espoir jusque dans le fiel du désespoir.
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J'ai apporté ce bon argent
Ce qu'il en faut dans ma besace,
Pour acheter la fin du monde
Au milieu du lointain Sertao.

L'Urucuia - fleuve sauvage
Chante pour ma satisfaction :
C'est le dire de ses eaux claires
Qui entête à perdition.

La vie est un sort menacé
Traversé dans l'obligation
Chaque nuit est un fleuve à sec
Chaque jour est obscurité...
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Ce flot sauvage, traitre – le fleuve est plein de fracas, de molles façons, de froidure, et de murmures de désolation. Je m’agrippais des doigts au rebord de la barque. Je ne pensais pas au Caboclo-d’agua, l’esprit des eaux qui chavirent les embarcations, je ne pensais pas au danger que sont, on le dit, les Onças-d’água, ces loutres qui sortent de l’eau, en bandes, et agressent les gens : elles encerclent la barque et font exprès de la chavirer. Je ne pensais à rien. J’avais la peur aveugle.
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Venger, je vous le dis : c'est lamper froid le plat que l'autre a cuisiné trop chaud.
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De même, le soir, l'oiseau-mouche se mettait à voler en tous sens, plus haut plus bas, toute petite bestiole aux ailes transparentes dans son vol d'arabesques ; oiseau futé.
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Ici je dis : qu'on tremble par amour ; mais que c'est par amour, également, qu'on se fait courage.
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Mais c'est parce que prisonnier de son petit destin de racines, que l'arbre ouvre tant de bras.
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Il y a des heures anciennes qui sont restées beaucoup plus proches de nous que d'autres, de date récente.
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Ses yeux se rapprochaient l'un de l'autre, ses yeux brillaient - une goutte, une goutte : l'oeil sauvage, pointu, fixe, qu'elle vous plante, elle veut enjôler : elle le détourne plus. Elle a passé un bon moment à rien faire non plus. Après, elle a posé sa grosse patte sur ma poitrine, tout doucement. Je me suis dit - maintenant j'étais mort : pasqu'elle a vu où était mon coeur. Mais elle appuyait qu'un peu, sa patte était légère, et de l'autre elle me tapotait, soc-soc, elle voulait me réveiller. Hé, hé, j'ai compris... Une once qui était une once - que je lui plaisais, j'ai compris...
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