Citations de Jenni Fagan (122)
Personne ne lui a dit que le chagrin serait aussi physique.
Adrénaline.
S'asseoir.
Chaque muscle douloureux comme si on l'avait passé à tabac de la tête aux pieds. Le chagrin est dans sa moelle. Il est dans son cerveau. Il a même ralenti sa façon de se laver les mains.
Les banques font la même chose d'un bout à l'autre du pays; au moindre signe de faiblesse (qu'elles génèrent en provoquant le naufrage de l'économie), elles fondent sur les biens, posent d'énormes panneaux métalliques sur les portes, les retapent et les vendent à profit. Elles vont s'en mettre plein les poches.
Tout le monde a été pris en otage. Les banquiers et les grandes entreprises sont des demi-dieux tyranniques. Où est la compensation ? Il n'y a aucune compensation parce qu'ils détiennent ceux qui ont les flingues et qui sont là pour assurer la putain de sécurité des gens (banquiers, grandes entreprises et gouvernements), et maintenant ils disent aux infos que c'est trop peu, trop tard.
– Il y a trois jours, Elise, j’ai pris une bouteille de teinture d’iode. Je l’ai rincée et j’y ai enfermé mes secrets.
– Ah ouais ?
– Ouais. Je l’ai mise à la mer. J’aime bien l’idée que mes secrets passent sous le ventre de baleines migratrices dans une bouteille en ce moment. J’espère qu’elles feront la ronde sous la lune. Ou que l’ombre de requins-marteaux se tortillera en dessous. J’espère qu’un albatros formera une croix dessus avec son ombre à l’envergure immense. J’espère que des bernacles orneront son goulot. J’espère que des hippocampes nageront dessous par bancs entiers. J’espère que ce seront des hippocampes géants au plastron sculpté d’ornements ! J’espère que quelqu’un trouvera cette bouteille. Verra qu’elle est jolie. En sortira ma lettre. Mettra des fleurs dedans, boira du thé dans une tasse en porcelaine et conservera mes secrets dans une boîte à thé pour que quelqu’un d’autre puisse les lire dans cent ans.
Ces immeubles racontent leur histoire – avec des bruits – comme une horloge bien huilée. Les bruits passent d’étage en étage, comme des petits mots étaient passés en classe, pour informer les locataires des écarts de chacun, de leurs incapacités ou de leurs talents occasionnels.
Un oiseau de proie descend du ciel encercles lents et se pose sur un arbre à côté d'eux. C'est un choc d'en voir un alors qu'ils n'en ont plus aperçu depuis des mois, mais celui-ci est énorme, ses ailes doivent facilement mesurer chacune un mètre. Ses plumes sont brunes mais l'oiseau paraît plus gros qu'un faucon. Ses serres ressemblent à des mains humaines, quatre longs doigts avec une griffe, pointue et acérée au bout. Elles s'enroulent autour de la branche, l'agrippant fermement. Ce doit être un signe. Ils ne le sentent pas mais le dégel est peut-être enfin en marche quelque part dans le monde, une minuscule pousse verte très loin dans le sol, prête à se frayer un chemin vers la lumière. Ils ont abrités, derrière eux, par des bois et des grands pins, et un parfum de sève propre s'élève des aiguilles des conifères avec, en dessous, l'odeur pure de la neige, toujours en bordure de toutes les autres maintenant, et encore en dessous on sent un infime parfum d'eucalyptus.
La lumière transforme leurs visages d'un instant sur l'autre ainsi que les couleurs, de l'énergie se déverse sur eux, les étoiles leur envoient de la lumière vieille de plusieurs milliers d'années mais qui ne leur parvient que maintenant, et l'impression que tout est exactement tel que cela devrait être. Dylan prend un autre verre de vin, avec l'envie de boire, de boire pour se réchauffer, et la chouette fait pivoter entièrement son cou puis cligne des yeux. Elle a des touffes de plumes au sommet de ses oreilles pointues et telle observe quelque chose dans le champ avant de s'envoler pour descendre en piqué.
Trois tracteurs garés derrière les arbres ont des stalactites accrochées à leurs énormes fourches, à leurs pneus rebondis et à leur cabine. Autour d'elles les arbres sont eux aussi ornés de piques de glace. Celles-ci se forment presque à l'instant où Stella les regarde.
L'hiver qui fait ses travaux de décoration. Rendant le monde le plus joli possible. Sur la montagne la plus proche une harde de daims émerge de la forêt et les animaux montent le versant au petit galop, les jeunes mâles derrière.
Constance retourne dans l'espace cuisine, pieds nus. Il remarque tout chez elle : la coupe de son jean, la façon dont elle soulève une assiette, la façon qu'elle a de veiller à ne pas le regarder trop longtemps. D'être fragile sur les bords. Ecorchée. Ça lui donne encore plus envie d'elle. Elle baisse le son de la télé mais laisse l'image. Ils mangent rapidement tous les trois, sans beaucoup parler. Constance ajoute du sel sur ses frites, même s'il y en a déjà. Il l'aide à débarrasser la table. Souhaiterait le faire toujours. Mais ne pas le lui dire. Pour ne pas la mettre mal à l'aise.
Plus on reste dans la décharge, plus l'endroit paraît étrange. On dirait que les entrailles du monde entier ont été vomies.
Le vent lui écorche la peau, ses doigts sont engourdis. Il devrait aller fermer la caravane de sa voisine. Simplement aller là-bas et pousser doucement la porte pour qu'elle ne gèle pas pendant ses crises de somnambulisme. C'est exactement ce qu'il s'apprête à faire quand elle ressort sur sa terrasse, un chiffon à la main - elle lève un bras pâle vers le ciel et se met à cirer la lune.
Des statues d'hommes!Comme s'ils étaient les seuls à avoir jamais réfléchi à quelque chose .Où sont les femmes? Enterrées dans les os d'un immeuble ,voilà où elles sont, les femmes,putain! Emmurées dans un immeuble par des hommes qui ne parvenaient pas à les dompter.
On dirait une maladie. Amour : titre à 80°. Danger de mort en cas d’ingestion. Peut vous rendre fou, méchant, aveugle et délirant. Cela n’a rien à voir avec la camaraderie sans risque qui consiste à aimer un ami proche. À se décomposer sans passion ensemble pour l’éternité – la voie traditionnelle.
Des histoires cachées à chaque étage. Elle part à leur recherche. Il y a des signes partout. Combien de personnes ont vécu ici ? Eté hébergées ici ? Ont perdu l’esprit, ou leur cœur, ou avec un peu de chance trouvé un moment dans leur vie où ils étaient en sécurité ? ah, si seulement ! Dot va dans sa chambre. Elle a dessiné tout l’immeuble sur le mur. Elle dort à côté de lui. Ajoute des notes. Se réveille le matin et le contemple en fumant. Elle ne sait pas trop ce qu’elle fait. C’est instinctif. Que cherche-t-elle ? Elle ne le sait pas vraiment.
C'est un gaspillage de vie humaine de ne pas tout changer , et plus encore de se laisser enfermer dans le silence jaune de la médiocrité.
J'ai cette impression qu'Edimbourg mettra chacun de nous au rebut une fois qu'elle nous aura utilisés, aura pompé toute l'énergie, le talent, l'argent et la vitalité, et qu'après elle recrachera les os.
Ville affamée !
Qui se nourrit d'âmes humaines.
L'immeuble joue de nous comme d'un orchestre.
Il est horriblement mal accordé.
La vie, c'est maintenant.
Celle-ci est tellement plus étrange qu'on le dit.
Les gens essaient toujours de la normaliser ! Rendre la vie normale. Rendre la vie normale. Rendre la vie normale. On dirait un mantra pour les fous. Rendre les choses normales semble être le but de la société moderne et c'est d'un tel ennui. Comme si tourner sur une boule au milieu d'un univers inexplicable l'était, ordinaire. Comme si être fait de poussière d'étoile et ne pas avoir la moindre putain d'idée sur ce qui se passe après la mort ne valait pas la peine d'être discuté ! La vie est une folie.
Nous sommes constamment au bord de la destruction totale de la planète, aux mains de fous puissants !
- Je t'aime.
- Je t'aime aussi, John.
- Tu trouves ça dingue d'aimer quelqu'un avec qui on a passé que sept jours en personne ?
- Non, ce qui est dingue, c'est d'aimer quelqu'un quand tu le connais depuis des années.