Le Sommet de la route et l'ombre de la croix : six poètes chrétiens du XXe siècle : Charles Péguy, Paul Claudel, Francis Jammes, Marie Noël, Patrice de la Tour du Pin, Jean Grosjean
Jean-Pierre Lemaire
Éditions Gallimard
Collection Poésie
Une anthologie rassemblant des poèmes de Charles Peguy, de Paul Claudel, de Francis Jammes, de Marie Noël, de Patrice de la Tour du Pin et de Jean Grosjean, qui évoquent la foi chrétienne. ©Electre 2021
https://www.laprocure.com/ommet-route-ombre-croix-six-poetes-chretiens-xxe-siecle-charles-peguy-paul-claudel-francis-jammes/9782072854323.html
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Je suis
ce cri d'enfant
d'oiseau
Ce nuage
accroché dans les arbres
Je sors pour étendre
le linge de la nuit
d'une étoile à l'autre
et j'oublie mes bras
sur le plus haut fil.
L'autre message
Quand il a lu le dernier mot
il cherche encore au creux de l'enveloppe
autre chose, un signe impalpable,
plus fin qu'une épingle, un souffle
qui serait parvenu clandestinement
ici, loin de la mer, comme des grains de sable
recueillis au fond d'un soulier obscur.
SOUS-BOIS
Le rayon invisible sous les sapins
illumine au ras du sol une feuille
un terrier peut-être, une campanule
une pierre à mica tachée comme une truite
et le cœur se tait, traversé aussi
par ce mince rayon qui éclaire les choses
plus bas que ses questions, dans une paix sans mots.
Bouche d’or
Deux fois par jour, le matin et le soir,
le soleil se met à notre hauteur
et parle doucement aux arbres, aux maisons,
aux hommes, tel un père, une mère patients
à un enfant boudeur. Puis il se relève
pour vaquer dans le ciel à ses occupations
comme nous vaquons sur la terre aux nôtres.
Quand vient le crépuscule, assis à l’horizon,
il attend le récit de notre journée
mais nous ne pensons plus déjà qu’au lendemain.
Tu as vécu distrait. Alors, aujourd’hui,
reste un peu plus longtemps l’oreille à la hauteur
de sa bouche d’or ; écoute son murmure.
Il a peut-être encore une chose à te dire
pour la dernière fois. Parle-lui aussi.
Revue Incertain regard no 17 - Hiver 2018.
Un violon infime au fond du ciel
joue si doucement
qu'on ne l'entend pas
Suspendus à ce fil inaudible
les moineaux dans la pinède
le bruit du vėlomoteur
et les blancs du poème
sont du même monde.
(" Le pays derrière les larmes")
ANNONCIATION
Dieu
si petit en moi
hors de moi si grand.
Le temps referme les blessures
si lentement qu’y poussent
la fleur du romarin,
une langue étrangère,
des amis imparfaits, des ennemis lointains
et la divine patience,
graine de foudre qui refend
le cœur colmaté.
Je change l’eau du lilas, dit-elle
mais en réalité
quelque chose d’autre en fait une fontaine
Lumineusement
je n’y suis pour rien
Peut-être, cachée dans le vase
la main invisible
qui n’a cessé de me l’offrir ?
p. 76
Nous voici doucement déposés
par le jusant du jour
un peu plus bas
au niveau muet des meubles
des pieds invisibles des chaises
de la petite table
où brille le vase aux clefs
l'oreille à la hauteur de la pendule noire
qui picore un temps frugal
émietté pour elle
dans la paume du silence
Serait-ce que d'habitude
nous marchions légèrement plus haut
et que c'était cela
justement
être vivants ?
« De ta chaise longue,
tu regardes sans voir derrière tes lunettes
les pissenlits grillés par la canicule,
le Mont Blanc au bout du pré
comme un bien de famille
et quand il fait plus frais ,
le soir tu entends
le cri fusant des hirondelles
qui ont fait leur nid à l’abri du volet ;
miettes du monde
que le poème aussi recueille
en vain pour toi qui ne lis plus » ……