Souvent nos yeux courent
Souvent nos yeux courent
vers le bas des pages
dans une précipitation propre
aux jeunes gens Nos yeux
sont ces chats coupant l’air
pour saisir une proie vivante
À la fin de la page on médite
sur chaque mot évité
on cherche l’autre sens
que celui sans doute écrit
C’est ainsi que dans la neige
on croit voir les traces
du bout des ailes des perdrix
Nos yeux ont couru gorgés
de blanc mais y voient
à la dérobée furtivement
un indice de la vérité
Ils s’y débattent un moment
puis se réjouissent de reconnaître
dans une fissure du gel
dans un cristal recroquevillé
le visage de l’autre la signature
de l’autre comme s’il était
à l’affût de la fin de l’hiver.
HIER
C’était hier
Comme un cheval
Qui brisa l’étrier,
Nous avons vu sa crinière
Refuser d’aller avec le vent,
Puis rapportée beaucoup plus tard
Par Ulysse, dans une outre.
Je n’ai pas de regrets.
Toutes deux.
Toutes deux.
L’une plus âgée.
La conversation a changé.
Quelques murs plus loin, on a posé
un livre
Tout en tremblant encore du bruit
d’une voiture.
Ses yeux ne se résignaient pas encore
à en parler.
Que de freins lâchent pour la main
d’un vitrier.
Le mur noir de la mémoire agite sa sève
Lance pétales comme étamines de soie
Lance suies et corbeaux et quelques caractères
S’enfuyant d’un casier de typographie aveugle
Le V du mot vivre suspendu à des ombres
Dans une longue salle
Dans une longue salle
pour couples de spectateurs
les arbres reculent,
les touffes d’air glissent
le long des sièges
le silence est celui des gens
qui tournent vaguement la tête,
les yeux dans le vide ;
le petit rayon de soleil dort,
allongé,
avant de continuer à sourire.
Ce n’était que des corbeaux
Ce n’était que des corbeaux
puisque cette nuit changeait de place.
Les couleurs tournent le dos.
Une couleur verte où il fait froid
et qui sert à aimer
là-bas.
Qui parle du jour
de la nuit ?
Un de mes yeux avec un prénom d’Orient !
L’INSAISIE
De la chambre
Je bougeai le rideau
noir.
Un corbeau dans les champs
S’envola,
Qui avait cru
que je soulevais son aile.
J’ai essayé la nuit
et les dentelles.
Mais chaque fois.
J’ai terminé le poème en plein jour.
Lire , on l’oublie trop, c’est regarder et sentir dans chaque mot la fusion du sonore et du sensé
ALLER
La fenêtre
Et son battant ;
Qu’a-t-il donc, cet oiseau vide ?
Ouvre de haut en bas ;
L’ordre au milieu du regard :
OuVre
RegArde.
POÈMES-DIAPOS
Extrait 1
Les deux segments du fléau ressemblent aux aiguilles
de l’horloge. Sauf que celle pour les heures tourne
beaucoup plus vite que celle des minutes,
elle tourne, claque, injecte le temps, le dépasse :
cela devient folie, cruauté. Le fléau
passé sur le blé d’un chariot donne la taille
d’une vie humaine. À peine né et déjà
le cœur froid. Dix ares, pas davantage, résument
la collection des peurs et des éclats de rire,
le compte de gauloises, d’enfants et de femmes.