Jacques Huntzinger

Certes, le nationalisme moderniste enthousiaste de la Révolution française a bouleversé la Turquie nouvelle en la sortant du système islamique classique, par la laïcisation du droit et de l'école ainsi que par l'européanisation du statut de la femme et des règles sociales.

la réponse spontanée au bouleversement de son environnement sera une réponse religieuse. C'est ce qui se produira à partir du XVIIIème siècle. Face à l'ébranlement du monde de l'islam, le religieux apparaîtra comme la réponse adaptée en devenant une idéologie.

La pensée théosofique d'Ibn Arabi influera la pensée théosophique chiite, et il est probable qu'elle exerça une influence sur Dante et son oeuvre.

On connaît la phrase de Massignon selon laquelle le judaïsme est la religion de l'espérance du messie, le christianisme est la religion de l'amour prêché par Jésus, et l'islam est la religion de la foi révélée par Mahomet.

On pourrait dire sans forcer le trait, qu'Abd el Wahhab et Ibn Saoud ont réussi à leur époque à faire ce que cherche à faire aujourd'hui l'organisation de l'Etat islamique sur le territoire irako-syrien. On a pu dire, avec une certaine justesse, que l'Arabie Saoudite est un Daech qui a réussi, en alliant les mêmes ingrédients que sont un fondamentalisme religieux radical et une ambition territoriale destinée à recréer un Etat islamique.

Le grand djihad serait le vrai djihad affirmé par le Prophète. Il est le combat contre soi-même, l’effort sur soi-même pour le perfectionnement moral et religieux, « la lutte sur le chemin de Dieu ». Ce grand djihad, le djihad des âmes, serait la signification principale du concept.
Le petit djihad, qui est la lutte armée rendue nécessaire dans certaines circonstances, le djihad des corps, ne serait que l'acception seconde du concept.
Mais la réalité historique est différente.

le système religieux, juridique et politique de l'orthodoxie sunnite construite entre le VIIIème et le Xème siècle durera sans bouger jusqu'au XIXème siècle. L'orthodoxie sunnite fabriquera un islam presque immobile qui durera près de dix siècles.

Il y a donc une double fonction de la charia, celle du salut et du bien-être spirituel, puis celle de l'organisation de la vie sociale et de la vie pratique quotidienne. La charia fut d'abord un catéchisme, puis devint un Code civil et un Code pénal.

Littéralement, la charia, c'est "le chemin qui mène à l'abreuvoir", c'est la métaphore de l'eau qui purifie et désaltère.

Le sunnisme, c'est cela avant tout, la Sunna, plus que le Coran, et les oulémas à la place de l'effort personnel d'interprétation, d'où le rejet de l'innovation, la bida.

On peut dire que Mahomet a commencé comme Jésus, qu'il a continué comme Moïse, et qu'il a fini comme Josué.

l'environnement familial, religieux et politique de Mahomet est celui d'un homme appartenant à la tribu dirigeante économique, politique et religieuse de la ille, elle-même devenue le centre religieux de l'Arabie centrale.

La nature humaine contient trois principales causes de discorde, la compétition, la défiance et la gloire. La première pousse les hommes à s’attaquer en vue d’un gain, la seconde en vue de la sécurité et la troisième en vue de la réputation. 

Le Coran, écrit un demi siècle après la mort de Mahomet [...] dit directement très peu de choses sur la vie et l'action du Prophète

Ainsi l'orthodoxie sunnite sera impulsée par les califes, soutenue par le peuple, transmise et gérée par les intellectuels religieux que son les oulémas.

Les Almoravides sont une confédération de tribus d'origine berbère apparue au XIème siècle en Mauritanie, convertie à l'islam par des prédicateurs de l'école malékite.

Désormais, depuis la victoire de la Sunna et de la tradition dans le sunnisme, on ne philosophe que par le religieux et dans le religieux.

On peut donc dire qu'il n'y a jamais eu, après la chute du mutazilisme, de véritable recherche dans le monde sunnite d'un dialogue entre le message religieux et la philosophie

La disparition d'Averroès marque pleinement la fin de toute véritable théologie dans l'islam sunnite. C'est-à-dire la fin d'une réflexion d'intelligence sur la foi et le dogme religieux, sur la relation entre la rationalité philosophique et le religieux.

L'oeuvre philosophie d'Averroès n'aura aucune portée au sein du monde sunnite, à l'exception de la bidaya. Sa pensée y restera inconnue voir interdite jusqu'à nos jours.