Le nombre n’a pas forcément raison ; il ne détient pas la vérité, et encore moins la sagesse. Pourquoi les médecins ne sont-ils pas désignés, eux aussi, par le suffrage universel ? Pourquoi ne pas faire choisir l’ingénieur par un congrès d’ouvriers ? Nous est-il jamais venu à l’idée que l’on pourrait faire élire le général, à la veille d’une bataille, par la moitié plus un des soldats sous les armes ?
Il est évident que notre société ne peut pas faire, demain, à celui qui devra vivre sans travailler, un sort supérieur, ni même égal, à celui qui lutte pour se faire une place au soleil. Je souhaite, au contraire, que l’on puisse toujours maintenir ces possibilités d’émancipation, de mieux-être, qui sont la force du régime capitaliste.
Souvent même, cela s’est vu, un patron congédie tout son monde, quitte à le réembaucher une heure plus tard avec un salaire réduit. Pourquoi se gênerait-il, tant qu’il y a un immense réservoir de trente millions d’hommes réclamant du travail ? Or, ce réservoir, c’est la grande industrie qui l’a créé et qui l’alimentera, sans cesse, au fur et à mesure que la technique fera des progrès. L’ouvrier est ainsi condamné à la misère à perpétuité, aucune chance ne lui étant offerte de s’évader de son bagne.
D’abord il est navrant de constater l’existence de chômeurs de profession et de savoir qu’il existe des jeunes gens qui ne connaîtront jamais la discipline du travail.
Cela vous plairait, à vous, qu’à chaque geste économique, à chaque transaction ou autre opération, nous fussions inscrits, enregistrés, recensés, timbrés, mesurés, tarifés, cotés, patentés, autorisés, licenciés, empêchés, contingentés ! À la suite de quoi nous serions traqués, houspillés, contrariés, poursuivis, interrogés, emprisonnés, fustigés, sacrifiés, vendus, contrecarrés, bernés, découragés, outragés, déshonorés ! Grand merci !
C'est exact, remarqua l'industriel, nous avons tous été atteints du mal de la «rationalisation ». Aux États-Unis d'abord, en Allemagne ensuite, puis plus tardivement en France. On cherche à faire le maximum dans le minimum de temps et en réduisant le facteur humain à sa plus simple expression.