Tunis, place de la Porte de France, dite Bâb al-Bhar, la Porte de la Mer.
Je regarde les femmes.
Leurs robes courtes, leurs pantalons moulants, leurs voiles de formes et de couleurs variées. Elles sont seules, à deux, en groupes. Courent, flânent, parlent. Je sais leur force de caractère. Je sais leur indépendance d’esprit. Aucune d’elles ne se dira inférieure aux hommes. Différentes, oui. Et fières de leur sexe. Et solidaires des autres femmes, sans doute. Elles connaissent leur valeur, indubitable, et leurs droits, inaliénables. Ces femmes, dans la diversité déconcertante de leurs choix vestimentaires, sont mues par les mêmes certitudes et le même mouvement : en avant. Dignité, karâma, est ce qu’elles réclament, explicitement, lors des manifestations, ou, implicitement, dans leurs actions au quotidien. Quand on a un corps de femme, tout devient révélateur d’engagement. Se teindre ou non les cheveux, les lâcher, les cacher… Regarder les autres passants, ou détourner les yeux, ou regarder en l’air… Porter des couleurs sobres ou voyantes… Porter du vernis à ongles, ou du henné, ou les deux en même temps… Porter une robe, ou un pantalon, ou les deux en même temps… Parler haut, rire fort, ou chuchoter… Autant de signes difficiles à décrypter. Le voile peut être un signe de soumission comme il peut être un signe de rébellion. Le vernis à ongles et le rouge à lèvres aussi.
Puis j'ai moi-même grandi en liberté de penser, et j'ai compris que la Liberté était un élan, et non un modèle.
Depuis, je galope sans juger personne. Je fuis les espaces clos et quadrillés.
Mon féminisme est un félinisme.