Elise Lépine, journaliste littéraire au Point, et Romain de Becdelièvre, auteur, adaptateur, conseiller dramaturgique et documentariste, nous donnent leur avis sur deux romans :
- "
Nevada", d'
Imogen Binnie, road-trip géographique et intime sorti il y a 13 ans et enfin publié en France, qui raconte la complexité d'une transition de genre
- "La Mer de la tranquillité" de Emily St. John Mandel, ouvrage poétique de science-fiction
#litterature #raodtrip #sciencefiction
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A vingt ans, elle s'est rendu compte qu'elle était toute détraquée non pas parce qu'elle était trans, mais parce que trans est tellement stigmatisé. Si tu pouvais passer un an hors de la civilisation, et, genre, vivre dans un centre commercial abandonné au milieu du désert, te faire des injections d'oestrogène, travailler ta voix, trouver une nouvelle façon de t'habiller, méditer huit heures par jour sur la socialisation genrée et enfin te faire opérer du bas en guise de récompense, ce serait relativement facile de faire sa transition.
C'est à ça que ça ressemble d'être une femme trans : ne jamais être sûre de qui te perçoit comme trans ou de ce que cette information veut dire pour les gens. Etre dans une position sociale bancale et bizarre. Et c'est même pas comme si ça comptait vraiment que quelqu'un sache que t'es trans. On s'en fout. Tu ne veux juste pas que la personne drôle, charmante, complexe et excentrique que tu es se retrouve gommée dans l'esprit de ces gens qui se sont fait bourrer le crâne par de pauvres scénaristes de séries télé, ou pire encore, des scénaristes de pornos sur internet.C'est juste lassant de devoir sans cesse éduquer les gens. Ca ne vous rappelle rien ? Les femmes trans doivent se coltiner la même merde que toutes les personnes au monde qui ne sont pas blanches, hétéros, mâles, valides ou autrement privilégiées. Ca n'a rien de glamour ou de mystérieux. C'est lassant.
Il y a ce phénomène absurde des femmes trans qui se sentent obligées de prouver qu'elles sont trans, archi trans, et qu'elles n'ont aucune espèce de doute quant au fait qu'elles sont Vraiment, Totalement, Trans. Parce que tu dois pouvoir prouver aux psychologues et aux médecins que tu es Totalement Trans, le fardeau repose entièrement sur tes épaules si tu veux obtenir le moindre traitement. C'est-à-dire des hormones. C'est absurde, et tu dois être capable de traverser ce parcours du combattant, tu dois pouvoir cocher toutes les cases.
Elle est déjà à deux doigts de se faire réprimander pour son retard, et en vrai qui sait s'il y a moyen de trouver un boulot après avoir fait sa transition. Elle essaie de ne pas se demander si ça veut dire qu'elle va devoir rester à son taf jusqu'à sa mort.
Mais les gens qui font du porno avec des femmes trans dedans sont quasiment tous des hommes. C'est-à-dire des personnes qui ont à cœur de préserver leur privilège de mâles blancs, les systèmes de pouvoir réificateurs qui leur permettent de continuer de dominer, et les constructions profondément misogynes de ce que représente une femme, et donc de ce que c'est que de devenir, entre guillemets, une femme, et puis, tu vous, tout ce merdier. C'est compliqué et révoltant, mais là où je veux en venir, c'est que ce type de porno est produit en suivant un paradigme misogyne par des gens qui n'ont aucune envie d'interroger la misogynie. D'une certaine manière, ils érotisent la misogynie, ce qui, en soi, n'est pas nécessairement un problème si tu le fais intentionnellement et consciemment, mais si tu fais ça et, oups, au passage tu la renforcés en tant que norme culturelle, va te faire foutre.
C'est juste lassant de devoir éduquer les gens. Ça ne vous rappelle rien ? Les femmes trans doivent se coltiner la même merde que toutes les personnes au monde qui ne sont pas blanches, hétéros, mâles, valides ou autrement privilégiées. Ça n'a rien de glamour ou de mystérieux. C'est lassant.
[...]le monde a dépassé l'idée qu'être trans est une chose à éviter à tout prix ; il a évolué sur l'idée que la seule façon d'être trans est d'être jeune, menue et jolie, de kiffer les hommes et de faire ta transition puis de disparaître. Il existe aujourd'hui une bien meilleure compréhension de ce que veut dire être trans : tu es juste trans. Le fait que ta transition ne se déroule pas sans heurts à cause de la forme de ton corps ou de ta famille ou de ta personnalité ou de la façon dont ta sexualité s'est formée ne veut pas dire que tu dois décider de t'en débarrasser. Essayer de t'en débarrasser est un mécanisme d'autodéfense qui est inévitablement voué à l'échec et tu ne feras que revenir à la case départ : trans.
C'est à ça que ça ressemble d'être une femme trans : ne jamais être sûre de qui te perçoit comme trans ou de ce que cette information veut dire pour les gens. Être dans une position sociale bancale et bizarre.