Citations de Hoai Huong Nguyen (74)
[ …] je sentais naître en moi une détermination inconnue qui me fit peur… Car je devinais quelle ouvrait sur une part de ténèbres qui me rendrait capable de n’importe quoi pour revoir Annabel, quoi qu’il en fût de la pudeur, de la décence et de la raison même… Où tout cela allait-il me mener ? J’aimais mieux ne pas le savoir, tant j’étais rongé par l’impuissance et la jalousie.
Le silence avait laissé la place aux crissements des insectes et à l'appel d'oiseaux invisibles.
Elle jouait dans le jardin
Entre les treilles de jasmin
Sur une branche, sa poupée
S'amusait et prenait le thé
Avec un grillon sous l'ombrelle
Des feuilles au parfum de miel.
Il avait fallu le voyage en Indochine , beaucoup de choses inutiles et cette guerre , ce tourbillon de poussière , pour que ces deux amants perdus se retrouvent l'un devant l'autre , dans le grand dispensaire de l'hôpital Lanessan .
Étrangers tout d'abord , ils s'étaient peu à peu reconnus.
"(…) s’il est vrai que chaque homme se remplit un peu des livres qu’il lit (…)
Yann ne savait pas s'il préférait qu'elle fût malade, blessée, morte ou qu'elle n'ait pas eu envie de venir ce jour-là, l'égoïsme est parfois l'autre nom de l'amour.
La journée de fête du Nouvel An était toujours minutieusement préparée. On disposait les plats sur les tables au centre desquelles on posait des vases de fleurs de prunier et d'abricotier. Cô L'an, qui était du Sud, avait introduit l'usage de disposer quatre sortes de fruits dans les corbeilles.
Car quand on prononçait les mots pomme-cannelle, noix de coco, papaye et mangue, câu dìra dû xài , on pouvait entendre"prions d'avoir assez pour vivre"; si la papaye était remplacée par l'ananas, on entendait, câu dìra dü xài "prions pour avoir plus qu'il ne faut". Les fleurs et les fruits exprimaient la dévotion des hommes.
Les parfums rouges
et le feu de l'automne -
étoiles piquantes folles
Sous l'ombre du jasmin
la rivière et le vent clair
après la pluie
Que voulais-tu
la terre-lune, le ciel-étoile -
le rire d”un enfant
Buvons le vin cruel
de cette nuit sombre
et bleue
P79
Sur les chemins
de menthe fraiche -
est-ce de la lumière tremblante
Les pierres chantaient
sur l'eau
- une hirondelle nue
Puisses-tu
ne 'voir tomber
que de la neige folle
Les chèvrefeuilles de la nuit
et le vent ardent
sous les étoiles perdues
p46
Comme un hommage ironique de la mort à la vie, on donna aux positions investies par les troupes françaises des prénoms de femmes qui devaient se mettre en cercle pour la bataille. Claudine, Béatrice, Éliane, Huguette, Françoise, Anne- Marie.....Ces noms avaient pénétré l'imaginaire des soldats jusqu'à devenir une réalité plus charnelle, elles formaient un tableau vivant qui se confondait avec le paysage.
Je t’aime à la folie, je ne saurais le dire autrement. Comme tu l’écris, les mots sont pauvres, mais ils sont tout ce que j’ai pour aller jusqu’à toi. Ils nous relient; ce n’est pas tant qu’ils servent à dire les choses, mais ils les rendent présentes d’une mystérieuse façon.
Si ce n'est avecmon sang,
Que je l'écrive avec le ciel et les étoiles.
Ce sont les mots qui me sont venus lorsque les soldats ont brisé notre porte et t'ont mis des liens de fer.
Il y a de nombreux chemins qui mènent les hommes vers les ténèbres, des raisons compréhensibles et d'autres insaisissables ; des accès de folie et de longues maladies, des suicides réfléchis et d'autres dérisoires. Si l'on pouvait interroger les morts après leur descente aux enfers, certains diraient peut-être qu'ils regrettent, et d'autres qu'ils ont trouvé la paix, une forme de consentement au néant - les âmes perdues, on ne peut pas savoir.
Libre dans le confort de notre maison,j'ai peine à imaginer le silence du cachot,le mordant du froid,l'odeur âcre de la terre battue...
D'un geste de la main, il effleura une branche de hêtre et il en sentit la douceur dans la pureté de l'air. Il était toujours ébloui par cette énergie secrète, cette vigueur indicible et ardente. Les brindilles luisaient à la manière d'une laque ornée de nacre ; leur couleur délicate fit venir à son esprit la maison de son grand-père. C'était il y a si longtemps qu'il n'en gardait qu'une image incertaine, un rêve infusé dans les eaux noires de l'oubli. Pourtant, à mesure que refluaient ses souvenirs, le passé renaissait en lui aussi clair que le jour.
Matin d'hiver -
les pas d'une mouette sur le lac
fragile
Tombe la neige
en cendre blanche
et odorante
Dans le silence
ont passé si légères
les traces des esprits
Délices -
sur les branches vers le ciel
de la neige blanche en fleur
Lorsque Yann la vit pour la première fois, il ne la trouva ni jolie ni laide, la simple indifférence des paysages silencieux. Mais, après quelques jours, son visage s'était dessiné comme celui d'un être singulier sans qu'il sût vraiment pourquoi.
Depuis son poste d'observation, Yann avait écrit une lettre à Mai. Cet après-midi là, il ne voulait voir que la beauté du jour. Demain, on verrait bien.
Dans la nuit bleue
disparaissent
les larmes
La lune odorante
sous les cris
des oiseaux
Dans le souffle du jour
un pur sile n c e
a traversé la neige
Délices de l'azur -
ton âme frêle
s'égare sur les cerisiers
Les soldats français continuaient à se battre comme des aveugles , comme des bêtes , des désespérés .