![](/couv/cvt_Poesie-au-quotidien_3946.jpg)
... Ce siècle qui, en fait, ne débute qu'après la guerre de 1914 (car on peut considérer que la Belle Epoque n'est qu'un prolongement du siècle dernier), est celui du progrès, de la vitesse, de la science: il est aussi celui du cubisme, du Jazz, du rock. Notre vie est devenue un étourdissant manège ; même nos loisirs sont survoltés. Bandes dessinées, musique automatique... notre monde en effervescence se grise, s'étourdit, mais s'inquiète. Ce n'est pas le lieu d'analyser les causes et de peser les dangers, mais ne devons-nous pas nous poser cette question: Existe-t-il encore une place pour la Poésie?
L'architecture, la sculpture, la peinture, la musique ont trouvé un passage. Sans admirer béatement les productions farfelues (il y en a eu de tous temps), il est indéniable que le siècle a inspiré d'authentiques artistes, a fait naître des génies nouveaux, a créé des écoles.
Pour la Poésie, le problème paraît plus délicat, car elle fut toujours considérée comme une sorte d'état second du rêve. De là à considérer le Poète comme un utopiste, dépourvu de tout sens des réalités, il n'y avait qu'un pas qui fut souvent franchi. Bien entendu, notre siècle n'a pas tué le rêve, mais peut-on concevoir, pour la Poésie, une place autre que celle, secondaire, que l'homme pressé du vingtième siècle pourra furtivement, hâtivement, lui accorder? Peut-elle espérer être autre chose que ce calmant
sans danger, qu'on absorbera avant le coucher pour chasser les ennuis et trouver le sommeil? Peut-elle espérer d'autres marques d'intérêt que ce "tiens, tiens... je n'aurais pas cru..." que le lecteur avide de confort et blasé de plaisirs lui accordera?
Désabusés, les surréalistes voulurent "renouveler la matière de toute poésie, grâce à une exploitation méthodi- que du système intérieur". Cette théorie impliqua la suppression de toutes les contraintes, de toutes les convenan-ces; jusqu'aux règles traditionnelles du langage qui furent considérées comme artifices nuisant à la pureté créatrice. Les surréalistes donnèrent eux-mêmes cette définition;
"La poésie est le contraire de la littérature".