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Citations de Helga Flatland (44)


« Est-ce que vous auriez ce vieux roman à propos d’un sanatorium, de Hamsun ? a-t-il demandé. J’ai oublié comment il s’appelait exactement. »
J’étais bibliothécaire à la Deichman, j’étais assise et je tripotais une plaie que pour rien au monde je ne voulais laisser cicatriser. J’ai planté profondément l’ongle de mon pouce dans la plaie et j’ai tourné. Je me suis mordu la langue de douleur. J’étais furieuse de la question, furieuse contre ces je-sais-tout qui venaient et voulaient quelque chose de « spécial », en général sans avoir regardé sur les étagères au préalable. Pour que nous – qui connaissions le sujet – hochions la tête d’un air approbateur. J’ai attendu un bon moment, j’ai inspiré profondément.
« Vous avez regardé sur les étagères ? » ai-je-dit  en levant les yeux.
Il n’avait pas l’apparence à laquelle je m’attendais, celle des je-sais-tout habituels, avec leurs lunettes sans verres et leurs cheveux ébouriffés juste ce qu’il faut, parés pour aller à la bibliothèque. Et flirter avec les bibliothécaires. Il était brun, il portait une chemise de flanelle, et des lunettes auraient semblé tout à fait déplacées sur son visage rude. Il avait l’air de venir directement de la montagne, ou de la forêt, d’un stabbur* ou de je ne sais où.
« Je n’ai pas regardé là -bas, mais comme je vous l’ai dit, j’ai oublié comment il s’appelait » a-t-il dit un peu plus fort.
Irrité ? Peut-être envers une fille blonde qui ne manifestait aucun intérêt, assise derrière son comptoir à la bibliothèque Deichman, occupée à se tripoter une plaie alors qu’il était venu demander de l’aide. Je me suis ressaisie, j’ai ajusté mon bandeau.
« Hamsun, vous avez-dit ? ai-je demandé.
- Oui. »
J’étais déconcertée par sa beauté, je n’arrivais pas à réfléchir. Je ne voulais pas faire une recherche pour voir quel roman il avait en tête, je savais que je savais de quel roman il parlait. Et maintenant c’est moi qui voulais l’impressionner . Bon sang. Hamsun, le sanatorium … il avait dit sanatorium ?
« Celui qui parle d’un sanatorium ? ai-je demandé.
- Oui » a-t-il dit. Résigné.
« Le dernier chapitre ? »
Il m’a regardé et il a un peu ri. Il a hoché la tête, impressionné.
Il parlait comme Garborg, de la façon dont Garborg écrivait. Et je dormais avec « Paix » de Garborg sous mon oreiller depuis la toute première fois où je l’avais lu. J’ai interprété cela comme un signe évident, et tout en lui est devenu le signe que telle était la nouvelle forme de réel. Il s’appelait Hallvard et il m’a demandé à quelle heure je finissais ma journée. La journée a été plus longue que ce qu’à mon souvenir les journées pouvaient être. Nous étions installés au café de la pâtisserie Halvorsen, il était peu loquace mais il souriait. J’ai parlé plus abondamment que je ne l’avais fait depuis la mort de papa, je lui ai raconté toute l’histoire, parlé de moi. Je pensais que c’était là-bas que mon histoire allait, directement dans ses oreilles, et qu’elle resterait dans son corps aussi longtemps qu’il le voudrait. Et s’il la laissait repartir, elle y aurait du moins séjourné.
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Est-ce cela, être adulte, est-ce que la recherche intense d’un sens disparaît, et que l’on se contente de suivre la vie à la place ?
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J’ai essayé de faire comprendre à papa par des allusions que je pourrais travailler à plein temps à la ferme mais il n’a pas compris, ou n’a pas voulu comprendre, et j’ai pris un emploi chez le bijoutier où je m’ennuyais à mourir pendant les heures que je devais passer là-bas au lieu d’être à la maison.
JMats m’a demandé pourquoi je ne pouvais pas le dire. On dirait que dans votre famille, vous avez une manière de communiquer totalement malsaine, a-t-il une fois remarqué. Il n’y a jamais personne qui dise ce qu’il pense ? Et pour la première fois j’ai observé tout cela de l’extérieur. J’ai secoué la tête, je crois que personne parmi nous ne sait comment on fait, ai-je pensé, je voulais pourtant plus que tout dire ce que je pensais, et que Tarjei dise ce qu’il pensait. Famille de malades, a grommelé Mats, et je n’ai pas eu le courage de les défendre. De nous défendre.
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Trygve est revenu dans un cercueil, et je ne me souviens de rien. Je ne me souviens pas du jour, je ne me souviens pas des heures qui ont suivi. Je me rappelle seulement que j’étais tout blanc à l’intérieur de moi-même, que c’était totalement vide. Comme si quelqu’un m’avait vidé de mes entrailles, de mon cœur et de mes pensées, comme si j’étais une coquille ne contenant rien. Tout en moi était changé, et rien cependant, car personne ne savait que Trygve était ancré dans la moelle de mes os et ne voulait pas partir, bien qu’il soit mort.
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Je devrais être plus triste, me dis-je. Tarjei devrait me manquer, et j’essaie de faire en sorte que Tarjei me manque, mais ça s’arrête en moi et je ne ressens rien. Je suis comme un robot disposé à penser ce que je devrais ressentir.
( Tarjei son frère vient de mourir)
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"Ce qu'il y a de pire, c'est le changement. J'ai toujours détesté les changements, l'imprévisible. Je dépends trop de "La volonté de contrôle", comme dit Olaf. J'ai besoin de pouvoir anticiper, de planifier en conséquence, et je suis déstabilisée par les moindres écarts."
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"_Mais c'est un peu comme ce que dit Liv du tri sélectif, a-t-il remarqué, ça ne sert à rien qu'une personne fasse ici et là un petit effort, si l'objectif est de changer le monde.
_Mon objectif n'est pas de changer le monde, Olaf, mais de penser en toute indépendance, de ne pas laisser quelqu'un d'autre me dicter la façon dont je dois vivre."
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Le petit arrête de pleurer à la seconde où il sent le corps de (sa maman) contre le sien, et je me demande ce qu'on éprouve en ayant cet effet sur quelqu'un, en étant aussi importante, aussi cruciale, aussi naturellement connectée. La seule à pouvoir apporter de l'aide et la seule qui compte.
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"Je voudrais l'entendre me dire que ne pas abandonner est une valeur, comme elle l'a fait toute ma vie ; à chaque étape, c'est maman qui a transmis par des mots, des actes, pou encore des regards, l'importance capitale de ne pas abandonner ce qu'on a commencé, à faire les bons choix et à les défendre."
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Avoir des enfants, c’est une pensée tellement implantée en moi, une pensée tellement évidente qu’en situation de crise, c’est elle qui se manifeste la première et avec le plus de force. Une pensée consacrée à mes enfants à naître. Je me demande si c’est une pensée dictée par la biologie, et si je penserai encore comme ça quand j’aurai cinquante ans.
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Les histoires écrites par des hommes, avec des hommes dans le rôle principal, jouissent de l'intérêt général, tandis que les histoires écrites par des femmes sur les femmes ne peuvent intéresser que d' autres femmes, car elles ne portent que sur des thèmes féminins comme les sentiments et les enfants, et ne peuvent être considérées comme porteuse de thématiques profondes - c'est ainsi que des auteurs masculins qui écrivent sur leur papa écrivent en réalité sur quelque chose de plus universel, (...).
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"Ainsi va la vie, malheureusement, le changement est douloureux", a dit Ellen avec légèreté quand j'ai essayé de lui en parler, et j'ai été indigné de cette injustice : Liv et Ellen avaient échappé à ça, elles avaient pu s'en aller en leur temps tout en sachant que je serais là pour maman et papa, petit et dépendant, et elles me laissaient le soin de leur donner le coup de grâce."
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Papa va avoir soixante-dix ans dans quatre jours. L'an dernier, il a fait tinter son verre lors de son anniversaire et annoncé que son cadeau de l'année suivante, pour lui même et pour l'ensemble de la famille, serait un voyage pour tous, qu'il offrirait. « N'importe où », a-t-il dit à haute voix. Il s'est retourné vers Hedda, qui à cette époque n'avait pas quatre ans, et a ajouté : « Peut-être que nous irons jusqu'en Afrique ! »
L'idée en elle-même, mais aussi la façon dont il l'avait proclamée, et son humeur presque exaltée dans les mois précédents ses soixante-neuf ans, lui ressemblaient si peu qu'après cela, Ellen m'a envoyé quotidiennement des listes de symptômes de tumeur au cerveau.
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"Maman pense qu'être implicitement en désaccord avec une personne est un compliment qu'on lui fait, qu'il y a une forme de considération dans le fait de penser que l'adversaire est digne d'une discussion. "On ne prend pas la peine de discuter avec quelqu'un qui n'a aucune importance", dit souvent maman."
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Mon faible engagement pour l'environement est désolant : je trie mes déchets par devoir, mais je ne crois absolument pas le fait qu'une minorité de ménages norvégiens de la classe moyenne trie consciencieusement la nourriture et le plastique dans des sacs verts et bleus - ou l'inverse - soit d'une utilité quelquonque, surtout depuis mon voyage en Asie pour un reportage au cours duquel j'ai parcouru les rues de Katmandou ou de New Delhi en pataugeant dans les ordures.
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"Je pense que, dans une certaine mesure, le fait de se reconnaître dans autrui peut aussi se construire, ai-je dit ; beaucoup de ce qu'on croit biologique relève en réalité de l'environnement social."
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Je savais ce qui allait venir : l'enfant a de nos jours un tout autre statut que pour la génération passée, aujourd'hui ce sont leurs besoins qui sont en ligne de mire, ils sont comme de petits consommateurs avec de grandes exigeances. Et les parents se mettent à leur disposition pour les rendre heureux à l'âge de trois ans, terrorisés par les conséquences du moindre faux pas. " Je ne crois pas m'être demandée une seule fois si vous étiez heureux quand vous étiez petits, a poursuivi maman, mais vous vous en êtes quand même sortis."'
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"Je ne m'inquiète plus de savoir si Liv me trouve puérile ou inexpérimentée ; de toute façon c'est sûrement exact, je dois simplement aller au fond de ce problème, je ne comprends pas ce qui s'est passé entre Liv et Olaf, et je suis effrayée de constater que j'en sais si peu, que tout a changé, que tout est imprévisible [...]."
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Papa est en fait le seul qui ne semble pas affecté par l'ambiance : il est en pleine discussion avec Agnar au sujet de Pokémon Go, ils ont chassé avec passion les Pokémon ces derniers mois, et ils ont apparemment tous les deux ajouté de précieux trophées à leur collection en parcourant divers sites touristiques de Rome. Je suis soudain prise d'un doute sur la motivation cachée derrière la visite de papa au Vatican, et celle d'Agnar au Colisée, mais je n'ai pas le temps d'y penser davantage, car maman toussote.
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Impossible de m'imaginer avoir un enfant dans lequel je ne puisse pas me refléter ni qui ne puisse se refléter en moi, a dit Simen ; que je ne reconnaisse rien de moi en le ou la voyant, qu'aucun de ses traits ne soit les miens, pas plus sa personnalité que son apparence. Je crois qu'entre les parents et les enfants, beaucoup de choses tiennent à ce que nous nous voyons nous-mêmes, sans y penser, n'est-ce pas, c'est un réflexe.
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