Pascal a écrit : « Par l'espace, l'univers me comprend et m'engloutit comme un point ; par la pensée, je le comprends » Il semble que ce mot, cité par Hoffding dans le présent ouvrage, soit la devise de maint représentant de la philosophie actuelle. On ne songe plus à contester que, du point de vue de la science, qui s'applique à réduire les choses à leurs dehors, à les considérer comme purement extérieures les Unes aux autres, et à les expliquer, en ce sens, les unes par les autres, l'homme ne rentre, de tout point, dans le monde, dont il est une minime partie. L'homme, pour la science, n'est et ne peut être qu'un produit du milieu où il se trouve.
Par une chaude journée d'été de l'année 1749, Jean-Jacques Rousseau se rendait à pied de Paris à Vincennes pour aller voir Diderot qui était alors en prison. Tandis qu'il marchait, lisant le Mercure, il y trouva le sujet d'un prix proposé par l'Académie de Dijon ; il s'agissait de savoir si le rétablissement des sciences et des arts avait contribué à épurer ou à corrompre les mœurs. Ce fut pour son esprit un éclair qui éveilla beaucoup de pensées endormies. Son cœur battit et ses larmes coulèrent. Il découvrit un monde nouveau et il devint un nouvel homme, affirma-t-il. S'étendant sous un arbre, il écrivit sur-le-champ une partie du discours qu'il envoya plus tard à l'Académie.
Conception mythologique de l'âme. — La psychologie des peuples nous apprend que la connaissance des faits psychiques a parcouru des étapes analogues dans l'histoire de l'espèce humaine et dans celle de chaque individu.
La tendance qui porte l'homme, surtout aux époques primitives, à considérer et à interpréter tous les phénomènes de la nature comme les effets de l'intervention d'un être personnel, ne trouve pas une explication suffisante dans le besoin qu'on lui attribue dès l'origine de tout se représenter à son image. Car il ne se connaît proprement pas lui-même dès l'origine, puisque l'observation externe précède l'observation de soi-même, et le langage nous montre qu'on a formé des expressions pour désigner les phénomènes corporels avant qu'il y en eût pour désigner les phénomènes psychiques. En revanche, cette tendance peut s'expliquer en partie par une idée particulière qui se rencontre chez tous les peuples, à un degré peu avancé de leur développement.
La psychologie a pour tâche, selon Ardigo, d'étudier, nos états internes, dont la caractéristique commune est exprimée par le concept de l'âme. le fait duquel part la psychologie est subjectif, mais il faut examiner d'une manière objective, physiologique.
Définition provisoire de la psychologie comme la science de l'âme. — La psychologie est la science de l'âme — telle est la définition la plus courte que nous puissions donner de l'objet des recherches que nous allons entreprendre. Mais c'est là une définition toute provisoire, qui ne donne pas une idée claire et distincte. Nous ne faisons ainsi qu'opposer la psychologie, science de ce qui est doué de sensation, de perception, de pensée, de sentiment et de volonté, à la physique, science de ce qui se meut dans l'espace et le remplit. Nous désignons les sensations, perceptions, pensées, sentiments et volitions par l'expression abrégée de phénomènes de conscience, et tout ce qui est étendu, remplit l'espace et s'y meut, par celle de phénomènes matériels. Un phénomène c'est tout ce qui peut être objet d'expérience. Or comme l'expérience consiste en sensation, perception et pensée, nous ne connaissons les phénomènes matériels que par l'intermédiaire des phénomènes de conscience.
Dès son premier ouvrage, M. Bergson s'est posé en adversaire d'idées qui, dans la génération précédente, ont exercé une grande influence sur la philosophie et en particulier sur la psychologie. Ce sont celles qui ont inspiré la psychologie anglaise de l'association et qu'ont mises en honneur Hume, James Mill, Stuart Mill et Herbert Spencer.
Un examen du problème religieux, non seulement dans ses rapports avec la science, mais encore dans ses rapports avec la vie personnelle, doit nécessairement porter la marque de la personnalité de l'auteur. C'est ce que j'ai expressément souligné dans mon exposé de la philosophie de la religion.
L'ouvrage de M. Höffding que nous présentons au public français a été écrit et publié en 1896. Mais, depuis, l'auteur s'est tenu continuellement au courant des travaux sur Jean-Jacques qui ont été faits en Suisse, en France ou dans d'autres pays. Il a suivi avec une attention particulière les Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau sans lesquelles il ne peut y avoir aujourd'hui d'étude sérieuse sur le sujet. Dans la seconde édition de Jean-Jacques Rousseau et sa philosophie, qui vient de paraître à Copenhague et sur laquelle a été faite notre traduction, rien n'a donc été négligé des découvertes opérées par les dernières recherches.
Lorsqu'on aperçoit au loin des montagnes couvertes de neige, elles paraissent flotter en l'air. C'est seulement, si l'on s'approche qu'on voit distinctement qu'elles reposent sur un terrain ferme et solide. Il en va de même avec les principes moraux. Dans le premier mouvement d'enthousiasme, on s'imagine pouvoir seulement, en toute justice leur assigner une place aussi élevée que possible au-dessous de la nature et de la vie réelles. En y réfléchissant davantage et grâce à une plus longue expérience, peut-être, chèrement achetée, on découvre qu'ils ne peuvent diriger la vie que s'ils en sont eux-mêmes issus.
Mon exposé de l'histoire de la philosophie moderne s'arrête aux environs de 1880. Plusieurs raisons me firent choisir cette année pour limite. D'abord, à cette époque, on était arrivé en quelque sorte à clore provisoirement les débats qu'avaient motivés les deux grands courants de pensée du XIXe siècle, le romantisme et le positivisme, et l'influence réciproque qu'ils avaient tous les deux développé leurs conséquences et trouvé partiellement leurs correctifs.