Gustavo Kuerten

Diadora, fabricant italien de vêtements et d'équipements sportifs, était mon sponsor depuis 1995. Il créait trois ou quatre modèles de tenues à chaque saison. La marque présentait d'abord la collection aux joueurs les mieux classés. Ceux-ci faisaient leur choix. J'arrivais en fin de liste. Aussi, il ne restait plus que la tenue bariolée.

Davies a fait mettre un banc sur le court pour que les joueurs s'arrêtent momentanément de jouer. Il a inventé le changement de côté, d'une durée d'une minute et demie. Cela permettait de diffuser un grand nombre de spots publicitaires. Ce n'est qu'à ce moment-là que les chaînes de télé ont commencé à placer des caméras sur les courts. Cela a créé un cercle vertueux : les annonceurs et les sponsors se sont mis à investir dans le tennis. Comme il y avait plus d'argent, les prix remis aux joueurs ont également augmenté. Pour améliorer la visibilité des matches à la télé, Davies a fait changer la couleur de la balle. Elle était blanche, elle est devenue jaune. Ces changements révolutionnaires ont fait du tennis un produit séduisant pour le grand public et intéressant d'un point de vue commercial.

Le 3 décembre 2000, en soulevant le trophée de la Masters Cup, j'ai battu trois records d'un seul coup. J'étais le seul joueur de l'histoire qui avait réussi à dominer Pete Sampras et Andre Agassi - tombés en demi-finale et en finale - dans un seul et même tournoi. J'étais le seul Brésilien qui avait connu la gloire en remportant ce tournoi des champions. Et à 24 ans, j'allais terminer l'année à la 1ère place du classement mondial. J'étais le seul Sud-Américain à réussir une telle performance.

Durant cette semaine-là, j'ai dû signer près de mille autographes, chose de plus en plus rare depuis que les téléphones portables prennent des photos. Aujourd'hui, on me demande dix photos et un seul autographe.

Plus tard, en 2000, Nike a voulu me sponsoriser. J'aurais pu réaliser l'un de mes rêves d'enfant. Depuis tout jeune, je m'imaginais jouer en arborant le symbole de la firme américaine, comme Andre Agassi au tennis et Michael Jordan au basket. Mais j'ai préféré renoncer à ce contrat. Ils voulaient l'exclusivité. J'ai choisi de ne pas troquer trois marques brésiliennes contre une seule marque étrangère.

Il faut savoir que Larri sans sa moustache, c'est aussi bizarre que l'inspecteur Kojak avec des cheveux!

"Mais bon sang, c'est quoi ça ? Tu ne vas pas en rater une ?"

N'importe quel joueur qui veut passer professionnel connaît, durant sa carrière, quatre étapes majeures, dont il rêve depuis l'enfance. La première, fondamentale, c'est le premier point au classement ATP. La seconde, c'est une convocation pour le Coupe Davis. La troisième - pas forcément dans cet ordre-là -, c'est une participation à un tournoi du Grand Chelem. Je venais de réaliser 75% de mon rêve. Pour l'exaucer complètement, je devais figurer parmi les cent meilleurs tennismen au monde.

Lentement, j'ai commencé à dessiner quelque chose sur la terre battue. J'ai fait un demi-cercle, une courbe. Ensuite, je suis allé vers le fond du court puis je suis revenu vers le point de départ. J'ai terminé la figure avec un autre demi-cercle et une autre courbe, jusqu'à ce que les lignes s'unissent là où j'avais commencé mon dessin. Vu de près, ce n'était que des traits sur la terre battue. Mais vu des tribunes, mon message était clair. J'avais dessiné un énorme coeur.

Lorsque tout semble perdu, un joueur de tennis doit désespérément se convaincre qu'il va trouver une façon de s'en sortir. C'est l'instant où tout est permis. N'importe quel frisson peut se transformer en message du ciel.

Un mythe, un champion du monde maintes fois titré, un super-héros universel pouvait perdre la vie en un instant, dans un mauvais virage. Privés de leur icône, les Brésiliens allaient maintenant ressentir un vide immense dans leur coeur. Comment allait-on faire sans Senna ?

En théorie, le tennis est un jeu simple. Il suffit de mettre la balle là où l'adversaire n'est pas. Mais dans la pratique, il n'est pas de simplicité plus trompeuse. Tout ce qui est censé arriver ne se produit pas exactement comme on l'a prévu. Et cette loi est valable avant même de mettre la balle en jeu.

Quand j 'ai eu 10 ans, en 1986, cela faisait plus d'une décennie que les Brésiliens ne s'étaient pas illustrés dans les principaux tournois, que ce soit sur terre battue, sur gazon ou sur les surfaces dures. Les champions venaient toujours d'ailleurs. C'était des joueurs nés en Europe, en Australie ou aux Etats-Unis.