Moustaki. Il y avait un jardin.
Rêveline
Pour un bouquet de lilas
Qu'il t'offrit ce jour-là,
Rêveline,
Tu as rêvé d'un jardin
Fleurissant tes matins,
Rêveline.
Pour un petit brin de cour,
Tu as rêvé d'amour,
Rêveline,
Comme si un arc-en-ciel
Suffit pour que le ciel
S'illumine.
Reviens sur terre,
Ma douce amie:
La vie n'est guère
Que la vie.
Avec un soleil pâlot
Qui se posait sur l'eau,
Rêveline,
Tu as rêvé que l'été
Durait l'éternité,
Rêveline.
Une balade en bateau
Jusqu'au pont de Puteaux,
Rêveline,
T'a fait rêver de croisière,
Mexico, le cap Vert,
L'Argentine.
Reviens sur terre,
Ma douce amie:
La vie n'est guère
Que la vie.
Lorsque mon coeur s'assombrit
Et que je broie du gris,
Rêveline,
Je voudrais avoir tes yeux
Pour ne voir que du bleu,
Rêveline.
Toi, qui changes l'eau en vin,
Toi qui rêves sans fin,
Rêveline,
Montre-moi comment tu fais.
Apprends-moi à rêver,
Rêveline.
Ne change guère,
Ma douce amie:
La vie n'est guère
Que la vie.
Il y avait un jardin
C'est une chanson pour les enfants
Qui naissent et qui vivent entre l'acier
Et le bitume, entre le béton et l'asphalte
Et qui ne sauront peut-être jamais
Que la terre était un jardin
Il y avait un jardin qu'on appelait la terre
Il brillait au soleil comme un fruit défendu
Non ce n'était pas le paradis ni l'enfer
Ni rien de déjà vu ou déjà entendu
La la la la la la la
Il y avait un jardin une maison des arbres
Avec un lit de mousse pour y faire l'amour
Et un petit ruisseau roulant sans une vague
Venait le rafraîchir et poursuivait son cours
La la la la la la la
Il y avait un jardin grand comme une vallée
On pouvait s'y nourrir à toutes les saisons
Sur la terre brûlante ou sur l'herbe gelée
Et découvrir des fleurs qui n'avaient pas de nom
La la la la la la la
Il y avait un jardin qu'on appelait la terre
Il était assez grand pour des milliers d'enfants
Il était habité jadis par nos grands-pères
Qui le tenaient eux-mêmes de leurs grands-parents
La la la la la la
Où est-il ce jardin où nous aurions pu naître
Où nous aurions pu vivre insouciants et nus
Où est cette maison toutes portes ouvertes
Que je cherche encore et que je ne trouve plus?
Avec ma gueule de métèque,
De Juif errant, de pâtre grec
Et mes cheveux aux quatre vents,
Avec mes yeux tout délavés
Qui me donnent l'air de rêver,
Moi qui ne rêve plus souvent.
Avec mes mains de maraudeur,
De musicien et de rôdeur
Qui ont pillé tant de jardins,
Avec ma bouche qui a bu,
Qui a embrassé et mordu
Sans jamais assouvir sa faim.
Avec ma gueule de métèque,
De Juif errant, de pâtre grec
De voleur et de vagabond,
Avec ma peau qui s'est frottée
Au soleil de tous les étés
Et tout ce qui portait jupon,
Avec mon cœur qui a su faire
Souffrir autant qu'il a souffert
Sans pour cela faire d'histoires,
Avec mon âme qui n'a plus
La moindre chance de salut
Pour éviter le purgatoire.
Avec ma gueule de métèque,
De Juif errant, de pâtre grec
Et mes cheveux aux quatre vents,
Je viendrai, ma douce captive,
Mon âme sœur, ma source vive,
Je viendrai boire tes vingt ans.
Et je serai Prince de sang,
Rêveur ou bien adolescent,
Comme il te plaira de choisir.
Et nous ferons de chaque jour
Toute une éternité d'amour
Que nous vivrons à en mourir.
___
'Le Métèque', 1969
♪♫ https://www.youtube.com/watch?v=MV8fGf-N06A
A mon ange gardien...
Pour avoir si souvent dormi
Avec ma solitude
Je m'en suis fait presqu'une amie
Une douce habitude
Ell' ne me quitte pas d'un pas
Fidèle comme une ombre
Elle m'a suivi ça et là
Aux quatre coins du monde
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude
Quand elle est au creux de mon lit
Elle prend toute la place
Et nous passons de longues nuits
Tous les deux face à face
Je ne sais vraiment pas jusqu'où
Ira cette complice
Faudra-t-il que j'y prenne goût
Ou que je réagisse?
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude
Par elle, j'ai autant appris
Que j'ai versé de larmes
Si parfois je la répudie
Jamais elle ne désarme
Et si je préfère l'amour
D'une autre courtisane
Elle sera à mon dernier jour
Ma dernière compagne
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude
Le facteur
Le jeune facteur est mort
Il n'avait que dix-sept ans
Tout est fini pour lui maintenant
L'amour ne peut plus voyager
Il a perdu son messager
C'est lui qui venait chaque jour
Les bras chargés de tous mes mots d'amour
C'est lui qui portait dans ses mains
La fleur d'amour cueillie dans ton jardin
Il est parti dans le ciel bleu
comme un oiseau enfin libre et heureux
Et quand son âme me l'a quitté
Un rossignol quelque part a chanté
Je t'aime autant que je t'aimais
Mais je ne peux le dire désormais
Il a emporté avec lui
Les derniers mots que je t'avais écrit
Il n'ira plus sur les chemins
Fleuris de rose et de jasmin
Qui mènent jusqu'à ta maison
On on on on on
L'amour ne peut plus voyager
Il a perdu son messager
Et mon coeur est comme en prison
On on on on on
Il est parti l'adolescent
Qui t'apportait mes joies et mes tourments
L'hiver a tué le printemps
Tout est fini pour nous deux maintenant.
Allez, venez, Milord!
Vous asseoir à ma table
Il fait si froid, dehors
Ici c'est confortable
Laissez-vous faire, Milord
Et prenez bien vos aises
Vos peines sur mon cœur
Et vos pieds sur une chaise
Je vous connais, Milord
Vous n'm'avez jamais vue
Je n'suis qu'une fille du port
Qu'une ombre de la rue
Pourtant j'vous ai frôlé
Quand vous passiez hier
Vous n'étiez pas peu fier
Dame! Le ciel vous comblait
Votre foulard de soie
Flottant sur vos épaules
Vous aviez le beau rôle
On aurait dit le roi
Vous marchiez en vainqueur
Au bras d'une demoiselle
Mon Dieu! Qu'elle était belle
J'en ai froid dans le cœur
Extrait de "Milord", chanson du répertoire d'Édith Piaf, 1959.
Paroles Georges Moustaki et musique Marguerite Monnot.
Je ne me sens toujours pas intégré dans la vie normale. Les camps de concentration m'ont rendu prématurément blasé, m'ont fait perdre tout sentiment violent de peur, d'amour ou de joie.
Ca m'empêche d'être sociable, de déconner, de rigoler. Je suis toujours sur mes gardes. Ca m'a filé des complexes et ça me dérange.
Simplement une information ....qu'avait confié Georges Moustaki au journaliste du journal "Le Parisien" en parlant du tennis.
Mais c'est bien sa rencontre avec Henry Miller, le célèbre écrivain américain, qui l'a le plus ému et marqué.
« C'était mon idole et ... il jouait vraiment bien. En 1970, il m'avait battu alors qu'il avait 79 ans et que je n'en avais que 36. »
Une chanson écrite en 1976... Un texte à méditer.
Chanson cri
Je veux que ma chanson soit comme un cri d'alarme
Entre un air à la mode et un chanteur de charme
Et même si je ne chante pas assez fort
Qu'on veuille m'écouter trois minutes encore
Quand on entend parler des femmes que l'on viole
Pour beaucoup d'entre nous, ça reste des paroles
On discute, on s'indigne, on ferme le journal
Puis on finit par trouver ça presque normal
Hier, j'ai rencontré l'une de ces victimes
Pour la police, c'est affaire de routine
Et pour les autres, ce n'est guère qu'une histoire
Moi, j'ai vu la détresse au fond de son regard
J'ai lavé son corps couvert de sperme et de sang
L'individu était presqu'un adolescent
Très vite, il a fait ça sans amour ni plaisir
Il paraît qu'il a pleuré avant de s'enfuir
Mon Dieu, qu'avons-nous fait pour en arriver là ?
Que faut-il faire pour arrêter tout cela ?
Ma tête se révolte et mon cœur est meurtri
Et j'ai eu mal pour elle, et j'ai honte pour lui
Mais qui d'entre nous n'a jamais violé quelqu'un ?
Pour ne parler que de ces petits viols mesquins
Qui font partie de notre vie de tous les jours
Et abreuvent de larmes notre soif d'amour
La puissance, l'argent, la force et le mépris
L'autorité du père et celle du mari
La rigueur imbécile des fauteurs de l'ordre
Qui crée les enragés qu'il empêche de mordre
Car ce sont nos enfants qu'on appelle la pègre
Gauchistes, blousons noirs, drogués et autres nègres
Tous ceux qui, pour survivre, cherchent à rêver
Ceux qui cherchent la plage au-dessous des pavés
Et si je viens chanter à la télévision
Dans le cadre établi de la consommation
Avec l'approbation du prince et de la cour
Ne va pas croire que c'est pour faire un discours
Ce n'est pas non plus pour te convaincre ou te plaire
Ou chanter les idées qui sont déjà dans l'air
Mais c'est pour demander un aujourd'hui meilleur
En faisant simplement mon métier de chanteur
Je dis que le bateau prend l'eau de tous côtés
Il est temps qu'on essaye de le colmater
Victime ou criminel, les deux sont concernés
Et s'il y a un coupable, on est tous condamnés
Ce que je n'ai pas compris et ne comprendrai jamais, c'est qu'au nom d'une guerre, on massacre toute une catégorie de gens. Aucune logique dans tout cela. La haine n'explique pas tout.