Les Matins bleus, structure associative placée, comme toutes les entités similaires, sous la tutelle de la justice des mineurs et de l’ASE, l’Aide sociale à l’enfance , s’occupe de près de deux cents enfants, adolescents ou jeunes adultes, vivant dans des familles d’accueil, répartis à travers les sept foyers de l’association dans le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône, parfois laissés dans leur famille mais sous la supervision d’éducateurs, ou, quand ils atteignent la majorité, logés dans des appartements où ils vivent de manière autonome, financés par Les Matins bleus et accompagnés par des éducateurs dans le cadre du « contrat jeune majeur », jusqu’à ces fatidiques 21 ans à partir desquels, en France, le système de protection de l’enfance n’a plus de prise sur vous.
À 27 ans, Audrey Brante est passée par la plupart de ces structures. Il n’y a que six ans que cette jeune femme énergique, grande, au regard lumineux, qui raconte sa vie avec une chaleur communicative, a quitté la dernière d’entre elles, un des appartements de l’association, et elle a
gardé des liens étroits avec les équipes. « Quand ça ne va pas, m’explique-t-elle, je vais les voir, je discute avec un éducateur, même si je ne le connais pas : c’est juste le symbole de l’éducateur, celui à qui je peux me confier. C’est important pour moi. Au foyer, on a souvent l’impression que les éducateurs nous cassent les pieds, et en fait, oui, ils nous cassent les pieds, mais en fin de compte ils sont là pour nous faire avancer. À mon départ, j’étais contente, j’en avais marre de devoir tout justifier, de faire tout le temps attention, mais très vite je me suis rendu compte que ça me manquait. » Elle a ce petit rire soudain et bref qui est si souvent revenu dans nos conversations : « On ne peut pas avoir des éducateurs toute sa vie ! Mais moi ça m’aide. J’en ai encore besoin. »