Florence Gérard

C’est ma nature profonde de cupidon de croire que l’amour est plus fort que tout. Le destin ne peut pas être aussi cruel, nous séparer juste après nous avoir réunis.

Tu crois que c’est de me lier à toi qui me pose souci, cupidon ? Tu te surestimes. Le problème, c’est qu’ensuite vous trois deviendrez ma faiblesse si je le fais.

Ce qui me fait émerger est une chaleur intense. Elle part de mon ventre et se diffuse rapidement à l’ensemble de mon corps. Y aurait-il un incendie ? J’entrouvre les paupières alors que tout me revient : la réunion, Mikka, le Tahitien… enfin Bay, Heaven et l’ascenseur qui tombe. Ainsi que l’attaque magique.
Cela ne fait aucun doute désormais. Je soulève ma tête avec difficulté pour voir comment vont les autres. Mikka est allongé devant moi, sa main disposée sur mon bras. Il respire, je souffle de soulagement. Je repousse délicatement son avant-bras avant de scruter par-dessus mon épaule pour vérifier comment vont nos compagnons d’infortune dont je sens le poids sur certaines parties de mon corps.

« Je les aime tous les trois, j’en suis sûre, néanmoins notre lien sera-t-il suffisant pour survivre à ce que nous avons vécu et à ce qui nous guette dans un avenir qui s’annonce plus qu’incertain ? »

« Mais à présent, une épreuve bien pire nous attend ce soir : nous sommes tous les quatre cordialement, et par là, je veux signifier qu’il s’agit d’un ordre, invités à manger chez ma mère. Que la déesse Hécate nous vienne en aide ! »

« C’est ma nature profonde de cupidon qui me force à croire que l’amour est plus fort que tout. Le destin ne peut pas être aussi cruel, nous séparer juste après nous avoir réunis. »

« Cette scène paraît presque irréelle tant elle est simple. Tout semble couler de source. J’aime ce que je vois. Pire encore, je comprends seulement à cet instant que ma solitude me pesait. »

« Je suis de nature conciliante et, après avoir retrouvé un souffle apaisé, je m’apprête à l’interroger de nouveau quand une vague magique s’abat sur nous et nous assomme dans la seconde qui suit. »

« — Eh toi ! Tu veux de l’aide pour la mater ?
— Ça ira, je te remercie, je m’en sors très bien tout seul ! En revanche, si tu as une astuce pour la toucher, je suis preneur, répond l’autre idiot avec un petit rire narquois.
— Fais gaffe à la manière dont tu lui parles ou je te refais le portrait, Ducon ! »

Si le bonheur pouvait se présenter, alors ceci serait ma propre description : Blondie et moi, sur le chemin qui nous liera à jamais.

Quand mes yeux remontent sur son visage, son regard pénètre le mien. Il arbore un sourire en coin qui dit qu'il sait exactement à quoi je pense. Il mime un bonjour avec ses lèvres, ce que je trouve particulièrement attirant ce soir. Est-ce dû au fait que je ne l'ai pas revu depuis si longtemps?

J'ai l'impression que le type qui me fait face au loin n'est plus le même Man que j'ai connu.

Pour la première fois de mon existence je l'observe avec un œil nouveau, d'un aspect purement physique. Sa posture nonchalante, son regard perçant et ses larges épaules me donnent des pensées un peu déplacées à son égard, je dois bien le reconnaître. Il se rapproche d'une démarche assurée dans ma direction en même temps j'entends Lennox qui dépose mon jus juste devant moi. Cela rompt définitivement le charme du moment. Je coupe notre contact visuel en faisant pivoter ma tête vers le barman pour le remercier d'un simple sourire. Je n'ose pas me retourner et le miroir derrière les bouteilles suffit amplement à conforter ma décision.

En effet, un attroupement de femelles en chaleur s'est déjà formé autour de Manus. La plupart se contentent de lui caresser distraitement le dos ou les bras, mais certaines sont assez téméraires pour lui rouler une pelle. Les traces de rouge à lèvres laissées à cette occasion me donne des envies de meurtre. Surtout quand l'observe la propriétaire d'un de ces rouges à lèvres couleur "spéciale pétasse" : Clarissa Bowman. Cette groupie de biker s'accroche à mon ami comme s'il lui appartenait, comme si elle était sa copine, sa régulière dans notre jargon. Connaissant l'homme, il l'a certainement déjà sautée, mais une chose est sûre, elle ne représentera jamais rien pour lui!

Quand elle dénoue son écharpe, son pull en V m’offre une belle vue sur son décolleté, et je manque avaler de travers. Je dois faire un effort douloureux pour détourner les yeux de l’esquisse de sillon entre ses seins que je devine à peine. Elle ne voit rien, concentrée sur les petites bouchées de gâteau qu’elle avale délicatement. Son sourire et le plaisir que je lis sur son visage m’évoquent une petite fille qui plonge le doigt dans un pot de confiture, et je me sens fondre. Julie, jolie Julie, tu es en train de t’accrocher mon cœur en bandoulière.

Rien n’est meilleur qu’une bonne nuit de sommeil pour vous revigorer.

Ma mère non plus n’est pas au courant de toute la face cachée de la vie de mon géniteur. Toutefois, nous ne sommes pas naïves. Ce qui est clair dans nos esprits, c’est que c’est illégal ; ses quelques séjours à la prison du comté tendent à confirmer nos hypothèses. Le détail de ses activités illicites en revanche, je n’en suis pas certaine : trafics en tous genres, vols de voitures, recels, transports de drogues, paris, combats, jeux d’argent illégaux… Je me rappelle d’ailleurs qu’on a souvent spéculé à ce sujet avec Manus dans notre prime jeunesse.

Et dire que je me suis tapé les trois ! Cette pensée me fait doucement sourire, et inconsciemment, je suis déjà en train de faire mon choix pour cette nuit. Soit la pétillante Lynn avec sa minijupe et son chemisier largement décolleté. Ou bien Marcy, une noire au tempérament aussi chaud que ses cuissardes le laissent supposer. Et enfin, nous avons la jolie Portoricaine au visage de madone, et dont la simple tenue, jean et débardeur, cache à quel point elle peut être fougueuse au pieu. Le choix va être difficile. Et avec un peu de chance et de l’organisation, je pourrais même m’en faire deux sur trois…

Que dire concernant ma tendance à frapper avant de poser des questions... J’ai toujours été impulsif et je me suis entraîné en conséquence, pour ne jamais avoir à baisser les yeux devant qui que ce soit. Un vieux en taule, un brin paternaliste m’a pris sous son aile et a tenté de m’enseigner à réfléchir avant d’agir. J’aime à penser que, d’une certaine manière, il a réussi. Le fait que ce type ait tué un poivrot juste parce que ce dernier avait sifflé sa copine et qu’il s’est pris quinze ans pour cela lui a laissé le temps pour la réflexion et la remise en question, je suppose.