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Payot - Marque Page - Fernando Trias de Bes - Encre
Il mit deux heures à finir le livre, parcourant de ses yeux chaque feuille, de gauche à droite, de ligne en ligne imaginaire, la peau parfois parcourue de frissons, à d’autres moments émus, en un merveilleux acte de rêverie et de liberté.
Quand il eut fini la dernière page, il retourna à la première et les fit toutes défiler rapidement.
Elles étaient vierges. Absolument vierges.
Il se sentit épuisé. Mais aussi libéré.
La voisine en question était celle du quatrième au numéro 2, qui venait de tomber amoureuse de son psychologue pendant la thérapie qu'elle suivait pour apprendre à communiquer avec ses enfants. Jusque-là rien d'anormal. Mais, en réalité, elle n'avait pas encore d'enfants. "L'idée, c'est de ne rien remettre au lendemain", disait-elle. Son mari tente de l'en dissuader, mais elle - plus têtue, on ne fait pas - débuta une thérapie qui consistait à interpréter des dessins qu'apportaient les enfants d'autres patients. Bien sûr, la voisine ne pouvait pas apporter les siens et ils n'allaient pas non plus analyser les dessins du docteur.
Sa mission consistait à faire disparaître au fond des armoires et des tiroirs les factures à payer aux fournisseurs ; ceux-ci devaient alors les renvoyer, ce qui permettait d'allonger les délais de paiement
Cher lecteur, comme le dit Gandalf à Frodo dans le Seigneur des Anneaux : "ce qui te revient c'est seulement de décider quoi faire du temps qui t'a été donné". Le changement commence par soi-même. Ton temps aussi est à toi et à personne d'autre : vis en conformité avec cette idée, et la main invisible nous mènera, une fois de plus, au bonheur de la société.
Le système qui fait de nous ses esclaves, est très, très subtil : nous sommes esclaves de notre liberté, de notre système. Il nous rend malheureux, mais nous l'acceptons car le contraire, c'est la non-liberté. Nous rebeller contre la démocratie et le libre marché, c'est nous rebeller contre notre propre liberté. Nous semblons enfermer dans un labyrinthe sans issue.
Le système ne doit pas prendre à l'individu plus de temps que ce qui est juste et, doit lui ouvrir en retour, des chemins vers l'amour, l'humanisme, la spiritualité, la coopération, la solidarité et l'assistance à autrui. Le temps est un facteur essentiel de notre vie. Un système qui l'oublierait, serait condamné à l'échec.
TC le constata cette même nuit : il aurait besoin de trente-cinq années pour rendre à la Bque tout ce qu'il lui devait. Aussi sa dette n'était pas une dette d'$. C'était une dette...de temps ! pardon de T.
...(...)
"Le système possède tout mon T mais ne me doit rien" se dit TC.
- As-tu réussi à vendre quelque chose ?
- Non, pas encore.
- Alors dépêche-toi, le T s'en va.
TC sursauta, bondit hors du lit et poussa un cri qui réveilla tout à fait sa femme :
- Eurêka ! Tu as trouvé le slogan exceptionnel : "Dépêche-toi, le T s'en va"
La faute en revient au système qui met en esclavage ses propres citoyens. Rien de tout cela ne serait arrivé si on ne demandait pas aux gens de se lier trente-cinq ans à une fiche de paie pour pouvoir payer cent, pardon soiixante mètres carrés d'habitation.
Dans tout système économique, il faut posséder ce que la majorité demande et se dépouiller de ce dont personne ne veut, puisque c'est la seule manière de conserver une quelconque valeur à ce que l'on possède.