"J'avais été abandonnée par la flamme de la littérature..." L'écrivaine Monica Sabolo nous confie sa crise de la page blanche, avant d'avoir trouvé l'inspiration à partir d'un fait divers qui l'avait marquée : l'assassinat de George Besse en 1986 par deux membres de l'Action directe. Quelles ont été les raisons qui ont poussé ses deux femmes à commettre un tel acte ? Mais la réelle question que se pose l'écrivaine, et qui est à l'origine de son livre "La Vie clandestine", devient quasiment autobiographique : "qu'est-ce que je cherchais, moi, à travers cette histoire ?"
#faitdivers #goncourt #litterature
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"[...] Le secret c'est de raconter une histoire à laquelle les gens ont envie de croire, n'importe laquelle. Les hommes ne veulent pas savoir, ils veulent croire, une fois que vous avez compris ça..."
J’ignore si ces jeunes gens sont romantiques ou dangereux, rêveurs ou fous, à côté de la plaque ou au cœur du réel. Je ne sais d’où provient la violence, d’eux ou du système, je ne sais s’ils sont des résistants, des aventuriers, des Pieds Nickelés, ou des gangsters. Peut-être sont-ils tout cela à la fois, peut-être rien de tout cela. Mais ce qui m’apparaît, et m’est étrangement familier, c’est le glissement. Cette ombre qui se déplace, de manière imperceptible, et les conduit dans un lieu solitaire, de plus en plus loin des autres, et d’eux-mêmes. Un mouvement qui les emporte à travers le temps et l’espace à la façon du courant d’une rivière, tandis que l’ombre les recouvre. Et soudain, ils sont là, plongés dans l’obscurité, et ils s’apprêtent à commettre l’irréparable.
C'était comme si je l'avais vue avant même de la voir. Les filles n'étaient encore que des flammes mouvantes, des animaux gracieux aux visages indistincts, mais quelque chose dans le mouvement de sa main passant sur sa joue, la diffraction de la lumière dans ses cheveux noirs, ou peut-être même un sens inédit du pressentiment, quelque chose m'avait annoncé sa présence, puis son absence, quasiment instantanée. Le temps devenait si extraordinairement lent et distendu, que dans les interstices de l'instant, entre un pas des filles et un autre, entre un mouvement de nuque et le plissement d'une bouche qui recrache la fumée d'une cigarette [...] il y avait à l'intérieur de moi, une clarté aveuglante, une vision du monde parfaite et de tout ce qui allait s'y dérouler.
Jean-Marc Rouillan cite Aragon dans l’un de ses textes :
« Toute mémoire est une eau trouble
Que voulez-vous que l’on y voie.
Si lentement que l’on si noie… »
"Elle avait secoué la tête, comme si la vie était une énigme, cruelle mais captivante.
_On ne sait jamais vraiment qui sont les gens, non ?"
"Mais ces mots aussi sont une valise, une boîte noire, ils sont faits de plastique, compacts et verrouillés. La vérité est à l'intérieur, hors de portée. Mes souvenirs, eux, , sont un château de sable assailli par les vagues d'un océan froid dont la surface change de couleur avec la lumière et les saisons."
Et tandis que leurs voix aiguës, aux accents de plus en plus désespérés, appelant ma sœur, j’étais resté là, absent à la scène, et à la vie, tandis que montait en moi la certitude que c'était arrivé, ce moment que j'attendais depuis toujours, l'effondrement de cet édifice de papier que constituaient nos existences.
"Le vernis social et de politesse étouffe les émotions, comme des insectes dans un bocal de verre."
"_Comment le saviez-cous ?
_Pardon ?
_Comment sait-on que c'est la vraie vie ?
Il marque un temps. J'entends son souffle, et le mien. Il reprend, en baissant d'un ton, comme si nous partagions un secret. Deux inconnus ayant soudan pris conscience qu'ils ont les mêmes tourments, qu'ils sont habités par les mêmes questions dont ils ne parlent à personne.
_Ah, mais on ne le sait pas. On le comprend ensuite, quand ce n'est plus le cas. Sur le moment, on ne se rend compte de rien."
Les souvenirs s'estompent, c'est le secret. Le temps les dilue, des morceaux de sucre dans un récipient d'eau froide.