La poétesse Kiyémis reçoit Fania Noël, sociologue, autrice et figure du militantisme afroféministe en France.
Membre du collectif afroféministe Mwasi, cofondatrice de la revue AssiégéEs, Fania Noël est une des militantes qui ont lancé le mouvement afroféministe en France dans les années 2010. Révolutionnaire, elle théorise et pratique une joie radicale, politique, non consumériste et collective.
Elle a publié plusieurs essais et manifestes, comme « Afro-communautaire. Appartenir à nous-mêmes » (Syllepses, 2019) et « Et maintenant, le pouvoir. Un horizon politique afroféministe » (Cambourakis, 2022). Elle poursuit actuellement un doctorat en sociologie sur les géographies noires à l'université The New School à New York.
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Non, nous ne sommes pas naturellement faites pour être dans les cuisines, car il faut l'avouer, à part dans les moments de fêtes, on y est trop souvent seule.
Oui, il se passe des choses dans les marges où ous sommes poussées.
Tout espace peut se transformer en un espace d'organisation politique et il faut aller chercher les personnes là où elles sont.
Chaque jour se fomentent, dans les cuisines des ménagères, des plans, des complots pour survivre, combattre et résister dans les familles, au travail ou dans la rue.
Posséder des espaces où des femmes Noires se retrouvent pour penser, partager, s'organiser politiquement, discuter, rire, permet de développer l'amour politique, de dépasser les clichés sur les amitiés féminines décriées comme fausses et hypocrites.
Le combat féministe est un combat révolutionnaire pour la liberté et le bonheur.
Nous aussi, nous avons le droit au salon, aux discussions politiques et personnelles au centre et à haute voix. (17)
S'organiser politiquement en tant que Noir.e.s sur la question de la négrophobie, du panafricanisme et au delà, est un choix politique, cela ne reflète en rien la valeur morale des individus qui s'y engagent ou non, pas plus qu'elle ne leur octroie un statut privilégié dans le monde de la noirie.
Il peut être tentant de considérer qu’être Noir·e est en soi un positionnement politique, à la lumière de notre histoire, mais ce serait tomber dans le piège de l’essentialisation. Être Noir·e ne suffit pas pour construire un projet politique, il nous faut donc penser ce Nous, et savoir ce que nous voulons en faire. Définir notre objectif, et surtout créer les moyens de l’atteindre. Et pour atteindre cet objectif, nous ne pouvons pas faire l’économie d’une définition de ce que nous sommes politiquement et des moyens devant être mis en œuvre. Ce manifeste est un plaidoyer pour la construction d’une utopie afro-révolutionnaire guidée parce que nous pouvons changer, modifier et renverser politiquement ensemble, qui pourra éclairer notre chemin, et nous donner le courage de le parcourir.
[…] l’aliénation contient toujours les germes d’une résistance qui peut se cacher sous des formes variées comme la tristesse ou l’insatisfaction. Ces résistances créent la volonté d’une vie meilleure maintenant, et c’est la volonté de vivre mieux maintenant qui permet l’éclosion des conditions de résistance, de révolte et de révolution. (127-128, édition en format de poche)
Nous devons construire à partir des conditions matérielles présentes, demander la justice, l’égalité et la redistribution, là où il est le évident pour chacun·e comme le travail. Le travail qu’il soit salarié ou non, au sein de l’entreprise ou de la sphère domestique. Se mobiliser sur cette question qui concerne tout le monde, mais qui revêt des spécificités pour chacun·es…
Il ne s’agit pas d’un livre de recettes magiques pour faire communauté où tout·es les Noir·es vivant en France se retrouveraient joyeusement dans un cadre douillet et sécurisant. Il s’agit de penser la création d’une communauté faisant partie d’un projet politique, et comme tout projet politique il s’agit de définir avec qui, comment et pour quoi.
Nous devons apprendre à travailler ensemble, à partager le savoir avec tou·tes, à se mobiliser sur des temps longs, à ne pas se laisser emporter de polémiques en polémiques, à imaginer et construire la société que nous voulons, à nous défendre et surtout à vaincre
la conscience du rôle central de l’Etat dans les crimes contre l’humanité qu’ont été l’esclavage et la colonisation…
aspirons à beaucoup plus qu’à être représentée·es ou avoir un siège à table : indépendance, autonomie et libération