![Pourquoi l'amour fait mal par Illouz Pourquoi l'amour fait mal](/couv/cvt_Pourquoi-lamour-fait-mal_3539.jpg)
Je me suis décidée à lire cette sociologue franco-israelienne grâce aux BD de Liv Strömquist qui la cite abondamment ! J'ai voulu aller à la source...
Directrice d'études à l'EHESS, elle est sociologue des sentiments et de la culture. J'aime que l'amour soit abordé dans un cadre sociologique, et pas seulement psychologique ou biologique (avec des explications naturalisant tout comportement d'une façon abusive). La thèse de ce livre : la souffrance affective a des caractéristiques propres à la modernité.
Auparavant la réussite d'un mariage ne tenait pas au lien affectif, mais cela a changé. À l'époque moderne, hédoniste et marquée par une culture de la consommation, les critères de choix du ou de la partenaire sont démultipliés. Ce choix rend paradoxalement les choses + compliquées. La recherche de ce•tte partenaire se calque sur l'économie de marché (accumulation d'attributs sociaux, psychologiques, sexuels...).
Alors que la liberté sexuelle semble possible pour toutes et tous, les inégalités de genre persistent, à cause du contexte patriarcal. Des femmes sont encore dépendantes du mariage pour leur survie économique (alors qu'il apporte + paradoxalement de bénéfices aux hommes...) ; et la phobie de l'engagement concerne surtout les hommes qui dominent le champ sexuel. L'autrice rappelle que les femmes doivent trouver des stratégies pour se protéger contre le viol, ont la procréation comme impératif social encore très marqué, que les critères comme la jeunesse sont plus contraignants pour elles, etc...
Majoritairement les hommes recherchent du sexe, et les femmes de l'affection, mais ça n'a rien de biologique : dans le patriarcat, les femmes restent subordonnées au mariage et à la procréation. Les sexualités des hommes et des femmes sont liées à leur pouvoir social.
Aujourd'hui l'amour est désenchanté, c'est le détachement et l'ironie qui le caractérisent (je lis en parallèle "Normal people", un roman qui l'illustrz super bien !) La rationalisation des liens intimes est renforcée par les moyens technologiques : gestion d'un flux de rencontres par le web, mesure et compétitivité, recherche de profils avec une liste d'attributs...
L'imagination a un rôle important dans cette analyse sociologique de l'amour: ce sont par des fictions (séries, livres, films etc.) que sont façonnées nos émotions, nos attentes, et que des scénarios sont construits. Les médias, les réseaux sociaux nous font rêver à une intensité émotionnelle qu'on ne trouve pas forcément au quotidien; la souffrance amoureuse découle alors de désillusions. J'ai beaucoup aimé cette réflexion sur le pouvoir de la fiction.
Elle clôture avec un appel à un retour de l'éthique dans les relations sexuelles et affectives, pour que liberté et éthique fonctionnent en tandem.
Le problème est dans la méthode. Pas d'étude, mais des sources diverses : quelques interviews de personnes occidentales hétéro de catégorie plutôt aisée (du coup les analyses reflètent ce biais), mais aussi romans d'amour et manuels de conseils et de développement personnel, articles sur le web... Eva Illouz développe une pensée critique brillante, mais la rigueur de la méthode me retient d'être à 100% transportée. Mais j'ai quand même adoré ma lecture.
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Alors que je trouvais la psychologie positive intrinsèquement intéressante, puisque dépassant (enfin) l'entrée exclusivement par les névroses. Heureusement, Happycratie vient lever le voile sur une dérive. Un livre qui fait réfléchir et prendre du recul sur un phénomène dont peu ont identifié l'ampleur !
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Un des rares livres que j'ai décidé d'abandonner, préférant préserver mon temps à des ouvrages plus constructifs. En effet, Happycratie est une critique continu et souvent mal argumentée de ce mouvement de fond qui traverse les sociétés (souvent occidentales et "développées") vers une injonction au bonheur et la responsabilité individuel de ce dernier. L'idée est interessante et souvent bien réaliste. Mais plutôt que rester sur un terrain purement philosophique et idéologie, ou encore de mettre en lumière les conséquences bien réels de ces phénomènes, les auteurs se veulent persuasifs en avançant des arguments scientifiques... peu scientifiques ! Peu de rigueur donc dans leur méthode qui se résume, finalement, à critiquer arbitrairement la psychologie elle même, et tout point de vue ou discipline "individualiste". Ici, on vous apprendra que le bonheur n'est pas un objectif louable, que cela est vain et uniquement au service de l'ultralibéralisme. Pas de compromis ou de nuances donc pour ceux qui imaginent un bonheur hors de la consommation par exemple. Si vous voulez entendre de ne pas vous préoccuper de votre alimentation parce qu'elle n'a pas de lien avec votre santé, et que votre alimentation est de toute façon une affaire collective, rassurez-vous en lisant ce livre. Ma critique force évidement le trait, mais bien que je sois en parti d'accord avec la position défendue, je n'ai vraiment pas apprécié le manque de pertinence de la méthode, du comment, du pourquoi, celle qui consiste à vous ôter tout sens d'une responsabilité individuelle.
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« Votre meilleur ami, c'est vous ! » Qui n'a pas déjà entendu cette petite phrase bien connue des coachs et adeptes des feelgood thérapies ? Qualité de vie, bien-être à l'école, au travail, et bienveillance sont désormais des indicateurs – et des termes – dont tiennent compte aussi bien les pouvoirs publics que le système éducatif et évidemment les professionnels du management. Cette exhortation à être heureux se décline d'ailleurs dans nos modes de vie : faire du sport, mieux manger, méditer, se relaxer, trier ses déchets, acheter bio et équitable, prendre soin de soi, écouter ses envies, être inspiré, analyser ses émotions…
Or, « le bonheur est-il cet objectif suprême que nous devrions tous nous efforcer d'atteindre ? » s'interrogent les chercheurs Eva Illouz et Edgar Cabanas dans leur ouvrage Happycratie. Comment l'industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, paru le 23 août aux éditions Premier Parallèle. Ils dissèquent ce phénomène de société devenu une véritable tyrannie et surtout une industrie juteuse.
Si le présent ouvrage apporte une contribution à l'actuel débat, très vivace, sur le bonheur, c'est en vertu de sa perspective sociologique critique. Nous nous sommes appuyés ici sur les travaux que nous avons précédemment menés – des travaux consacrés aux émotions, au néolibéralisme et à la culture thérapeutique –, en creusant certaines idées déjà exposées ailleurs et en en introduisant de nouvelles, notamment quant aux rapports entre la poursuite du bonheur et les modalités d'exercice du pouvoir dans les sociétés capitalistes néolibérales.
L'industrie du bonheur qui cherche aujourd'hui à prendre le contrôle de nos subjectivités est l'équivalent contemporain de la “machine à expériences” de Robert Nozick, qu'un Aldous Huxley put en son temps mettre en scène à sa façon, à travers le roman [Le Meilleur des mondes, NDLR].
Cette industrie du bonheur ne fait pas que perturber et brouiller notre capacité à connaître les conditions qui façonnent nos existences ; elle rend aussi nulle et non avenue une telle capacité. Ce sont la justice et le savoir, non le bonheur, qui demeurent l'objectif moral révolutionnaire de nos vies. »
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Bien avant de lire ce livre, j'ai suivi les cours d'Edx sur le bonheur, j'en ai même été "diplomé".
Ce livre m'a paru très intéressant, prétendant que la recherche du bonheur entre en contradiction avec une vision politique du monde. Les critiques du Mode Diplomatique à l'encontre de Pierre Rabhi vont dans ce sens et j'avais envie de connaître l'idéologie politique qui sous tend ce livre écrit à l'évidance par des gauchistes.
Ce livre est très intéressant. Il s'appuie notament sur financement de la psychologie positive et les motifs de celui-ci. Pour travailler dans le monde de la santé et être versé en pharmacovigilance, l'argent et les financements sont d'une importance capitale pour comprendre les conflits d'intérêts.Si c'est déjà largment préjuditiable à la médecine somatique, j'ai tendance à penser que les craintes sont fondées pour la psychologie.
Ce livre amène à pas mal de réflexions sur mes motifs de rechercher plus de bonheur et sur les leçon et méthodes qu'apporte la psychologie positive.
J'aime bien sa conclusion éminemment politique : "Ce sont la justice et le savoir, non le bonheur, qui demeurent l'objectif moral révolutionnaire de nos vies."
Commenter  J’apprécie         10 ![Le Capital sexuel par Illouz Le Capital sexuel](https://m.media-amazon.com/images/I/31n0isc3IuL._SX95_.jpg)
De grands mots, mais pas "Le capital sexuel", d'Eva Illouz et Dana Kaplan
Les autrices partent de la sociologie de Bourdieu et de la définition du "capital" par Marx (une ressource produit de la richesse, la plus-value), pour définir le concept de "capital sexuel". Le capital sexuel, c'est la sexualité comme ressource en vue de gains futurs (au-delà de l’activité sexuelle.) La sexualité serait désormais régulée et réglementée par l’économie (comme si ça n'était pas le cas avant ! Un petit tour vers l'histoire des maisons closes en France institutionnalisées au XIVè s. permet d'en douter).
De plus, les ressources produites par nos sexualités formeraient une structure de classe, accumulée dans l'intimité, qui prendrait différentes formes selon le genre des individus. Ceci étant dit, le bouquin l'analyse pas tant que ça l'axe du genre.
Au final il y a 4 définitions du "capital sexuel", et au delà de termes un peu ronflants (« marchandisation du sexe », « sexualisation de la culture »), on est face à un essai d'opinion, et non face à une étude faite par deux sociologues. Pour démontrer une idée, elles se contentent parfois de citer Houellebecq !
Elles parlent marché du sex toy, recours à la chirurgie esthétique, banalisation du travail du sexe qui déborde son cadre traditionnel, avec des exemples comme les serveuses ou hôtesses non travailleuses du sexe qui doivent séduire des hommes pour les attirer.
L'idée centrale : le néoliberalisme a envahi nos sexualités... Ça pourrait se défendre, mais les autrices n'ont pas grand chose pour le prouver, et l'essai patine, patauge, déçoit.
Les seuls points intéressants pour moi, même si rien de dingue :
- le sexe n'est pas une affaire privée, elle est une zone traversée par les rapports de domination
- l'industrie du sexe permet une accumulation de capital
- la sexualité permet de se sentir bien, d'avoir confiance en soi, donc donne de l'employabilité... ça me semble encore bien généralisant et facile. L'exemple central : l'employabilité des personnes ayant une sexualité liberée dans les classes moyennes culturelles et artistiques...ce petit groupe social ne permet pourtant pas de faire de telles généralités !
Commenter  J’apprécie         00 ![Les temps intimes - Genre, sexe et quinoa par Illouz Les temps intimes - Genre, sexe et quinoa](https://m.media-amazon.com/images/I/318pOMGs36L._SX95_.jpg)
"Les Temps Intimes" réunit les écrits de quatre auteures : Daisy Letourneur, Eva Illouz, Guénaëlle Gault et Sandra Laugier. Chacune apporte une perspective unique sur des sujets contemporains cruciaux, traitant de thèmes allant de la masculinité et la sexualité à la consommation alimentaire et l'influence des séries télévisées sur la vie quotidienne.
Daisy Letourneur se concentre sur l'évolution des masculinités dans un contexte contemporain marqué par des mouvements sociaux comme #MeToo. Sa critique pointue des masculinistes révèle un combat continu pour l'équité de genre, offrant une analyse profonde de la manière dont les normes de genre traditionnelles façonnent l'expérience masculine. Elle explore comment les représentations et perceptions de la masculinité se sont métamorphosées au fil du temps, tout en mettant en lumière les contradictions et les luttes internes de cette évolution.
Eva Illouz s'attaque à la complexité de la sexualité moderne, en établissant un dialogue entre les notions de liberté sexuelle et d'égalité de genre. À travers son analyse comparée de "L'amant de Lady Chatterley" de D. H. Lawrence et "Coïts" d'Andrea Dworkin, Illouz démontre comment les attitudes envers la sexualité ont évolué, soulignant la tension entre la quête de plaisir personnel et la recherche d'une égalité sociétale. Sa contribution est essentielle pour comprendre les nuances des débats contemporains sur la sexualité.
Guénaëlle Gault se penche sur l'orthorexie dans le contexte d'une société de plus en plus préoccupée par la qualité et la provenance des aliments. Elle explore comment cette obsession pour une alimentation saine peut révéler des anxiétés plus profondes concernant la santé, l'environnement et la durabilité. Gault met en évidence les conséquences de cette quête pour le contrôle dans nos choix alimentaires, reflétant les dilemmes éthiques et environnementaux de notre époque.
Sandra Laugier, enfin, offre une réflexion sur la place centrale du canapé dans la consommation de séries télévisées et comment celles-ci façonnent et reflètent nos vies. Elle explore l'idée que les séries télévisées ne sont pas seulement un moyen d'évasion, mais aussi une forme de "care", un moyen par lequel les spectateurs tissent des liens émotionnels avec les personnages et les histoires. Laugier met en lumière l'importance des séries dans la construction de nos expériences et perceptions quotidiennes, en particulier pendant la pandémie de Covid-19.
Ensemble, ces quatre auteures tissent un tapis riche de perspectives sur la société contemporaine, chacune apportant un éclairage différent mais complémentaire sur les enjeux actuels. "Les Temps Intimes" est un ouvrage multidisciplinaire, abordant des sujets variés avec profondeur et nuance, offrant aux lecteurs des outils critiques pour comprendre et naviguer dans les complexités de notre époque.
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Mis à part ceux d’Annie Ernaux et de 3-4 autres auteurs sur les 13, les textes de ce recueil sont très exigeants sur le plan du vocabulaire et/ou de l’écriture et surtout passent souvent à côté de la question « Pourquoi lire ? », n’y revenant que dans le paragraphe final. C’est vraiment dommage car on trouve ici et là des arguments très pertinents (pas toujours en faveur de la lecture d’ailleurs).
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Les auteurs nous livrent une étude très instructive levant le voile sur la pseudo-science de la pensée positive qui cherche à faire de la recherche constante du bonheur individuel un objectif de vie, nous transformant ainsi, et à notre insu, en parfaits citoyens de l'ordre neoliberal.
Cet essai, malgré un style universitaire parfois fastidieux mais généralement accessible, nous pousse à une reflexion critique avant tout sur nous même et sur ces discours qui peuvent sembler attrayants mais qui nous enferment dans notre individualité et nous interdisent finalement toute possibilité d'émancipation collective.
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