Les premiers coups ne furent pas heureux. Deux fois la vague se déroba sous la rame de Margaretha, et Tobie, le vieux sournois, eut un sourire qui en disait long.
La rougeur monta au front de la jeune fille; mais elle ne désespéra point. Cinq minutes ne s'étaient pas écoulées que déjà son coup de rame devenait sûr, régulier, souple à la vague. et que le bateau, porté de lame en lame, cinglait vers la rade de l'autre rive, Tobie ne ricanait plus. Il ouvrait de grands yeux étonnés. Margaretha rencontra son regard, et se sentit plus forte encore.
A mi-lac, elle en était à se dire que les vagues ne faisaient qu'ajouter au plaisir. La traversée fut un peu longue, car le temps était mauvais et le bateau pesamment chargé; toutefois le retard n'eut rien d'extraordinaire, et les quatorze passagers, les deux cabris, les légumes, les œufs, les volailles débarquèrent heureusement sur la plage d'Altstad.
Au retour, comme on partait à vide, Tobie demanda la permission de prendre l'arrière. Margaretha comprit son intention, et ne fit point de difficultés. La besogne avait été rude pour une enfant de quinze ans, et depuis qu'elle n'était plus soutenue par l'excitation de la tache à remplir, elle sentait les bras lui trembler.