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Citations de Doan Bui (121)


Préambule

On a récemment découvert que les pieuvres changent de couleur lorsqu'elles rêvent. Comme les pieuvres, les Tours changent de couleur la nuit.Peut-être qu'elles rêvent aussi.Il faudrait un biologiste urbain pour étudier les subtiles modifications qu'une Tour connaît sous la lune.(...)

De loin, la tour Melbourne ressemble à un visage avec des centaines d'yeux qui s'ouvrent et se referment.Et la dalle des Olympiades, à une île de béton gardée par des statues silencieuses: la Tour Melbourne et ses voisines au nom chantant.
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L'esprit de l'homme est ainsi fait que le mensonge a cent fois plus de prise sur lui que la vérité.
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Les gens que j'ai rencontrés ne sont pas dingues. Je pense qu'ils ont surtout envie de croire à quelque chose. De faire partie d'un groupe.
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On ne sait jamais, au moment où elle se déroule, qu’on vit l’Histoire. Peut-être parce que c’est toujours les Événements qui prennent le dessus, que l’Histoire avec son grand H écrase toujours les histoires individuelles. C’est si fragile, une vie.
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À l’époque, en cet hiver 44, ça s’agitait dans les rangs, les soldats tirailleurs réclamaient le paiement de leurs soldes, l’armée renâclait. On voulait les renvoyer chez eux. Le général de Gaulle avait décidé qu’il était urgent de « blanchir » les troupes. Des Noirs ne pouvaient décemment pas libérer Paris. On demanda aux tirailleurs de rendre leurs uniformes. Ils en furent ulcérés. On les rassembla à Morlaix. Rentrez chez vous ! À Morlaix, beaucoup refusèrent de monter à bord, la rumeur disait que les bateaux n’arriveraient jamais à destination. Antoine, lui, fit confiance aux officiels. Après tout, il avait combattu pour la Libération avec les FFI.
Ils arrivèrent enfin au Sénégal. Direction le camp de Thiaroye. Ils n’avaient toujours pas été payés. Alors ils manifestèrent. Au petit matin du 1er décembre, l’armée française fit venir des automitrailleuses. Feu ! Antoine, le grand-père de Virgile, échappa au massacre. Les archives furent falsifiées pour jeter un voile pudique sur les événements de décembre 1944. On invoqua une « mutinerie ». Les corps furent jetés dans des fosses communes creusées à la va-vite dans le camp, qui, une fois détruit, deviendrait une décharge. Certains des hommes venaient du Bénin, de Côte d’ivoire… Peu importe : ils étaient les « tirailleurs sénégalais », les « Africains ». Des moins qu’humains. Les faire disparaître fut un jeu d’enfant.
Combien furent-ils à mourir ce jour-là ? 20 comme le dirent les officiels, 77, ou plus vraisemblablement près de 400 ? On ne le saurait jamais. Leur mort avait pesé aussi peu que leur vie. Sur leur dossier militaire s’étalerait en gros l’inscription : « n’a pas le droit à la mention mort pour la France ». Antoine, le grand-père de Virgile, fut blessé à la jambe. Il boita le restant de sa vie. Il fut arrêté après le massacre de Thiaroye. Lors de son procès, il fut condamné, comme « mutin », à un an de prison pour avoir été l’un des meneurs de la rébellion. Après avoir purgé sa peine, il revint au village. Il ne se plaignit jamais de cette France qui l’avait pourtant trahi. Quand l’oncle Blaise, son fils, partit combattre en Indochine, il ne protesta pas. Il admirait toujours le général de Gaulle. En France, Virgile s’était plongé dans des travaux d’historiens sur Thiaroye et, découvrant ce qui s’était passé ce jour-là, l’attitude de son grand-père lui avait paru incompréhensible. À son retour au Sénégal, il se rendit au mémorial célébrant les martyrs de Thiaroye, un monument laid et soviétique. Le sol était jonché de coquillages. Les tombes des tirailleurs se succédaient sans noms. Qu’en penseraient-ils, ces tirailleurs, massacrés par la France, de voir leurs petits-enfants se précipiter en mer dans des pirogues défoncées pour rejoindre le pays des maîtres ? Pour eux, pas de tombes non plus.
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Aujourd'hui, la vérité, c'est Google qui la détermine. Si les fake news sont tout en haut des résultats de la recherche, l'internaute va les croire.
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“ Ma famille me paraissait vide, sans racines, sans lieux à épingler sur une carte. Un château de sable sans fondations.”
“Lors de ces longs trajets, nous pleurnichions, nous nous disputions, nous vomissions parfois. Mon père restait toujours calme. La route l’apaisait.
Ovide écrit que les exilés laissent leur corps derrière eux.
En voiture papa était juste là, son corps et son âme enfin rassemblé. Serein.”
“Nous sommes, mon frère, mes soeurs et moi, des enfants “bananes”, jaunes à l’extérieur, blancs à l’intérieur. Tous nés en France. De purs produits de la République française. (…) Mon père s’accrochait à son pays perdu grâce à la nourriture. Ma mère cuisinait vietnamien pour mon père, français pour nous.”


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Les trolls russes avaient déjà de l'avance. (...) Faux comptes Twitter, Facebook...
On les a vus s'activer en France.
A chaque fois, ils miment les comportements de la population avec beaucoup de finesse.
Ils utilisaient des comptes Facebook ou Instagram français qui postaient du contenu sur le foot, sur le voile.
Par exemple
@une_camerounaise_fiere
@les_femmes_musulmanes.
Ce qui est impressionnant, c'est que ces trolls russes imitaient à la perfection le comportement sur les réseaux sociaux d'un nationaliste de droite ou d'un activiste pro-voile.
Comme ce compte appelé @lavoix_etranger qui publie des citations d'Albert Camus !
L'objectif, c'était de bâtir une audience, dans des groupes communautaires, soit religieux, soit raciaux, très ciblés...
(p. 82-83)
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L’oncle Blaise avait combattu dans l’armée française. Virgile se souvenait bien de cette vieille photo en noir et blanc où il posait en uniforme de tirailleur, lorsqu’il avait été envoyé là-bas, dans la lointaine Indochine, pour défendre l’Empire français. Dans les rangs de l’armée française, on venait de toute la planète, goumis marocains ou algériens, tirailleurs sénégalais, régiments de Pondichéry, et même des grands blonds de la Légion étrangère, des Allemands. La Légion était dans ce temps-là un repaire à recycler les nazis. Dans cette guerre, personne ne semblait à sa place. Les Français, pourtant les plus concernés par l’affaire, étaient minoritaires dans les troupes. Les Allemands voulaient se faire oublier par les armes. Quant aux Marocains, aux Sénégalais, aux Algériens… Eux, ils n’avaient rien réclamé à personne, ils se demandaient donc parfois ce qu’ils foutaient là, à combattre ces Viêt-minh qui finalement désiraient la même chose qu’eux : l’indépendance.
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Depuis que le monde était monde, les dominants se serraient les coudes pour préserver leur caste, tandis que les dominés se piétinaient, espérant attraper quelques miettes de la lumière des heureux du monde. L’Indochine fonctionnait exactement comme cela au temps de la colonisation. Les indigènes restaient à leur place, loin des métropolitains. Pour asseoir leur fortune, ses grands-parents avaient accepté de collaborer avec les Français. Ils avaient appris à leurs enfants la langue de leurs maîtres : le français. Ils avaient donné à leurs enfants des prénoms français, les avaient mis dans des écoles françaises où l’on chantait La Marseillaise et où on les punissait s’ils parlaient vietnamien avec leurs camarades. Mais leurs pathétiques efforts ne parvenaient jamais à effacer la réalité : ils restaient des indigènes.
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Désormais, face à quelqu'un avec qui on n'est pas d'accord, on l'accuse de colporter des fake news. [...] Nous vivons dans un monde complexe. Face à l'abondance de l'information, on a du mal à trier. On a besoin de simplifier. On est donc plus perméables aux infox, qui sont plus simples, plus univoques.
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Le Bonheur National Brut se déclinait en courbes et statistiques, tout était excédentaire, le commerce extérieur, l'agriculture, l'industrie. On souhaitait oublier les mauvais souvenirs, la guerre d'Algérie, surtout, on venait d'élire Georges Pompidou, fils d'instituteur, incarnation parfaite de l'ascenseur social.

(p.16)
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J'étais française née en France, mais de parents étrangers. La dame exigeait un "certificat de nationalité française". On me sommait de prouver que j'étais française.
Je protestais, je vis l'agacement dans les yeux du cerbère du guichet, et je réalisai soudain que j'étais en train de traverser cette membrane fine et fragile qui sépare les heureux des damnés. J'avais sombré dans le marigot des mal-nés. Ceux qui font la queue pour leur titre de séjour, ceux qui ont tellement changé de nom qu'ils ne savent plus lequel est le vrai, ceux qui n'ont pas les bons tampons, les bons visas, ceux qui quémandent et sourient. Ceux qui sont par définition suspects. Tout à coup, je n'étais plus dans le bon camp. Je n'étais pas française comme je l'avais prétendu depuis si longtemps. J'étais une étrangère. une de plus.
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On parle aussi énormément d'Illuminati dans le rap. (...)
Booba a décidé d'en rigoler :
> boobaofficial : si j'mange un triangle de Toblerone j'suis un Illuminati ou c'est comment ? #siilssavaient #92 #BCG
(p. 147)
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Peut-être eût-il été plus facile de vivre dans le Vietnam ancestral de ses parents. À 18 ans, après un mariage arrangé, elle aurait tout de suite eu des enfants, elle aurait subi, accepté, mais au moins, elle n’aurait rien eu à choisir. Avec la liberté venait le doute. On marchait, on hésitait à la croisée des chemins, plantée devant des carrefours, où la petite voix off susurrait : à droite, à gauche, fais ton choix, et ne te trompe surtout pas, tu n’auras pas de vie supplémentaire. La voix n’était pas aussi rassurante que celle, ferme et synthétique, du GPS qui assénait « Faites demi-tour immédiatement ». Elle était filandreuse, insaisissable, noyée de milliers d’échos, qui ouvraient d’autres portes, d’autres possibilités, d’autres chausse-trappes.
Au début, on se rassurait, on se disait qu’on pouvait retourner sur ses pas, remettre les compteurs à zéro, mais plus on vieillissait, plus le choix se restreignait. Restait cette angoisse d’avoir pris la mauvaise décision et de se retrouver acculé à vivre sa vie avec l’amère conscience de la gâcher. La vie moderne avait inventé la culpabilité de l’échec. On était désormais responsable de ses défaites, de ses maladies, de ses handicaps. Il fallait « aller de l’avant ». L’existence était devenue une course d’obstacles, de performance, une suite interminable de statistiques ponctuée par les notifications du téléphone qui, tous les jours, lui rappelaient qu’elle n’avait pas fait ses 7 Minutes de gym quotidiennes ou qu’elle avait ingéré trop de calories, risquant un cancer ou un AVC prématuré.
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Ileana se souvenait très bien de cette usine de confection textile, près de Ciorteşti, qui jadis employait des ouvrières roumaines. Toutes les filles étaient parties travailler en Italie, torcher des vieux dont les enfants n’avaient plus le temps de s’occuper. Elles laissaient leurs propres gamins derrière elles, en Roumanie. Loi cruelle : pour les pauvres, prendre soin de sa progéniture, ça voulait dire l’abandonner. Endurer des présents séparés pour offrir un futur convenable en attendant un temps où tous seraient réunis. Pour remplacer les ouvrières roumaines, l’usine avait fait venir cent vingt Chinoises. Les malheureuses ne parlaient pas roumain et ne sortaient qu’en groupe, accompagnées de leurs contremaîtres pour des balades au pas de charge dans le bourg. Elles habitaient dans l’usine. Y mangeaient aussi. Une cuisinière chinoise faisait partie du convoi qui leur permettait de retrouver des mets familiers. Les patrons y gagnaient. Zéro absentéisme, une productivité record : les femmes travaillaient nuit et jour, certaines s’assoupissant brièvement à leur poste pour pouvoir accumuler plus d’heures et d’argent. Agglutinées les unes aux autres, elles formaient une masse informe et triste. Les gamins les attendaient quand elles sortaient de l’usine pour leur promenade hebdomadaire. Ils rigolaient, les moquaient, les pourchassaient, leur jetaient des pierres. Ileana se souvenait de leurs visages pâles, encadrés de cheveux noirs et raides, de leurs regards emplis d’une mélancolie sourde. Elles pensaient certainement à leurs enfants qui grandissaient sans savoir où leurs mères vivaient. Ileana savait qu’elle aussi devrait faire de même.
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On aimait l’ordre, en Europe de l’Est. En Hongrie, par exemple, Viktor Orbán avait décidé de construire des murs pour empêcher les migrants d’envahir l’Europe. Il y avait toujours eu des murs, à l’Est. Avant, ils interdisaient l’accès à l’Ouest. Aujourd’hui, ces murs étaient tombés. Devenus les gardiens de l’Europe, les anciennes républiques soviétiques avaient fini par en élever d’autres. Leurs habitants continuaient de partir vers l’Occident, légalement. En se félicitant de ses murs qui empêchaient d’autres migrants de les suivre.
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— Rentrez en Chine, arrêtez de nous piquer nos emplois !
Cela faisait une dizaine d’années qu’il avait commencé à entendre ce genre de phrases. Ce bruit de fond lui avait révélé la vérité : ici, ils ne seraient jamais que tolérés. Et encore. La France, cette grande France si fière, était nouée de peur. Tout le monde avait peur. De perdre son emploi. De perdre sa vie dans un attentat ou à cause d’une épidémie inconnue. Pour donner un visage à ces peurs, on montrait du doigt les étrangers. Cela faisait longtemps que les Truong vivaient dans la peur des agressions du quotidien. Dans la communauté asiatique on ne parlait que de ça : ces gangs qui ciblaient les Chinois, s’habillaient en faux policier, les suivaient en voiture, les cambriolaient et parfois, les tabassaient. Vitry, Ivry, Aubervilliers : les actes de violence s’accumulaient. Les agresseurs pensaient que « les Chinois avaient de l’argent ». Comme les Juifs. Mais les Juifs pouvaient fuir en Israël, il avait vu un reportage à la télé. Lui et sa femme, où iraient-ils ? Quand l’épidémie gagna la France en 2020, avec ce virus que beaucoup appelaient le coronavirus chinois, l’angoisse de la communauté s’accrut. Plusieurs restaurants avaient été dégradés, tags, vitrines cassées. Victor s’était fait alpaguer au Franprix. Un type avec son masque avait voulu l’empêcher de rentrer dans le magasin. « Casse-toi sale Chinois avec ton virus.
— Je ne suis pas chinois, je suis vietnamien », avait-il bafouillé, piteusement. Il ne dit rien à Alice. Il ne voulait pas l’inquiéter. Mais il imaginait qu’un fou, un jour, débarquerait ici, submergé par la haine envers les Asiatiques. Ses cousins américains avaient tous acheté des flingues pour se protéger. Là-bas, ça ne s’était jamais arrêté, cette haine. Dans les années 80, le péril jaune était incarné par les « Japs » : Vincent Chin, un Sino-Américain, avait été tabassé à mort par des employés de l’industrie automobile vociférant contre ces « Japs » qui leur avaient piqué leurs emplois. Désormais, tous les bridés étaient englobés dans une seule entité : les Chinois. Avec le Covid et ses millions de morts, c’était un miracle qu’un forcené n’eût pas déjà posé une bombe dans Chinatown.
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L'exil brise les pères. [...] Les pères font la guerre pour défendre leurs terres et leurs biens, ils racontent des histoires, les grandes histoires dont se rappelleront les enfants plus tard. Sur leur sol, dans leurs familles, ils inspirent la fierté, ils sont les souverains de droit divin. [...] mais dans l'exil, un père n'a plus de gloire. On lui a coupé les ailes [...] Il s'effondre, il n'est rien. Et quand il se relève, il est l'homme qui se bat contre des moulins: on ne le comprend pas, on le toise de haut. Il rentre, harassé par le travail, presque un étranger dans sa propre maison, il ne peut plus raconter d'histoires à ses enfants, ils ne comprennent plus sa langue, et de toute façon il rentre trop tard pour leur raconter quoi que ce soit. Sa femme le chérit, le nourrit, ses enfants le respectent, répondent sans insolence, mais ils sont déjà passés de l'autre côté. Ils l'ont trahi.
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Selon une étude de l'Université d'Oxford, les vidéos de désinformation sur la Covid ont été partagées plus de 20 millions de fois en 2020. Plus que le cumul des vidéos des 5 principales chaînes YouTube de médias généralistes...
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