Citations de Clarice Lispector (280)
Tu me lis en silence. Mais dans ce champ illimité muet je déploie mes ailes, libre pour vivre.
"Ne souffre jamais de ne pas avoir d'opinions sur plusieurs sujets." (p.64)
"Avoir eu une enfance, n'est-ce pas génial ? Personne n'arriverait à me l'enlever ..." (p.55)
C’est par coïncidence que moi je suis moi.
Du zéro à l’infini je chemine sans m’arrêter. Mais en même temps tout est tellement fugace. J’ai toujours été et immédiatement je n’étais plus.
Choisir soi-même son masque est le premier geste humain volontaire et solitaire.
Ils étaient très malheureux. Ils se cherchaient, fatigués, dans l'expectative, en quête d'une continuation de la compréhension initiale et fortuite qui jamais ne s'était reproduite - et sans pour le moins s'aimer. L'idéal les suffoquait, le temps passait inutilement, l'urgence les pressait - ils ne savaient pas vers quoi ils marchaient et le chemin les appelait. Ils exigeaient beaucoup l'un de l'autre mais c'était du fait qu'ils avaient le même manque, et jamais ils ne s'adresseraient à un couple plus âgé pour se renseigner, car ils ne feraient pas la folie de se livrer à l'étourdie au monde fait.
ÉCRIRE
Alors écrire est la façon
de qui se sert de la parole comme appât :
la parole qui pêche ce qui n’est pas parole
Lorsque cette non-parole
— l’interligne —
mord l’appât,
quelque chose s’est écrit.
Une fois que l’interligne est prise,
il serait possible d’expulser la parole
avec soulagement.
Mais l’analogie s’arrête là :
la non parole, en mordant l’appât,
le rattache à elle.
Ce qui sauve, dans ce cas,
c’est d’écrire distraitement.
L'acte créateur est une douleur. Il faut un courage fou, effarant.[...] Et l'acte créateur est dangereux : vous pouvez être amené là d'où il n'est pas certain que vous puissiez revenir.
j'étais en train de vivre la préhistoire d'un futur.
Enfin, le corps imbibé de silence s'apaisait
Cette image de moi entre des guillemets me satisfaisait et pas uniquement en surface. J'étais l'image de ce que je n'étais pas, et cette image du non-être me comblait : être négativement est l'une des façons d'être les plus fores qui soient. Comme je ne savais pas ce que j'étais, ce "non-être" constituait mon approche la plus juste de la vérité : j'avais au moins l'autre côté, j'avais au moins le "non", j'avais mon envers. Je ne connaissais pas le bien en moi, aussi vivais-je avec une certaine ferveur ce qui était mon "mal".
Et, en vivant mon mal, je vivais le côté inverse de ce que je n'arrivais même pas à vouloir ou à essayer. Tel celui qui mène avec amour et application une vie de "débauché" et possède au moins l'opposé de ce qu'il ne connaît pas, ne peut pas, ne veut pas : une vie de moine. Aujourd'hui seulement je savais que j'avais tout, bien que sur le mode contraire : je me consacrais à chaque détail du non.
(PULSATIONS)
Je veux écrire un mouvement pur
Ceci n'est pas une lamentation, c'est un cri d'oiseau de proie. Un oiseau irisé et inquiet. Le baiser sur le visage de la mort.
J'écris comme si cela devait permettre de sauver la vie de quelqu'un. Probablement ma propre vie. Vivre est une sorte de folie que commet la mort. Vivent les morts parce que nous vivons en eux.
Soudain les choses n'ont plus besoin d'avoir un sens. je me satisfais d'être. Tu es ? Je suis sûr que oui. Le non sens des choses me procure un sourire de complaisance. Certainement tout doit être en train d'être ce qui est.
Martin était en train de créer la vérité pour pouvoir la voir.
Cette histoire va m’émouvoir et je n'ignore pas que chaque jour est un jour dérobé à la mort. Je ne suis pas un intellectuel, j’écris avec mon corps. Ce que j'écris est brume humide. Et les mots, des sons transfusés d’ombres qui s'entrecroisent inégaux -stalactites, dentelle, musique d'orgue transfigurée. C’est à peine si j’ose appeler mots cet entrelacs vibrant et riche, morbide et obscur s'opposant à la sourde basse de la douleur. Allegro con brio. Du charbon, je tenterai d’extraire de l’or.
Écrire est le moyen de celui qui a le mot comme appât: le mot péchant ce qui n'est pas le mot. Lorsque ce non-mot mord l'appât, quelque chose s'est écrit. Une fois qu'on a péché l'interligne on pourrait,avec soulagement, balancer le mot. Mais ici cesse l'analogie : le non-mot, en mordant l'appât, l'a incorporé. Ce qui sauve, alors, c'est d'écrire distraitement
La route montait beaucoup. La route était plus belle que Rio de Janeiro et montait beaucoup. Fillette s'assit sur une pierre qui se trouvait près d'un arbre, afin de pouvoir savourer. Le ciel était très haut, sans aucun nuage. Il il y avait quantité d'oiseaux qui volaient du précipice jusqu'à la route. La route blanche de soleil s'allongeait sur un précipice vert. Alors, comme elle était fatiguée, la vieille appuya sa tête contre l'arbre et mourut.
À moins qu’il n’eût existé une façon de tomber dans un puits en toute horizontalité, comme si l’immeuble avait subi une légère torsion et que j’avais glissé en étant déversée de porte en porte jusqu’à cette porte plus haute.
"Sa qualité était justement de ne pas avoir de quantité, de n'être ni mesurable ni divisible parce que tout ce qui pouvait se mesurer et diviser avait un début et une fin." (p.50)
" Papa sourit :
- Mais jouer c'est sans fin. " (p.13)