Citations de Catherine Perrin (II) (25)
Homo sapiens, qui marche si longtemps pour cueillir ou pour chasser, est déjà un « beatmaker ». Antoine, très tôt, a tourné autour de cette hypothèse : le sens du rythme maintenant programmé dans notre cerveau, s’est peut-être développé comme un avantage évolutif. Les premiers qui l’ont utilisé pour marcher avec persévérance ou travailler la pierre en cadence ont acquis un pouvoir qui les a favorisés.
(XYZ, p.73)
Il espère ne plus sombrer, ne plus exploser, mais préfère ne pas jouer à être normal.
Le grain de la folie, l’odeur du gouffre rôderont toujours autour de lui. Il doit accepter leur présence pour les tenir à bonne distance.
(XYZ, p.87)
Les musiciens ont la chance de pouvoir s’aborder en disant, comme des enfants: « Veux-tu jouer avec moi? »
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.
L’ignorance est un manque ; la vertu, une richesse. Bien loin de s’identifier, ignorance et vertu sont donc plutôt contraires.
La nature est entièrement conquise par le vert, un vert plein d’alacrité, d’allégresse, un vert qui s’impose. Par tout ce vert, la forêt respire, se livre à des échanges vitaux et nous en recevons bien notre part si nous allons vers elle d’un cœur ami.
Quand on parle de « matière grise », on évoque plus, à mon avis, la couleur que prend le tissus cérébral dans le formol. À la Banque de cerveaux, on parle plutôt d’« or gris » : une matière capitale pour la recherche sur tous les aspects de l’humain, car c’est de là que tout part.
La femme qui a été violée continue de se sentir bloquée lorsqu’elle se retrouve au lit avec l’homme qu’elle aime, même si l’affection qu’elle lui porte et son désir d’intimité physique ne font aucun doute dans son esprit.
Le corps, en aucune de ses parties, n’est péché. […] L’acte sexuel, entre les époux, comme marque, signe et terme de l’amour total de leur être, est un acte intrinsèquement bon […]. Voir la grandeur de cet acte, c’est avoir pour lui le respect que l’on a pour tout ce qui est grand.
Cette femme a aimé être heureuse. Elle savait nommer le bonheur sans le faire fuir et sans, non plus, avoir la naïveté de croire à sa permanence possible. Elle mesurait qu’être bien, pouvoir rire, c’est une grâce à saisir, une raison d’être reconnaissante. Comme si la présence d’une zone d’ombre, au plus creux d’elle-même, imposait de saisir la joie quand elle passait, de la porter comme un flambeau.
Sur le chemin du retour, son côté gauche s’affaisse, comme si tous les muscles du torse s’étaient transformés en gélatine. On la soutient, elle se laisse entourer ; pour elle, il n’y a dans ces gestes que de l’amour et de l’amitié.
La trame musicale s'ouvre sur le « Prélude à l'après-midi d'un faune », dont Antoine a transformé toute la première partie en solo de hautbois, empruntant les lignes mélodiques les plus éloquentes à divers instruments, les cousant habilement entre elles pour en tirer une fantaisie expressive qui fait émerger la danseuse, d'abord cachée dans le panier comme le serpent l'était avant elle. Elle mente lentement puis redescend, comme prise de torpeur, déposant sa tête doucement sur le sol, ce qui demande à Antoine de dérouler le fil au maximum, et même de dresser le pavillon de son instrument vers le haut. Par vagues successives, la poupée devenue marionnette va réussis à se stabiliser en position verticale.
Il voit se jouer sur cette affiche [...] l’histoire absurde et dévastatrice d’un jeune artiste qui perd toute confiance, simplement en mesurant qu’il n’est pas un génie.
Les qualités de l’esprit et du cœur se trouvent rarement réunies chez l’homme. Plus souvent chez la femme, naturellement plus riche.
Une belle image du lien mère-enfant : on a beau y mettre l’amour inconditionnel, le respect, travailler à créer la confiance puis à trouver la bonne distance, nos fils et nos filles sont intimement, organiquement inscrits dans un fil de vie où figure de l’irrationnel.
On étudie de plus en plus l’hypothèse qu’une blessure non résolue puisse se transmettre, parfois sur plus d’une génération, avec des manifestations surprenantes ; la douleur semble dotée d’une imagination féroce pour ressurgir. Elle est la pointe sensible, agissante, d’un souvenir encapsulé dans l’inconscient.
On lui a souvent dit, plus jeune: “tu as la vie devant toi.” Appel à la patience lancé à l’adolescent pressé de vivre. évocation d’une perspective longue et vague, où l’on pourrait se perdre mille fois.Mais ce matin, l’espace et le temps ne font qu’un.
Il sait qu’il a la vie devant lui : elle porte une jupe dansante, et il faut la suivre. (p.151, avant dernier et, dernier paragraphe)
Il se sent chez lui près des anticonformistes qui ignorent l’être, occupés à composer chaque jour avec eux-mêmes et la survie.
" Soyez exigeante pour vous-même. Ne vous contentez pas de peu, puisque vous êtes capable de beaucoup. " (p.63)
Avoir faim d’apprendre pour savoir et devenir adulte sur le plan intellectuel et moral comme sur le plan physique. Être adulte, c’est être capable de juger par soi-même, d’avoir en soi, pesés et contrôlés, les motifs de son agir.