Il refusait de croire que c’était là la vérité. Il ne croyait pas aux vies antérieures et il ne croyait même pas en une vie après la mort. Il avait vu trop de cadavres dans sa carrière pour envisager une telle solution. Mais curieusement, le fait que son frère l’ait vu mourir violemment, même s’il y avait près d’un millénaire de cela, créa en lui un doute. Et aussi ténu ce doute fut-il, il était suffisant pour qu’il redoute ce contact avec son frère. Il regarda la main de Jake se baisser sur son poignet et s’attendit à une décharge électrique ou un autre truc du genre mais il ne se passa rien.
— Impossible… J’ai vraiment besoin de vous parler. J’ai besoin de votre aide, c’est une question de vie ou de mort…
Pourquoi fallait-il toujours que les femmes dramatisent ? Il inspira profondément. Maintenant qu’il était debout et réveillé, il pouvait bien la recevoir. Le temps de boire un grand verre d’eau, d’enfiler un jean et un t-shirt et il pourrait tenter de la baratiner, assez pour qu’elle revienne dans la soirée et qu’il s’occupe véritablement de son cas. Il sourit. Son bon cœur finirait par le perdre. Ou bien était-ce seulement sa libido ?
Lui qui ne s’était jamais soucié que de lui-même, était touché pour la première fois par la fragilité de l’existence de quelqu’un d’autre. On lui avait raconté que les personnes plongées dans le coma pouvaient nous entendre lorsqu’on leur parlait. Il s’approcha doucement, tira une chaise et s’assit à côté d’elle.
Qu’avait-elle de plus que les autres ? Pourquoi ne pouvait-il pas suivre le conseil de son frère et partir ? Partir loin et oublier ?
Cette fille était vraiment… belle, sans aucun doute, mais il y avait plus que cela. Il avait l’habitude des jolies filles, il en avait connu des tonnes, que ce soit pendant sa carrière de flambeur, de play-boy sur la Riviera italienne ou pendant sa courte carrière de photographe de mode. Il avait côtoyé les plus beaux mannequins et son physique de beau gosse lui avait souvent valu les faveurs du plus grand nombre.
Je ne suis pas fou, Adam… Je ne suis sous l’influence d’aucune drogue, d’aucun psychotrope, je te jure… Et je pense que cette fille m’a dit la vérité, elle n’a pas été envoyée par son fiancé, elle est venue vers moi parce qu’elle est véritablement en détresse… Pourquoi moi ? Je suis certainement naïf mais je suis persuadé que ce n’est pas un hasard…
Partout dans le pays, on s’en prend aux juifs. On dit que vous êtes responsables des malheurs de nos croisés. Au moins, ici, à Londres, tu peux te fondre dans la masse… et tu peux rester près de moi… Oh, Jacob, si tu savais combien j’ai besoin de toi…
Une famille juive ? Norwich ? Des croisés ? De quoi parlait-elle ?
Chaque assaut était asséné avec une telle violence qu’il vibrait de la tête aux pieds et aucun de ses coups ne touchait son but. S’il ne fut pas atteint immédiatement, ce fut uniquement grâce à une chance insolente et à l’art de son frère qui se battait avec maestria.
Ses baisers se firent plus insistants et ses caresses plus hardies. Comment lutter, alors qu’il sentait sa poitrine gonflée sous l’étoffe de sa robe se comprimer contre son torse et qu’il sentit sa main descendre entre ses cuisses.
La destinée n’existe pas et il n’y a pas d’autre vie que celle que nous vivons au temps présent, et je n’ai pas envie que la tienne s’écourte parce que tu auras poursuivi une chimère…
On lui fait miroiter la belle vie, on la couvre de cadeaux, puis la drogue et la déchéance… Jusqu’à ce qu’elles appellent toutes le jour de la cérémonie… Ces types me dégoûtent.