Citations de Camille Goudeau (50)
Les moments importants pour les alcoolos, c'est toujours un terrain propice au dérapage. Je sais ça. Je me souviens , la fête de l'école, la chorale du lycée, le récital de piano, les réunions parents-professeurs...je l'ai vécu avec Jacqueline. Pour qu'un proche alcoolo foute en l'air un moment crucial, il suffit de lui dire : "Je compte sur toi c'est très important pour moi".
L'alcoolique détruit tout, il joue aux quilles avec la foule, il casse ses jouets.
(p. 255)
J'ai lu tout Rimbaud depuis longtemps. Mais ma vraie beauté à moi, c'est Knut Hamsun,- La Faim-, William Burroughs, -Le Festin nu-, Boulgakov, -Le Maître et Marguerite-, Elsa Triolet,- Fraise-des-Bois-...et il y aura toutes celles et ceux qui viendront après, ils me tiendront la tête à l'air libre, au moins la tête. (p. 265)
Baptiste est très spécialisé, souvent il ne vend rien du tout de la journée.
Il vient quand même. Les quais c'est addictif, un refuge pour ceux qui errent dans les rues, qui ne savent pas quoi faire d'eux-mêmes. On y connaît des gens, on sait qu'on va pouvoir parler à quelqu'un, regarder le temps passer sans trop angoisser. Les gens s'accrochent les uns aux autres et ils font comme ils peuvent, ils boivent du café, ils écoutent les histoires du quartier qui passent de boîte en boîte. Une maison sans portes, pour les clients, les bouquinistes et leurs amis. (p. 132)
Je vais rencontrer le grand-cousin pour de vrai, lui qui est si proche de ma mère et qui sait qu'elle existe, et de quelle manière elle se meut dans le réel. (p.149)
Mais bouquiniste, même si je gagne pas grand-chose, même si c'est incertain et temporaire, c'est formidable, c'est poétique, c'est libre, c'est fascinant.
Le trajet entre la maison et la gare de Chinon, valise chargée dans le coffre, enfance qui s'enfuit par morceaux, disparaît dans les champs de colza en fleur.
Jacqueline me tourne autour comme un oiseau furieux. Elle raisonne, fabrique des certitudes, Soizic ne partira pas. Elle me coince. Si je pars à Paris c'est pour retrouver ma mère, si je ne pars pas je suis une poule mouillée, si je vais ailleurs je suis une ratée. Qu'est-ce que tu préfères?
Ma place n'existe pas. Je vais usurper.
Le livre est compliqué, le livre est ennuyeux, le livre est élitiste, le livre est fait par des intellos méprisants, le livre ne m'aime pas, c'est un objet qui est fait pour ceux qui m'exploitent, le livre est trop difficile à lire, je ne veux pas l'ouvrir, on m'a toujours fait comprendre que le livre n'avait pas été écris pour des gens comme moi. Je suis trop bête pour le livre. Les écrivains sont un amas d'inside jokes destinées à l'élite. Et puis d'abord les livres qu'on m'a obligé à lire à l'école, ils étaient chiants, ils ne me parlaient pas de moi, ils avaient un langage qui fermait la porte au nez du mien. L'élitisme. Qui a tué Jack London?
Je me sens observée, j'ai peur de faire tomber des choses et que les Parisiens, assis derrière leurs volants, se moquent de moi. Comme quand il faut manger face à un inconnu des choses difficiles à manger proprement, par exemple des moules marinières, de très gros sushis, ou des tagliatelles, un ramen.