J'ai dû faire un bond de deux mètres. Je lève la tête. J'aurais dû m'y attendre. Ça ne peut être qu'elle : madame Piquedouille, ma voisine, et sa voix criarde si reconnaissable. Mais ce qui me surprend le plus, c'est de voir passer sa tête grisonnante au-dessus de ma haie qui fait au moins deux mètres de haut.
(Page 27)
Ce matin, je suis allé voir Davina en prison. Je ne l'ai pas reconnue immédiatement. Quelque chose avait changé. Et ce n'était pas seulement ses cheveux blonds coupés très court qui lui donnaient un air de garçon manqué. Il y avait autre chose. Dans son regard.
(Incipit - page 7)
Il y a un cadavre dans le coffre de ma voiture. Je ne peux même pas jouer la surprise et m’exclamer :
– Mais qu’est-ce qu’il fout là, ce putain de cadavre ?
Je ne peux pas, puisque c’est moi qui l’ai balancé dans ma camionnette, il y a dix minutes à peine.
Ce n’est pas dans mes habitudes. Je n’ai jamais fait ça. Jamais avant ce soir. Pourtant, en cette nuit de pleine lune, je trace à plus de cent à l’heure sur cette petite route de campagne, avec ce poids qui semble trop lourd pour ma vieille Berlingo et qui fait crisser les amortisseurs. À chaque virage un peu appuyé, il y a un petit bruit étouffé à l’arrière de la voiture : le long paquet enroulé dans une couverture rouge vif et ficelé à la va-vite brinqueballe d’avant en arrière et se cogne contre la tôle dégarnie. Ça résonne étrangement. Pourtant j’en ai déjà transporté des paquets dans cette voiture : colis divers, malles de voyage, bacs de Jupiler, même des vélos. Tous ces bagages divers tenaient rarement en place et glissaient derrière mon siège en éraflant le plancher. Mais jamais en produisant ce clapotis mouillé que fait une vague têtue qui revient sans cesse buter contre le même rocher.
Le pire, c’est que je n’ai tué personne.
C’est Davina qui m’a embarqué dans cette histoire.
Davina. La belle Davina. Ou la garce de Davina. C’est selon.
- Tu connais le meilleur plan pour déguster un Orval ?
Je balance la tête de gauche à droite pour signifier que je n'en sais absolument rien.
- Tu dois te rendre sur place. A deux cents mètres de l'abbaye, tu as ce café-restaurant, qui porte si bien son nom : "A l'ange gardien". Tu t'installes à l'étage pour avoir une vue sur l'abbaye. Et là, tu commandes la bière et l'assiette aux trois fromages. le jeune, le vieux et leur spécialité, la fromage à la bière. Un pur délice ! La bière relève le goût du fromage et inversément. Quand tu sors de là, tu as l'impression d'être nourri pour la semaine.
Tu peux me refaire la phrase avec un minimum de ponctuation ? Tu sais, ces petites virgules qui n'ont l'air de rien, mais qui permettent de respirer en cours de route. Juste pour ne pas finir tout bleu à la fin de la phrase, en état d'hyperventilation accélérée ?
J’en suis arrivé à la réflexion suivante : si c’est pour tuer quelqu’un, autant éliminer un emmerdeur, un gros naze de première. Parmi le réservoir in- commensurable des crétins qui nous cernent de toute part, j’avais ciblé certains des abrutis qui nous gouvernent et dont la mort aurait permis à bien des gens de se sentir mieux. Mais j’ai vite dû me rendre à l’évidence: je ne disposais pas de la logistique pour mener à bien un projet de cette envergure. Il ne fallait pas voir aussi grand. Je devais me rabattre modestement sur du petit gibier. Du faisan bien de chez nous. Un petit con du terroir.
Dans le peuple des chênes, on ne parle plus que d’elle. C’était leur amie. Ça faisait longtemps qu’ils n’avaient plus rencontré un être capable de ressentir leurs vibrations les plus profondes et leurs souffrances les plus intimes. Elle était pétillante et leur faisait du bien, et ceux qui ont goûté au plaisir de sa peau nue contre leur ventre ne se souviennent pas d’avoir respiré quelque chose d’aussi doux. Quand elle passait près d’eux en les frôlant de ses longues ramures blondes, les arbres se sentaient bien. Certains bombaient le torse et réajustaient leur chevelure dans l’espoir secret qu’elle s’arrête et les enlace longuement.
Ils ont vite compris qu’elle cherchait quelque chose et que c’était pour cette raison qu’elle s’arrêtait au pied du vieux couple de chênes.
Elle savait comme eux que, jadis, un drame s’était joué là.
Ces hurlements horribles qui avaient déchiré la forêt et tout ce sang qui avait été répandu à terre, entre les racines.
Un affreux souvenir qui replonge les plus vieux dans leurs histoires de guerre. Ils ne peuvent s’empêcher d’évoquer des anecdotes douloureuses, quand d’autres cris déchiraient la forêt, quand des projectiles d’acier s’enfonçaient dans leur ventre, quand leurs pieds trempaient dans le sang encore chaud des maquisards.
Ils concluent leurs palabres silencieuses en se mettant une nouvelle fois d’accord sur un point: les hommes sont fous.
Pourquoi a-t-il fallu qu’ils transportent leur folie jusqu’au cœur de la forêt ?
je suis épuisé. Faire l'amour avec une sportive démande une certaine endurance.