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Citations de Bertin B. Doutéo (29)


« Valseurs éphémères »

À la dernière heure
De la vie qui leurre,
La fleur quitte la feuille
Qui chute de la tige
Lentement s'endeuille
Puis au néant voltige.
Dansez poussières !
Dansez comme des chimères
Valseurs éphémères !

À la caresse du zéphyr
S'éteint tout désir
Mollement au sillage
De l'oubli qui voltige
Aux accords volages.
Dansez poussières !
Dansez comme des chimères
Valseurs éphémères !

À la voix de l'étreinte,
Gens et choses sans plainte
Modulent des complaintes
Au morne et dernier matin
Au chemin du destin.
Dansez poussières !
Dansez comme des poussières
Valseurs éphémères !

L'oiseau et l'abeille
En quête de butin,
À la valse s'éveillent
Ne sachant où faire pause
À la valse des lutrins,
Fête morose.
Dansez poussières !
Dansez comme des chimères
Valseurs éphémères !

Grain par grain la bise
Soulève la montagne
À tête grise
Solitaire en campagne
Qui valse sans répit
Au chemin de l'oubli.
Dansez poussières !
Dansez comme des chimères
Valseurs éphémères !

Valse aussi sous l'arbrisseau
Le gai et doux ruisseau
Qu'égare de son cours
Le rocher qui s'en va à tour
Molécule par molécule.
Dansez poussières !
Dansez comme des chimères
Valseurs éphémères !

Valseur diabolique
De la voûte cosmique
Le trépas chute de vertige
Sur l'homme, dernier vestige
Lui clos les lèvres,
Le fait cadavre
À la valse des ivres.
Dansez poussières !
Dansez comme des chimères
Valseurs éphémères !
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« Variantes »

Le triste moulin des ans
A broyé et mis en sang
Les mourants panoramas
Râlant au cruel coma,

Impuissante, mainte nature
S'éteint dans sa parure.
À l'hymne de l'Éternité,
Beauté n'est que vanité.

Déjà le bois est sans feuille
Et voilà que la nature en deuil
La vaine nature éphémère
Tombe en fines poussières.

À cette aube déclive,
À cette heure trop hâtive,
Vain solitaire indolent
À pas indécis et lents,

Je m'en vais bien pensif
Doucement au pied des récifs
Car ta latente mort,
Nature, me prédit mon sort !

De la vie, infortuné galant,
L'homme apparaît allant
De jour et de nuit au tombeau
Le cœur sans cesse aux sanglots.
Mainte nature ! Homme et bois !
Salut pour la dernière fois !
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« Sont-ce les vacances ? »

Sur nos toits, sur ceux de là-bas,
Le ciel morne verse déjà
Des langueurs
Et des pleurs !
Au bahut, la rouille fait grincer
Des volets et des pupitres les charnières,
Tandis que la mousse ouvrière
Dans les bouquins se met à pincer
L'oubli
Sans répit.
Dans les cours verglas et silence
En perpétuelle audience
Chargent sans cause un dortoir muet,
Une salle, un triste chevalet !

L'abeille a déjà son essaim
Dans le verger au sein
Du vieux manguier,
L'herbe qui bouillonne
Dans les sinueuses allées,
L'insecte qui papillonne
Dans l'inerte cheminée
Traduisent bien les vacances
Avec impertinence !
Aucune âme qui vive dans les classes,
Dans ces classes jadis vouées aux ivresses.
Sont-ce déjà les vacances ?
Où sont-ils tous les oiseaux ?
Sont-ils tombés dans l'eau
Par folle imprudence ?

Jadis, quand ils guettaient le bahut
Que les études transforment en prison,
Ils venaient habiter ma maison
Qui s'accommodait à leur chahut.
Où sont-ils ces frêles arbrisseaux ?
Sont-ils noyés dans le ruisseau ?
Au bahut, la rouille fait grincer dur
Des volets et pupitres les charnières,
La poussière ternit les murs,
Le rat languit dans la cuisinière,
Pourtant je n'entends
Point de ces moineaux volages les cris.
Sont-ils tombés dans un étang
Après un insecte, un petit cri-cri ?
Ont-ils préféré la musique de quelque villa
Au bruit de ma douce pétaudière ?
Je voudrais les revoir, ces gars
Dans le badinage de mon ornière.
Sont-ce déjà les vacances ?
Où sont-ils tous les oiseaux ?
Sont-ils tombés dans l'eau
Par folle imprudence ?

L'on dit qu'ils sont innocents
Comme au ciel les anges,
Doux comme les petits agneaux
En extase dans la grange
Cependant que leurs tours méchants
Font entrevoir les tombeaux.
Sont-ce déjà les vacances,
Temps de sotte vengeance !
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« Parfum des cocotiers »

Parfumerie pour les abeilles,
Parc pour le margouillat au soleil
Marché forain pour les guêpes
D'où vous vient ce parfum
Si doux, si suave
Cocotiers !

Tu m'enivres dans le soir,
Mon âme a des transports
Je suis rempli de toi
Parfum fin, parfum doux
Des cocotiers !

Si le clocher jacquevillois frissonne,
Si l'océan jaseur fredonne
Des notes marines, des notes câlines,
C'est qu'ils sont ivres de ton doux encens
Parfum aérien
Des cocotiers !

Parfum si exquis, si fin,
Symbole de l'idée haute
Encensoir de toute chose pure
Tu es Amour, Vérité
Parfum léger
Des cocotiers !

Mon ciel jacquevillois vaut Tabernacle !
Il est si serein, si parfumé
Si attrayant, sent tellement bon !
Tu l'as embaumé de toi-même
Parfum suave et doux
Des cocotiers !

Parfum aérien des cocotiers !
Source limpide du ruisseau,
Aubade de la gent ailée,
Valse lente des roseaux,
Doux encens cher à mon cœur
De toujours, parfum si exquis
Des cocotiers !
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« J'écrirai ton nom »

(...)

Le régisseur de raison
Ne connaît point l'innocence
Les hauts murs de la prison
Ont émoussé ses sens.
Robot, automate, il ne se souvient
Même plus du ciel :
Les ordures de son subconscient
Sont seules en éveil
Dardant de toutes parts
Leurs yeux assombris
Dardant de toutes parts
Leurs bras amaigris.
Où es-tu donc toi
Qu'on attend depuis les millénaires ?
Avec les boyaux du régisseur
J'écrirai ton nom dans le mur.

Aux obsèques de Phébé
Quand le ciel est affligé
Au recensement des astres
Quand le ciel est aveugle
Que le pasteur dort en sa chaumière
Que les feux follets se métamorphosent
Que retentit ta voix
Ô toi qu'on ne doit point nommer,
En lettres lumineuses
J'écrirai ton nom
Dans les veines du firmament.

Dans la chaleur des chaussées
Dans l'âme des trottoirs
À la devanture des hôtels
Dans la bavure du temps
À l'entrée des villes
Sur les champs de bataille
Où meurent les années
Avec des galets blancs
Baignés de la cendre des tombes
J'écrirai ton nom.
La nuit sera jour
Le jour sera éternel
À l'entrée des villes.

(...)

Au fronton des palais royaux
À l'escalier des empereurs
Aux portiques des églises
Aux portails des villas
J'écrirai ton nom dans la pierre
En lettres de fer forgé.

Sur la tombe de ceux
Qui sont morts pour rien
Sans t'avoir connue
Sur le front de ceux
Qui languissent au bagne
Nus,
Dans l'écorce du filao
Pleureur.
Dans le sang des princes
Sur le casque des militaires
J'écrirai ton nom
Avec le stylo des anges.

(...)
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« Regret »

Respirer au parc ensoleillé
Les parfums suaves des fleurs
Nouvelles par la brise éparpillées,
Transformer en salon ton manteau
De verdure si tendre si propre
Jouer au colibri dans les boqueteaux
Chantants de la Moskova ou du Dniepr
Entendre battre, battre ton cœur
Au rythme du souffle divin
(...)
Devenir Diogène, Aristote ou Appolon
Au sortir de tes mille Universités
Ah ! voyage qui m'a rempli de gaieté
De tendresse, dis-moi encore jusqu'à quand ?
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« Ondine à Fresco »

I

Les hautes eaux
du Gô,
Les canots
d'iroko,
Ô Gondoliers !
Ô Timoniers !
Lune
topaze,
Dune
d'extase,
Ah ! vieux coraux
en carreaux !

II

Au tamarinier
étrange,
Au palétuvier
en franges,
Le chant du lamantin
ange
Des hautes eaux
des zoos
Fait valser
le badamier,
Fait danser
le cocotier
à Fresco,
Oh ! vieux coraux
en carreaux !

III

Les basses eaux
du Gô
à Yoko
en bouée
Les hautes eaux
du Bolo,
à Bohico
en canoé,
Longs poèmes
ô lamantins,
hôtes
hauts des eaux
de Bohico
Ah ! vieux coraux
en carreaux !

IV

Au ciel de Fresco
les aigles hauts,
dans les hauts
palmiers,
Les aigles aériens,
châtelains
des palétuviers
Ont leur concert
de guitare
de cithare
ô lamantins
témoins hilares
de cette ondine
Aux vieux coraux
en carreaux !

V

Dans la fragrance
des citronniers
Dans la fragrance
des mandariniers
hocco
mordoré
avide
de limace,
fait roco
Au ciel de Bohico.
Dans les rosaces
du couchant,
Dans les lumières
du levant,
Comme l'espoir
renaît toujours,
Ô vieux coraux
en carreaux,
Maîtres de cette ondine.
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« Coup de pilon »

Le coq venait à peine
de saluer l'aurore
que commença
sonore
le yagba
de tous les pilons du quartier.

Résonance de mortier !
Remplis la sébile du mendiant
qui a faim
Veille sur le sommeil de l'enfant
qui dort au tata
Mets la force dans le bras
De la femme noire éternelle pileuse
Mets du rythme dans l'air
Fait tomber l'abondance
sur la terre
Fais éclater la satiété dans les champs
Résonance de mortier !

Coup de pilon !

Le pilon tombe retombe
dans le son
Tombe retombe au son
des battements
des mains noires
Happé par les bras d'ébène
dans le rythme d'ensemble
dans le rythme saccadé.

Coup de pilon !

Ta voix rôde à la fontaine
Joue sur les miradors déserts
Se promène dans les ruelles
Encore laiteuses du village
S'identifie à l'écho
Lointain et imprécis
Résonne, dure, se prolonge...

Coup de pilon !

Le pilon répond au pilon
Les pilons se répondent...
L'accalmie succède à l'accalmée
Réveillée par le coup de pilon
qui tombe dans le son
Et les coups de pilon
Se déchaînent subitement
chantant crescendo
Dans le ventre des mortiers.

Résonance de mortier !
Les jeux nocturnes
Se parfument de l'encens
des récoltes ;
La continuité de la vie
Prend corps dans la régularité
des festins diurnes
À chaque envolée
De coup de pilon
Mourant crescendo
Dans les flancs du mortier.

Coup de pilon !

Le pilon bavarde en compère
Se repose, psalmodie des bémols,
Appelle le mortier
S'éparpille en gonzo et mambo,
Crie dans l'air,
Frappe encore,
Encore plus fort,
Puis se tait,
L'écho de sa voix
Mourant par degrés
Dans le lointain.

Coup de pilon !

Les grains qui meurent s'interpellent :
Le fonio répond au sorgho
Le maïs appelle le sésame
qui répond au mil,
Et le pilon de Tiencost
Interpelle celui de Djémien
Invitant à l'aria,
Tous les pilons du village.

Coup de pilon !

C'est à l'aube
De ce matin d'abondance
des coups de pilon rapides,
des coups de pilon lents,
Tantôt précipités
Tantôt saccadés,
Se répondant.
Se taisant.
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« Chanson du clavier »

Artiste de piano
Ou virtuose du violon,
ses doigts longs
ses doigts blancs
sur le clavier
blanc d'argent
engendrent des frissons
Que scande la chanson
précipitée des caractères
d'acier blanc.
Ô frisson doux d'Été

dans la chanson argentine !
Oublieux, ivre de miel,
extasié de mouvements,
Je suis, rêveur sempiternel,
le lent balancement
de ses cheveux noirs,
elle, indifférente, moi, lutin.
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« Le Train »

Dans la gare encombrée
Des ré aigus et prolongés
Des do stridents intermittents
Un cri — un hurlement — une voix :
C'est l'autorail, géante couleuvre
D'acier qui fait ses adieux.

La tristesse et la joie
Dans la carcasse
Boudant, reniflant, grondant
Impitoyable comme la pieuvre
On a beau le prier
De retarder son départ
Mais le fou est parti
Et c'est là-bas
Dans la savane qui crie
L'autorail comme une couleuvre
D'acier sur les rails.

J'aperçois encore sa lumière médiane
Vaciller comme la lumière du phare
J'aperçois aussi un dos blanc
Des flancs verts, un ventre noir.
Le reptile d'acier charrie
Vers d'autres horizons
Ses mille cargaisons.
Dans son ventre sonore
Comme une voyelle
Anxiété ! soupir ! espérance ! tristesse !
Une dame pensive rêve à son homme.
Un enfant songe, mélancolique.
Un Monsieur s'endort dans le souvenir
De sa femme absente
L'ennui et l'attente sont bien sévères.

Entonannt son chant magnifique
Le reptile d'acier siffle
Son interminable kyrielle
De ré aigus et prolongés
De do stridents et diésés
Doublant les mères de cailloux
Les ponts, les côteaux, le gazon
Volant vers d'autres horizons
Et c'est dans la savane
Qui geint et pleure
L'autorail comme une géante
Couleuvre d'acier sur les rails.

(...)
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« Étoiles »

Flambeaux du Cosmos !
Vous scintillez
Comme le manteau des princesses
Étoiles nos marraines !
Vous dansez comme la pileuse
Vous dansez comme le dameur
de route, perles d'argent !

Manteau de néon de la nuit
Vous glissez sur le mur
Vous filez sur l'eau
Vous courez dans la vallée
Comme des revenants !
Bien souvent vos écailles
Nagent encore dans l'onde
Longtemps après votre passage.

Filles du Firmament !
Vous êtes la magie
De l'Illumination
L'œil, l'Esprit du Monde.

Quand viendrez-vous
Habiter ma casbah ?
Je suis noir
Je suis opaque

Donnez-moi de grâce
Un peu de vous
Étoiles savantes !
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« Sable des plages »

Rends-moi de grâce
Un peu de mon enfance
Sable des plages !
Miroir des berges
Repeins le panorama
De ma vie
Étoile des berges !

Au sable des plages
C'est l'éternelle randonnée
Des éphémères
Quand une lame
Puis une lame
Ont passé sur le sable
Laissant leur écume
À peine née
Aussitôt morte
Au vague printemps
Dans la brume du temps.

Les amants ont laissé
Des baisers au sable des plages
Les crabes ont fait leurs trous
Dans le sable des plages
Mais une houle
Puis une houle
Ont déferlé sur la grève
Abandonnant leur écume
À l'ensevelissement
Sur la plage oublieuse
Combien scabreuse !

Le sable grossier des plages
Grince au gosier des amants
Quand la vague ensevelit
Le pas des amoureux.
Douloureux souvenir
Dans la brume du temps.
Et le souvenir se dissipe
Lentement au fil des ans
Quand une vague
Puis une vague
S'infiltrent dans le sable mouvant
Et meurent sur la grève d'argent.

Et les baisers et les fleurs
Et le trou des crabes
Et le pas des amants
Ne sont que des souvenirs vagues
Dans la brume du temps
Quand une lame
Puis une lame
Ont passé sur le sable des plages
Où tout fuit comme en songe
Où la vie est un Prénom
Sans Renom.

Tombeau pour le temps
Le sable des plages
Ne garde point éternellement
Les traces qu'on y laisse.
La lame a vite fait
De tout ensevelir
Dans la brume du temps.
Au sable des plages
C'est par intermittences
De vagues réminiscences.

Malgré le temps
Il est cependant
Au sable des plages
Au gravier des berges
Des empreintes qui demeurent
Comme des soleils éternels :
Ce sont celles écrites
En lettres d'Éternité
Dans l'écorce du temps
Et ton nom est gravé
Au sablier de mon cœur
Dans l'écorce du temps.
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« Vase clos »

L'homme est une maudite toupie
qui roule sans répit dans la poussière
Variante où, en fauve, se tapit
L'incertitude des ans poussières.

Noyé dans l'Univers et les tribulations
Qui lui pèsent comme un géant château,
Il tente de trouver consolation
Au sommet des chapiteaux.

Au long de sa brumeuse destinée,
Il va clopin-clopant, déjeunant d'ennuis
Dînant de souillures, de pourritures,
Le cœur gros, l'âme minée.

Le cœur humain est un vase clos
Qui a mauvaise résonance.
Le contraire est absurde et faux
Et égare celui qui l'accepte, le pense.

S'il en était autrement, pareils
Bruits feraient trembler toute la terre
Et déchireraient les cieux, le soleil
Puis feraient voltiger les îles, même l'Angleterre.

Chaque être qui va son chemin est un poids
D'événements néfastes et accablants
Qui se déplace avec ce doux froufrou de soie,
En silence, d'un pas tremblant.
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« La Route »

Comme elle est intelligente la route !
Mais pour sa naissance,
Quelle sueur empreinte de doute
A-t-il fallu verser sans défaillance !

C'était au temps où, vains cadets,
Nous étions sans machine, temps où
Le muscle était d'acier mou,
Et où l'on allait à pieds.

Ainsi créées, partez routes,
Sans souci de droiture aucune.
Allez partout où l'on doute,
Partout où trône la lacune !

La route part, tantôt vaste,
Tantôt mince ou étroite,
Avec ses méandres en accordéon
Et serpente au vallon !

Hardie comme un vaillant cycliste,
Elle grimpe le coteau aride,
S'obstine comme un bouddhiste
Et va son chemin d'un pas valide.

Le trajet a été rude au coteau !
Pour se refaire elle plonge dans l'eau,
Fait naître un bac, un pont
Puis repart avec des palmes au front.

Ouf ! Il fait chaud ! Quel soleil !
La route se précipite au bois,
Flâne en dandy, sommeille
Puis se relance d'une allure de Roi.

Comme l'ombre miaule et descend,
Comme le soleil en déroute
Sombre dans son propre sang,
La route revient au logis à l'heure du doute.

Sage, la route revient toujours
À son doux point de départ !
Mais l'homme qui va au hasard
N'est souvent pas de retour.

La route est-elle plus intelligente
Que le père, la mère ou la tante ?
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« Chanson des vagues »

L'Océan s'étale dans le lointain
Cachant dans ses flots le mystère.
Soucieuse, elle s'accroche à mon bras d'airain
Sanglote et pleure sa misère.
L'Océan s'agite
Son cœur palpite.

Sur la grève, la vague qui s'allonge
Prise de fureur, se tord, se casse.
Devant le drame, dans mon cœur plonge
Le doute noir qui crie de détresse.
Soucieuse, son cœur frémit
Blessée, la vague gémit.

Dans ce hameau où la mer crie,
Mon cœur sur mes lèvres s'évanouit
À vertigineuse allure de cascade
Qui pleure dans ses ballades.
Angoissée, elle s'accroche
À mon cou de roche.

La déesse descendue sur plage,
La mer fascinée cesse ces clameurs.
Tous les oiseaux venus à la nage
Entonnèrent une ode en son honneur.
Grâcieuse, elle se balance
Amoureuse, la mer danse.

À l'appel de son nom, les cieux entonnèrent
Au rythme des vagues, une sérénade
Que les lames, le sable, interprétèrent
Tout doucement en tendre aubade.
Mon cœur connut un déchirement
Continu, sans apaisement.

Le temps est d'argent sur cette grève
On s'amuse, on s'oublie, car on rêve.
Son charme a gagné l'Univers
Je lui dédie ces vers !
Au cri des bravos
Les morts sortirent des tombeaux.

Après tant de grâce, elle a gagné sa cabane.
Devenu vieillard et m'appuyant sur ma canne,
J'ai sangloté comme une veuve sans soutien
Ayant perdu à tout jamais l'entretien
Des jours de délice où sa tête sur ma poitrine
A fait retentir d'espoir ma narine.

Les belles choses ont de commun l'inconstance
Les nuits troubles font naître la somnolence.
La douceur des lunes appartient à d'autres.
Je ne serai du souvenir, que le fidèle apôtre.
Mon cœur serré comme dans un étau,
Connut de douloureux coups de rabot.

Une nuit que je me débattais avec mon âme,
J'entendis comme un ouragan le sinistre tam-tam.
Le jour succédait au jour et déjà
L'écho colportait ailleurs et là-bas
La rumeur irrévocable de son union
Avec son autre Amour Dynion.

Oui ! Je me souviens
Encore de nos liens.
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« Triangulaire »

Gravement surpris, le soleil se précipite au gouffre.
Acharné, l'oubli tisse son interminable manteau.
Au port, le marin attend en vain son bateau.
Viendra-t-il ? il est chargé de feu et de soufre.

Une vieille qui gémit sur ses ans
Symbolise le suprême et fatal élan.
L'homme glisse sans bruit, sans non plus
Laisser trace de son éphémère séjour.

La pierre isolée où vient pleurer un jour
Un orphelin, affûter sa lyre un grillon velu
Devient à son hiver, poussière.

La poitrine à l'espoir, l'homme dans sa misère
Croit mutiler l'Univers — Peine perdue !
Les ans l'étendent tel un pendu.
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« La Chemise usée »

Quand fil à fil la chemise
Trahit et fait mauvaise mine,
Le fripier s'en empare volontiers
Puis en fait des merveilles pour l'écolier.

Morte ainsi, elle vit encore !
C'est surtout la joie des usines et des élèves.
Comme elle, s'use trop tôt à l'aurore,
Notre corps, heure par heure, sans trêve.

Comme le fripier, le cimetière se dresse,
Nous jette dans l'engrenage de son usine,
Pour en faire la joie d'inconnues déesses.

Quel doux plaisir, celui de voir l'étape !
Cent fois gloire aux femmes en gésine
Qui y arrivent en silence comme Œdipe.
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« Chirurgie »

La nuit tombe sur les vitrines,
J'entends le souffle inégal des poitrines.
Dans l'ombre, quelqu'un avance
Avec dans la main, une lance.
Sans bruit, il gagne le berceau
Où repose un joueur de cerceau.

À la lueur des candélabres,
De son regard macabre,
Il épie père et mère
Morts d'un sommeil de vipère.
Personne ne veille, l'heure est propice
Là-haut les étoiles, en bas le précipice.

Il hésite, s'approche, s'approche
De l'enfant qui songe, qui dort,
Lève son glaive jadis sans reproche,
Et lui donne le fatal essor.
Au même moment une étoile filante
Irradie le ciel puis tombe mourante.

Le fer plonge dans la poitrine,
De qui le ciel est jaloux.
Le sang coule et tache sa narine,
Son gosier a des accords épais et doux.
L'ombre de l'oubli descend,
Inodore, dans la mare de sang.

Le cerveau coule et s'étale inerte,
La mouche vient, avide de fête,
À ce triste festin sonore.
Le gaz crépite, crépite dès lors,
Une odeur de mausolée
Vient parfumer cette scène voilée :
Le glaive plonge dans la poitrine !
Les poumons jaillissent,
Il plonge dans l'échine,
Les vertèbres apparaissent.
Le sang gicle, l'eau ruisselle,
L'horreur naît et s'amoncelle.

Le berceau de jour et de nuit
Se couvre de lugubrité cynique,
Le scandale et le sacrilège, c'est un puits.
Le chaos crève dans la panique,
La vie s'est éteinte à l'aurore
Dans la scène de mort.
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« Mélange sanguin »

À mes pieds, hypocrite, mystérieux, perfide,
Le sinistre Océan étale ses eaux sournoises et limpides
À l'interminable et diabolique clameur,
Chez nous riverains, symphonique terreur.

Lugubre, insatiable, il se dresse altier
En dauphin, seigneur, empereur fougueux,
Fait des veuves dans les hameaux côtiers,
Crée de tristes tableaux langoureux.

Pleure-t-il seulement le nombre
De marins dans ses flots engloutis ?
Ses tristes exploits dans l'ombre
Rendent plus méchant son sournois clapotis.

Son fatal écho vient gémir au hameau
Qui par contagion, se fait de la mort le héraut.
Partout, d'ignobles cabanes prêtes à crouler,
Des ruines graves de choses et d'animaux mêlés.

La présence humaine est d'or en ce lieu,
Par moments, une vieille ou un vieux
Qui n'attendent plus que le gong brutal
Sont les seules figures de ce lieu fatal.

Voici longtemps que les masures sont muettes,
Œuvre de la vétusté dans le temps accomplie.
Sur leurs flancs qui s'effritent, point d'espérance,
Elles s'en vont miettes par miettes sans répit.
Elles se dressent en rempart contre l'adolescence,
Le passé et les sombres mouettes.

L'on n'y voit point des punaises les frêles squelettes.
Est-ce qu'elles se cachent pour mourir ?
A-t-on besoin pour finir
De tant de farces, de tant de saynètes ?

Entre le village pensif et l'Océan rageur,
Le cimetière est là, grave, sauvage
Adossé à l'oubli, éclos de fleurs
À l'interminable mouvement de tangage.

On dirait qu'elles ventent ceux qui reposent
Là depuis, les lèvres à jamais closes.

Les tombes ne portent point d'épitaphes.
Chez nous, les légendes en tiennent place
Quand, inattendue, tragique, la glace
De la mort vient grêler le cœur philosophe.

L'Océan taciturne, le morne village
Et le cimetière font là un triste étalage.
Au tendre bébé il faut un doux berceau,
À notre dépouille un morne tombeau.
S'il faut au petit oiseau la graine
Pourquoi pas au cimetière la gangrène ?
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« Pluie de mandoline »

La pluie de mandoline
Fredonne la peine badine
De ma vie plaintive.
La mandoline de pluie,
Douce et morose, fuit
Mon âme négative,
Sable poreux des plages,
Limon friable des berges.

La pluie de mandoline
Tombe grêle, câline,
Sur la vague automne
De mes ans monotones.
La mandoline de pluie
Murmure la romance
De mon cœur en partance,
Cœur si fragile, si étrange !

Au grenier, à la grange,
La souris se dodeline,
Éprise de la chanson fine,
Du rythme vrai, du rythme pur,
De la mandoline de pluie.

Rosée au soleil,
Rose le soir,
Le désir s'endort au son
De la pluie de mandoline.
Dans les créneaux de la chanson,
L'espérance s'évapore
Au cœur de ma belle ivre
De pluie de mandoline.

Berceuse de cœurs en peine,
La pluie de mandoline
Caresse mon âme en gaine
Qui doucement résonne,
De pluie de mandoline.
Et la mandoline de pluie
Tombe drue et fine
Sur mes amours d'aujourd'hui.
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