Bernard Montini

Enfin se reposer…



Enfin se reposer,
imprimer aux draps
la lourdeur du corps.

Être sans passé.

L’esprit…



L’esprit, ce loup blessé à mort, rôde,
sous un ciel d’étain,
dans un bois de bouleaux en larmes.

Si un jour…



Si un jour

la mort te chuchote
des paroles apaisantes
oppose-lui l’éternité de ton instant

Elle va
sans ailes
avec des bruissements
d'âme nue

Si un jour…



Si un jour
et puis plus rien

sérénité du désert…



L’âme s’égoutte
s’évapore

plus rien ne bouge

tout se réconcilie
jusqu’au blanc final

sérénité du désert

Si un jour…



Si un jour

tu n’en finis pas
de tourner autour
d’un lampadaire éteint
sache que la lumière
est là
où ton corps se trouve

Si un jour...


Si un jour

l’immensité de la blessure
n’a plus d’écho
assieds-toi sur un banc
offre ton silence aux nuages

 
 
Si un jour

dans la cour
de l’hôpital
des pigeons te regardent
deviens ce regard
sur toi-même

Si un jour//d’épuisement



Si un jour

d’épuisement
tout te semble sans but
descend dans tes atomes
et laisse-toi tournoyer sans fin

Entre ses cartilages…



Entre ses cartilages,
quinze milliards d’années
lancent des miettes
à des fourmis aveugles

Béances



Tout désordre confondu
il admet par secousses
ses béances
où gitent des monstres inconnus

À la façon du serpent…



À la façon du serpent
ses peaux sèches
ont acquis
leur recommencement
dans l’oubli d’elles-mêmes

La statue de la rue…



La statue de la rue
et la pluie qui ruisselle
sur elle
en larmes factices

Il traverse anonyme



Fabricant d’oublis
trafiquant de songes
il traverse
anonyme
des déroutes lumineuses

À deux pas du nénuphar…



À deux pas du nénuphar,
le crapaud n’a plus de voix.
Il va mourir ;

le nénuphar n’en saura rien.

Il vit…



Il vit
comme l’envol effaré de la perdrix
pressentant à son cou
les griffes de l’aigle.

Pauvres mots…


Pauvres mots
qu’il ne saura à jamais
investir
ses désirs claquent
comme la canne de l’aveugle
sur les pavés

Peu de chose…


Peu de chose
sinon ce va-et-vient
du sang
jusqu’au cœur du monde

Au-dedans du vent…


Au-dedans du vent
ce qu’il ignore
le porte
ce qu’il sait
fragile obsolète
il fait semblant
de n’en rien savoir
pour survivre