Ava Strong

Elle imaginait un type crasseux et barbu avec le cou tatoué en train d’attacher les femmes impuissantes à l’arrière d’une moto, seulement après s’être servi d’elle pour assouvir ses plaisirs les plus pervers.

Daniel n'avait aucune idée de ce qu'était le Blemmyae mais décida de ne pas l'interrompre. Il pourrait chercher sur Google plus tard, en supposant qu'il puisse trouver comment l'épeler. 

Il n’aimait pas beaucoup parler. Il trouvait que c’était un gaspillage d’énergie. La plupart des choses pouvaient être communiquées par l’action. Et la majorité des
choses qui étaient dites auraient très bien pu ne pas l’être.

À ses yeux, les cadavres étaient plus sincères que les gens.

En repensant à sa propre
expérience, elle se rappela que c’étaient les plus petits détails qui avaient
fini par la mettre sur la piste du meurtrier. Ceux-ci pouvaient fournir de
précieux indices, si elle était capable de les repérer.

Quels éléments subtils mais
importants pouvait-elle déceler dans cette scène et qui pourraient la mener au
meurtrier ? se demanda Stella en regardant autour de la pièce.

Il était malheureux que Stella se
soit non seulement avérée être la meilleure au tir au pistolet, mais aussi supérieure sur le plan académique durant le programme. Même quand Stella avait noué des liens avec les autres stagiaires au cours de ces derniers mois, Carrie avait
refusé de céder. Au fil des mois, Stella avait vu la frustration et la nature hypercompétitive de Carrie dégénérer en des actes de malveillance et de sabotage.

Ils étaient penchés l’un vers l’autre. Cela était-il le signe d’une relation proche et intime ? Leurs yeux cerclés de rouge suggéraient le chagrin. Leur nature stoïque devant les agents des forces de l’ordre, associée à leurs tenues sophistiquées indiquaient un souci de l’apparence. Un couple de la haute société en deuil. Dakota éprouva une pointe de tristesse
pour les Shirer, mais s’efforça de contenir ses émotions.

Elle avait toujours eu le chic pour étudier ses adversaires, en repérant le moindre mouvement de cil ou d’un petit doigt, ou en examinant la contraction d’un muscle, l’orientation du corps ou la direction d’un coup d’œil. Ces mêmes capacités qui lui permettaient « d’observer les gens », comme elle appelait ça, l’aidaient également dans d’autres aspects.

Notre tueur attache ces femmes au bout d’une corde derrière sa moto et les emmène faire un tour. Mais seulement après s’être amusé avec elles en premier.

L’idée de voler haut dans le ciel, dans les nuages, loin des
responsabilités, des exigences, de tout… c’était un petit miracle en soi.

Pouvait-elle vraiment rester les bras croisés, à s’apitoyer sur son sort, pendant qu’elles se faisaient éliminer par un motard tout vêtu de cuir ? N’avait-elle pas traîné avec le même genre de type dans le passé ? Au vu de ses propres tatouages et de son adolescence… Elle connaissait le tableau.

Elle souffrait de dyslexie, mais son souci du détail lui permettait d’absorber de grandes quantités d’informations. Cela lui prenait
simplement plus de temps.
Sa mémoire et sa capacité à tout scruter à la loupe compensaient ainsi largement le fait qu’elle devait aller à son rythme.

Elle n’aimait pas qu’on lui fasse la morale sans se défendre. Là encore, il avait été son coach pendant des années. Il y a dix ans, d’accord. Mais il était
quasiment resté le même. Elle savait cependant qu’elle-même avait changé.

Casper avait toujours su parler au mieux sa langue. Il ne se laissait
emmerder par personne. Sauf, parfois, par Dakota. Elle avait toujours tenu une place particulière dans son cœur. Ce qui était en partie la raison pour
laquelle elle éprouva une pointe de culpabilité en voyant la façon qu’il avait de la regarder furieusement. Elle était rentrée depuis des mois et ne lui avait
pas rendu visite.

Un meurtrier s’était enfui il y a trois mois, en assassinant une petite fille. Un autre tueur, il y a vingt ans, s’était également échappé, cette fois en laissant derrière lui le corps d’une enfant qui faisait partie de sa propre
famille.
Dakota avait été au cœur des deux cas.
Les corps de deux petites filles suffiraient à miner la conscience de n’importe qui, mais la sienne avait souffert des effets acerbes d’une haine de soi destructrice depuis des décennies.

Elle tressaillit en se rappelant un souvenir encore plus lointain de sa propre petite sœur. Deux décennies, c’était long, mais pas suffisamment long pour oublier certains moments. Elle saisit une bouteille du frigo, la décapsula
avec une main calleuse et descendit le contenu en quatre gorgées.

Elle connaissait les gens. Elle connaissait leurs faiblesses, ainsi que leurs forces. Elle avait passé toute une vie à étudier les autres. En tant que femme dans le monde de la lutte, la moitié du combat consistait à obtenir l’avantage là où elle pouvait le trouver. Elle avait affronté d’autres femmes dans la cage, mais plus d’un homme — qui, sur le coup, essayait de montrer à un pote de quoi il était capable — avait cherché la bagarre avec elle après un match, ou dans un bar, ou juste pour s’amuser. L’information était un avantage. Le savoir garantissait la victoire.

On ne peut pas vaincre ce qu’on ne connait pas. Le dicton
préféré de son ancien mentor. Ce vieux dur à cuire irlandais habitait dans la même ville. Mais elle ne lui avait pas rendu visite depuis son retour.

En tant que femme célibataire dans sa trentaine, relativement séduisante avec des yeux gris-bleu, elle ne pouvait jamais être trop prudente. Il est vrai que, si la plupart des bons à rien du quartier la connaissaient un peu, ils éviteraient cet appartement comme la peste, mais une fille ne pouvait jamais se montrer trop prudente.

Les apparences comptaient. De plus, le chemisier et le pantalon élégants dissimulaient ses tatouages. Certains lui plaisaient encore, mais la plupart d’entre eux étaient des marques de la stupidité de sa jeunesse.

En tout cas, même si elle avait une toute petite dépendance à l’alcool et un gros syndrome de stress post-traumatique, cela ne voulait pas dire qu’il fallait qu’elle vive dans une décharge. Contrôle ce que tu peux contrôler
— n’était-ce pas ce que son ancien coach avait l’habitude de dire ?